Bâtiment d’élevage : « Nous avons changé plusieurs fois d’avis avant d’aboutir à un projet façonné selon nos besoins »
Jean-Michel, Michelle et Damien Martin, situés dans la Creuse, ont lancé leur projet de bâtiment en 2019. Entre l’idée de départ et la solution finalement retenue, les plans ont bien évolué. L’accompagnement par la chambre et les visites dans d’autres élevages ont été une aide précieuse pour aboutir à un bâtiment qui leur donne aujourd’hui satisfaction.
Jean-Michel, Michelle et Damien Martin, situés dans la Creuse, ont lancé leur projet de bâtiment en 2019. Entre l’idée de départ et la solution finalement retenue, les plans ont bien évolué. L’accompagnement par la chambre et les visites dans d’autres élevages ont été une aide précieuse pour aboutir à un bâtiment qui leur donne aujourd’hui satisfaction.
Voilà le quatrième hiver que les vaches limousines de Damien, associé avec ses parents, Jean-Michel et Michelle Martin, passent dans le nouveau bâtiment. Situés à Dontreix dans la Creuse, les éleveurs avaient pris pour habitude de laisser les trois quarts de leurs effectifs en plein air intégral, mais avec la raréfaction de la neige et des gelées hivernales, les terres avaient tendance à s’abîmer davantage sous les pieds des bovins. Et les deux bâtiments d’élevage existants, construits dans les années 2000, ne pouvaient accueillir plus de bêtes.
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La charpente du bâtiment est repensée
Le projet de construction d’une nouvelle stabulation s’est réfléchi de pair avec l’installation de Damien en 2019. Accompagnés par Renaud Selles, leur conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de la Creuse, ils font et défont les plans plusieurs fois avant d’arriver à la conception définitive. « Au départ, les éleveurs étaient partis sur deux pans de toit, mais les volumes importants (42 x 42 et 9 m au faîtage avec une seule sortie d’air) ne garantissaient pas une ventilation suffisante », explique l’expert. Le dimensionnement du bâtiment reste identique, mais la charpente est repensée en trois blocs, pour arriver à une hauteur de toiture inférieure et avec trois sorties d’air à chaque faîtage.
Ils optent pour le système Ubak, un concept de ventilation naturelle en forme de U. « Le procédé évacue l’air vicié tout en maintenant l’étanchéité du bâtiment par le faîtage et grâce à son pare-vent intégré », poursuit le spécialiste. Pour l’apport de lumière, les exploitants posent des plaques translucides sur les deux pans de toit en fibrociment qui abritent les cases. Elles sont complétées par trois dômes éclairants. « C’est un aménagement qui nous a convaincus après la visite de plusieurs bâtiments d’élevage récents. On trie les lots comme en plein jour », appuie Damien.
Concernant la charpente, les bardages et les plateaux, les éleveurs penchent en faveur du bois, à une période où les prix avec le métal n’étaient pas aussi distendus. Par rapport à leurs deux autres structures métalliques, ces derniers disent ressentir davantage de fraîcheur l’été. « Le bac acier a tendance à rayonner davantage », confirme Renaud Selles. « Le bois a aussi l’avantage d’être plus modulable en comparaison aux autres matériaux. La découpe du bardage est facilitée », justifie Damien, qui anticipe des changements de pratiques possibles pour l’alimentation, en libre-service par exemple.
S’agissant des cases des animaux, elles sont assez profondes (17 m derrière les cornadis). « Il y a une juste bascule à trouver pour assurer confort et hygiène sanitaire sans tomber dans l’excès, où les bienfaits ne sont plus visibles alors qu’ils coûtent cher. Dans le cas du Gaec Le Mas, le couple mère-veau dispose de 14,90 m² », évoque Renaud Selles. « C’est l’espace qu’il faut, renchérit Jean-Michel, en lien avec la période de vêlages groupée sur l’automne. En avril, nos veaux ont atteint un certain gabarit avant la mise à l’herbe. » « En proportion, on passe aussi moins de paille que dans les autres bâtiments du fait de la superficie par animal », souligne Damien.
