Dossier
Bien penser la finition des femelles
Dans les systèmes allaitants, les vaches et les génisses de boucherie représentent une part importante du produit. La réussite de l’engraissement à un coût maîtrisé passe
par la valorisation de fourrages de haute qualité et
une complémentation bien pensée.
le type de finition.
ne vache bien finie, c’est d’abord une vache dont le poids, les caractéristiques de carcasse, la quantité de gras, et la couleur de la viande répondent aux besoins de l’acheteur final. Les demandes commerciales peuvent être assez diverses, mais comme les vaches de réforme sont destinées au marché français, cela facilite la communication entre éleveur et acheteur. La conduite de l’engraissement des vaches de réforme n’est pas évidente à rationaliser car cette catégorie d’animaux est très hétérogène. « Il faut évaluer le potentiel de la vache pour définir quel type de finition sera économiquement le plus valable, explique Luc van Nespen, spécialiste bovins viande chez Inzo. Cela dépend de sa sensibilité au dépôt de gras et de son potentiel de croissance, elle-même en lien avec sa capacité d’ingestion. » Pour certaines, une finition courte et rapide en 60 jours est la meilleure solution. Pour d’autres qui ont davantage de potentiel, une finition plus longue et plus coûteuse sera rentable.
La précocité et le type génétique de l’animal jouent d’abord en influant sur le potentiel de tissu gras total de la carcasse. Ensuite, un animal très conformé va déposer moins de gras qu’un animal à plus faible potentiel de croissance musculaire, ou plutôt il le fera plus tardivement. Si pour certains types d’animaux on cherche à contrôler la vitesse des dépôts de gras en finition, comme les Charolaise ou Salers, pour d’autres comme les Blondes, Parthenaises, Blanc Bleu, culardes… on essaie plutôt d’accélérer la formation de gras.
Suivi individuel
Même si l’engraissement peut être organisé en lots, un suivi individuel est nécessaire. À la station expérimentale de Jalogny par exemple, les vaches de réforme sont pesées tous les mois ce qui permet d’évaluer le gain moyen quotidien (GMQ) et de rééquilibrer la ration si besoin. L’appréciation du gras de couverture s’effectue par maniement en deux points : à l’attache de la queue et sur les deux dernières côtes.
« L’idéal est d’amener une vache à la note d’état corporel comprise entre 2,5 et 3 au moment du début de l’engraissement, conseille Hubert Rérolle, responsable bovin viande chez Sanders. « Cela permet d’obtenir de meilleures vitesses de croissance. » Le poids de départ joue aussi sur les performances : une vache qui démarre son engraissement à 620 - 650 kilos fera une plus forte croissance qu’une vache qui démarre à 750 kilos. Le modèle de l’Inra de 2007 qui donne l’estimation des besoins alimentaires définit, beaucoup plus précisément que celui de 1988, la situation initiale de la vache quand elle démarre sa période de finition. En effet, il tient compte de la race, du format, de l’âge et de l’état d’engraissement de l’animal. Il permet d’intégrer les réponses variées des différents types de vaches existantes. Quatre formats ont été définis à partir de la hauteur au garrot. Comme le modèle tient compte par ailleurs du poids vif, on comprend que l’on approche ainsi les différents types morphologiques de vaches et leurs réponses spécifiques aux rations d’engraissement.
Ces recommandations reflètent notamment qu’avec l’âge, les vaches déposent proportionnellement davantage de lipides. L’efficacité alimentaire diminue également avec l’âge. On considère souvent que les vaches de plus de 10 ans gagnent plutôt à être vendues maigres avec leur veau, qu’engraissées. Cela dit, une vache de 9 à 11 ans peut bien valoriser sa ration à condition d’avoir un poids de départ pas trop important, une alimentation correcte avant l’engraissement et un bon potentiel de développement musculaire.
