Blé dur : que contient le nouveau plan de souveraineté chiffré à 43 millions d’euros ?
Élaboré par la filière nationale et Intercéréales, ce plan blé dur vise à redynamiser une production qui a vu ses surfaces diminuer de moitié en un peu plus de 10 ans. La sécurisation du revenu des producteurs, la recherche variétale avec des objectifs d’adaptation au changement climatique et la décarbonation de la filière en sont les trois piliers.
Élaboré par la filière nationale et Intercéréales, ce plan blé dur vise à redynamiser une production qui a vu ses surfaces diminuer de moitié en un peu plus de 10 ans. La sécurisation du revenu des producteurs, la recherche variétale avec des objectifs d’adaptation au changement climatique et la décarbonation de la filière en sont les trois piliers.
505 000 ha de blé dur en 2010, 243 000 ha en 2023, avec pour conséquence une production qui a chuté de moitié pour tomber à un peu plus d’un million de tonnes… De l’avis de tous les acteurs de la filière présents lors du voyage de presse organisé les 22 et 23 mai par Intercéreales, il est urgent d’enrayer le déclin des surfaces pour répondre à la demande des semouliers-pastiers français et augmenter la production. « En France, la consommation de pâtes a augmenté de 8 % depuis 2019, mais les pâtes françaises ne représentent que 37 % des pâtes commercialisées », rappelle Albert Mathieu, P.-D.G. du groupe Panzani qui transforme 470 000 tonnes de blé dur par an et qui s’est engagé depuis 2019 à n’acheter que français.
Mais pour cela, il faut d’abord convaincre les agriculteurs des zones traditionnelles (sud-est, sud-ouest, ouest-océan, centre) de continuer à cultiver du blé dur, et essayer d’en inciter d’autres dans de nouvelles régions. Pour atteindre ces objectifs, l’ensemble des acteurs de l’amont et de l’aval ont bâti un plan de souveraineté sur cinq ans.
Sécuriser le revenu des producteurs de blé dur
Frédéric Gond, président du comité de pilotage blé dur et producteur en Centre-Val de Loire, indique que pour les convaincre « il faut donner aux agriculteurs les moyens de produire en toute sécurité car le blé dur est une culture à risque, soumise à de fortes exigences des industriels en termes de qualité ». Le premier volet du plan est ainsi axé sur la faisabilité d’une assurance complémentaire aux dispositifs existants, notamment pour les risques liés à la qualité de la récolte très dépendante des conditions climatiques. Frédéric Gond rappelle que le blé dur est très sensible à l’humidité en fin de cycle, avec des risques de maladies fongiques, de germination sur pied, rédhibitoires pour un débouché en alimentation humaine.
Apporter davantage de sécurité aux producteurs passe aussi par le développement de la contractualisation. Frédéric Gond explique qu’en blé dur, le prix dépend de l’offre et la demande. « Il n’y a pas de marché à terme qui fonctionne, la cotation se fait sur uniquement sur le physique, de gré à gré ». Ainsi, la contractualisation offre une certaine garantie de revenu, via une prime à la tonne, à l’image de ce que propose à ses adhérents la coopérative Arterris qui approvisionne l’usine Panzani de la Montre à Marseille. « Avant de semer, j’ai déjà mes contrats signés avec Arterris, c’est sécurisant », révèle David Mouttet, qui cultive 70 ha de blé dur au Puy Sainte-Réparade, à une cinquantaine de kilomètres de l’usine.
Proposer plus de variétés de blé dur
Aujourd’hui, il n’existe que 15 variétés de blé dur cultivées en France dont 4 à 5 qui font 95 % des surfaces. « Il est donc urgent d’élargir l’offre variétale », indique Claude Tabel, spécialiste du secteur semencier, qui accompagne Intercéréales dans la mise en place de ce plan blé dur qui dédie 25 millions d’euros à la recherche variétale. Il explique que la baisse continue des surfaces a entraîné une érosion progressive de la recherche et développement sur les variétés de blé dur. Aujourd’hui, il ne reste en France que deux obtenteurs impliqués. L’un des enjeux majeurs du plan consiste à élaborer des variétés adaptées aux différents terroirs, mais aussi plus résistantes au stress hydrique et aux maladies, pour inciter les agriculteurs à semer du blé dur, en limitant les risques.
Claude Tabel rappelle qu’il faut 10 à 12 ans de travail de sélection pour élaborer une nouvelle variété. Sur les cinq années du plan, il est prévu « d’augmenter les moyens des obtenteurs » pour qu’ils puissent proposer l’équivalent de l’offre nationale actuelle (4 à 5 variétés) au niveau de chaque bassin de production.
Décarboner l’ensemble de la filière blé dur
80 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la filière blé dur proviennent de la production avec un poids important de la fertilisation. « Pour décarboner, il faut fournir aux agriculteurs des solutions agronomiques pour réduire les doses d’azote tout en préservant la qualité pastière du grain », explique Frédéric Gond. Il s’agit d’actions de conseils auprès des producteurs, mais aussi de recherche de variétés ayant de très bonnes qualités protéiques. Sur ce point, le plan comprend un projet piloté par Arvalis dont l’objet est de fournir aux obtenteurs des outils de caractérisation du comportement des variétés et de leur performance pastière (marqueurs moléculaires) « pour qu’ils identifient très tôt dans le processus de sélection les bonnes versions de gênes ».