« On travaille mieux et on peut soigner seul »
Le travail sur la largeur des cases oui, mais celui sur le couloir aussi. Les 7 mètres en largeur permettent de passer avec la pailleuse intégrée au bol désileur sans risquer de rouler sur l’alimentation. « On travaille mieux et on peut soigner seul, indique Damien. On ne fait plus rien à la main, poursuit-il. On paille et on distribue l’alimentation le matin et on repousse juste le soir. C’est du temps dégagé pour la surveillance des animaux. »
La construction de ce nouveau bâtiment offre en effet un confort indéniable aux éleveurs. Pour toutes les interventions humaines, ils passaient un temps fou à la manutention des lots en extérieur. « Maintenant, quand on vaccine les animaux contre la grippe et la FCO, en 1 h 30, c’est plié ! », estime Damien. « Les animaux sont beaucoup plus calmes, notamment les génisses de renouvellement que l’on trie, fait savoir Michelle. Quant aux veaux valorisés comme broutards, ils profitent mieux l’hiver en bâtiment. On a gagné un mois sur la vente. » Les éleveurs continuent de faire vêler dehors. Ils rentrent leurs vaches suitées une fois que les veaux ont trois semaines de vie, à la fin du mois de novembre.
Au lancement du projet en 2019, « on s’était fixés d’avoir un bâtiment fonctionnel dès l’hiver suivant pour le rentabiliser au plus vite », situe Damien. Objectif tenu avec une durée totale de chantier de onze mois. « Les visites d’autres bâtiments d’élevage nous ont aussi servies à se rassurer sur le choix des entreprises, vérifier les délais de montage et leur bonne coordination sur le chantier », poursuit le jeune exploitant. La famille Martin a délégué tout le gros œuvre. Ils se sont occupé de la pose des bardages bas, des plateaux en bois et des tubulaires. Ils ont également géré la pose de la tuyauterie, l’écoulement des chéneaux et autres descentes d’eau. Enfin, ils ont fait leur électricité. « On a juste acheté les fournitures, et ainsi économisé 8 000 euros par rapport à la délégation à un prestataire », note Damien. Attention tout de même, car « depuis le nouveau PCAE 2023, lorsqu’un éleveur désire avoir les subventions PCAE en Nouvelle-Aquitaine, les postes charpente-couverture, électricité et fosse à purin/lisier doivent être obligatoirement faits par une entreprise », met en garde Renaud Selles.
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Chiffres clés
Et si c’était à refaire ?
« On trouve toujours des points à améliorer, au niveau des aménagements intérieurs surtout, appuie Jean-Michel. Par exemple, les barrières de 6 m que nous avons choisies sont très lourdes, ce qui rend la manutention plus compliquée. On les a suspendues à des câbles à ressort pour soulager leur poids », évoque-t-il. Sur la contention, les éleveurs regrettent de ne pas disposer d’un espace dédié pour bloquer les veaux dans un couloir. Et si c’était à refaire, « sur le long pan fermé du bâtiment, une autre option d’aménagement possible aurait été de remplacer les plateaux en bois et les portes en pignon par des barrières revêtues de filets brise-vent pour faciliter d’autant plus le curage », émet Renaud Selles. « Nous avons été aussi contraints par la place disponible pour faire le terrassement », ajoute Damien. La priorité a été donnée au logement des 96 vaches sous le même toit mais « on aurait aimé avoir la possibilité de prolonger de 6 m sur le côté, en plus du local technique attenant, pour construire un hangar de stockage et ainsi disposer du matériel d’élevage à proximité », détaille le jeune éleveur.
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Côté éco
Les éleveurs ont obtenu un taux de bonification de 45 % sur un montant plafonné à 200 000 € d’investissement (33 000 € d’aides de la région et 56 700 € d’aides liées au programme Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)), grâce notamment à la localisation de l’exploitation en zone de montagne et à l’installation de Damien Martin en tant que jeune agriculteur.
Avis d’expert - Renaud Selles, conseiller bâtiment à la chambre d’Agriculture de la Creuse
« Attention à ne pas se précipiter »
« On a tendance parfois à se dépêcher pour déposer sa demande de subventions dans les temps impartis alors que le projet n’est pas encore abouti. Or, selon l’ampleur des modifications apportées après avoir déposé son dossier, l’administration peut annuler la validation du projet et faire machine arrière sur l’octroi d’aides. Les changements de plans sont donc à mesurer avec précaution. C’est aussi important de bien calibrer son bâtiment dès le départ pour ne pas se louper au niveau du terrassement. Selon la topographie du terrain et la nature du sol, cette première étape du chantier peut s’avérer chronophage et coûteuse. Dans le cas du Gaec Le Mas, le début de chantier a compté huit jours de brise roche et la présence d’une source a nécessité un drainage. Ce sont des surcoûts qui peuvent surprendre, d’où l’intérêt d’avoir travaillé ici sur un bâtiment compact nécessitant moins de déblais et de remblais. »
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