Veiller à diversifier les sources d’énergie
Engraisser une vache, c’est d’abord apporter beaucoup d’énergie. Une bonne ration d’engraissement pour femelles doit être suffisamment dense en énergie pour que la panse ne se développe pas trop, et que le rendement de la carcasse ne soit pas pénalisé. « Le rendement en carcasse peut varier de 5 à 6 points pour des vaches, en fonction de la ration », précise Luc van Nespen.
Il est important pour un bon fonctionnement du rumen de diversifier les sources, en apportant l’énergie sous les trois formes : cellulose, amidon et matières grasses. Les apports sous forme d’amidon doivent être limités surtout pour la Charolaise et les races ayant un métabolisme similaire. Sinon les dépôts de gras seront favorisés. Et parmi les amidons, il faut tenir compte du fait que les amidons rapides (blé, triticale et orge) amènent à déposer davantage de tissus adipeux que les amidons lents (pomme de terre et maïs grain). Les amidons rapides par contre ont un pouvoir acidogène important. Pour les vaches de type Blonde d’Aquitaine, l’apport d’amidons lents, du type maïs ou amidons traités par différents processus pour ralentir leur dégradation dans le rumen, est fortement conseillé si l’on recherche des animaux bien couverts. Les matières grasses permettent d’ajuster le niveau énergétique de la ration sans accroître le risque d’acidose. « Les matières grasses insaturées sont plutôt source de développement des masses musculaires, les matières grasses saturées entraînent davantage de dépôt de gras de couverture », explique Didier Andrieu, ingénieur service ruminants de CCPA.
Les besoins azotés théoriques pour une vache à l’engraissement sont de l’ordre de 100 g de PDI/UFV. En pratique, les apports sont très souvent au-dessus pour les Charolaises et celles de même type de métabolisme, pour ralentir le dépôt de gras. En effet, un déficit protéique favorise un excès de gras dans la carcasse. « Nous conseillons un « trépied » azoté avec de l’azote soluble, de l’azote rapidement dégradable et de l’azote dégradable lentement », explique Luc van Nespen.
Les vaches à l’engrais peuvent souffrir d’acidose. Dans le cas notamment d’une ration riche en amidons fermentescibles, des levures vivantes sécuriseront le fonctionnement du rumen. Un hépatoprotecteur en milieu ou en fin d’engraissement peut être par ailleurs profitable.
Du confort pour les vaches en engraissement
« Pour de bons résultats, il faut aussi être vigilant sur le confort des vaches en engraissement. Elles doivent avoir suffisamment de place et être nourries à satiété », conseille Hubert Rérolle. C’est un gage de calme.
« En général, une bonne vitesse de croissance est plutôt favorable à un bon indice de consommation, mais il faut mettre cela en relation avec le coût correspondant », explique Didier Andrieu. Pas facile à approcher en élevage pour une ration à base de fourrages, l’efficacité alimentaire est plus facile à mesurer en ration sèche. « Pour une Blonde, une efficacité de 8,5 à 10 kilos d’aliments ingérés par kilo de gain de poids vif est satisfaisante. En race Charolaise, on est plutôt autour de 12. Si la ration n’est pas optimisée, on peut parfois être à 20 et la marge de progrès est alors très importante », précise Didier Andrieu. Ceci est lié en grande partie au respect du rapport PDI/UF ainsi qu’à la concentration énergétique et la nature de l’énergie.
Pour en savoir plus :
voir dossier de Réussir Bovins Viande de septembre 2013. RBV n°207 p. 54 à 72.
p. 57 - Une très bonne finition avec une ration sèche
Chez Pierre Airoldi dans le Gers
p. 58 - Engraisser au pâturage, économiquement intéressant
Tour d’horizon de cette pratique
p. 62 - Une finition possible avec un enrubannage de qualité
Des essais en cours
p. 63 - Deux rations à l’essai pour l’engraissement en élevage bio
La finition en production biologique est délicate à maîtriser
p. 64 - L’engraissement à l’épreuve de la conjoncture
Chez la famille Sudriès dans l’Aveyron
p. 68 - Des babynettes finies comme des jeunes bovins
Alourdir des broutardes pour en faire des babynettes conserve tout son intérêt