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Banane : pourquoi le marché français progresse dans un contexte de baisse mondiale ?

Les volumes de bananes commercialisés sur le marché français sont en hausse sur quatre ans alors que dans le même temps le marché européen stagne et le marché mondial lui régresse. Pourquoi cette régression mondiale ? Et pourquoi la France, elle, progresse ? Eléments de réponse avec l’AIB, l’interprofession française de la banane.

trois personnes interviennent lors d'une conférence, à côté d'une présentation pdf sur la banane
« L’univers dans lequel gravite la banane est durablement impacté », estime Philippe Pons, président de l’AIB lors d’une conférence de presse le 21 novembre 2024, accompagné de François-Xavier Côte, direction générale déléguée à la recherche et à la stratégie du Cirad (au milieu) et de Véronique Le Bail, déléguée générale de l’AIB (à droite).
© Julia Commandeur

En France, la banane a le vent en poupe. Elle y est le premier fruit consommé, avec une consommation apparente de 730 000 tonnes en moyenne chaque année (moyenne de 2020 à 2023). Véronique Le Bail, déléguée générale de l’Association interprofessionnelle de la Banane, observe, fin novembre à l’occasion d’une (rare) conférence de presse de l’AIB : « Le marché français de la banane a observé une forte dynamique ces dernières années, et la France rattrape presque son retard de consommation par rapport au reste de l’UE. Il y a encore une marge de manœuvre. »

Selon les chiffres AIB/Cirad, en 2023 la consommation de banane en France est désormais de 11,5 kg/an/habitant là où la consommation dans l’UE et le Royaume-Uni est de 12,7 kg/an/habitant.

Lire aussi : La banane a pris durablement le virage de la durabilité, mais à quel prix ?

 

Le marché mondial de la banane régresse

Et alors que le marché européen de la banane stagne depuis 5 ans, le marché français est en progression : +6 % en volume en 4 ans. 

De manière générale, le marché mondial de la banane régresse, avec une baisse des échanges mondiaux depuis 2019. « La banane représente au niveau mondial 80 millions de tonnes produites par an, qui sont majoritairement autoconsommées, rappelle Véronique Le Bail. Les échanges mondiaux, quasi que de la banane dessert Cavendish, ne représentent que 20 millions de tonnes par an. » 

Ces volumes diminuent chaque année depuis 2019 (23 millions de tonnes). Et depuis 2022 les échanges mondiaux sont passés sous la barre des 20 millions de tonnes. 

Pour l’AIB, cela s’explique par différents facteurs : un peu moins de volumes en production mais surtout un commerce mondial qui est ralenti. 

A relire : Banane : pourquoi les ventes stagnent aux Etats-Unis en 2023 ?

 

3 défis qui impactent le commerce mondial de la banane

« L’univers dans lequel gravite la banane est durablement impacté », estime Philippe Pons, président de l’interprofession.  Il cite quelques-uns de ces facteurs et explique que la durabilité est une mutation nécessaire pour assurer la pérennité de la filière [article à venir].

1) Les défis climatiques

Les aléas climatiques de plus en plus récurrents, avec notamment des enchaînements plus fréquents des phénomènes El Niño/El Niña qui impactent l’Amérique latine, les Caraïbes et l’Afrique). Cela implique des baisses conjoncturelles en production ici et là.

2) Les défis logistiques

Les flux commerciaux maritimes sont plus compliqués à mettre en œuvre.

Par exemple, la sécheresse au niveau du canal de Panama, qui  fonctionne par un système d’écluses, oblige à réduire le trafic en fréquence et en volume.

Par ailleurs les attaques houthistes en Mer Rouge ont poussé les opérateurs à modifier leurs routes maritimes et à passer par le cap de Bonne-Espérance, ce qui rallonge le voyage entre l'Asie et l'Europe de 10 à 20 jours en moyenne. Ces routes détournées ne concernent pas la banane mais cela modifie la disponibilité en navires et en conteneurs : les conteneurs vides ne sont plus disponibles au même endroit ni avec le même timing de récupération.

Enfin, il faut signaler de fortes fluctuations des taux de fret maritime, avec de fortes hausses fin 2021 et début 2022, et des niveaux aujourd’hui plus hauts qu’avant la crise . L’indice New ConTex pour l'affrètement de porte-conteneurs UNCTAD indique : juin 2018 = un peu plus de 500 ; mars 2022 = 3 577 ; juin 2024 = 1 275.

3) Les défis économiques avec la hausse des coûts des intrants

Les prix des fertilisants restent hauts, plus hauts qu’avant le début de la guerre en Ukraine. De même pour ceux du carburant pour le fret maritime et du carton qui est durablement plus cher qu’avant 2020.

La crise des fertilisants a poussé des producteurs en Equateur, premier exportateur mondial, à abandonner la culture de la banane

« En 2022 l’Equateur [qui est le premier exportateur mondial de bananes, NDLR] a subi la crise de la hausse des coûts des fertilisants et on a vu un phénomène d’abandon de la culture de bananes pour d’autres cultures, qui aujourd’hui ne s’est pas inversé. L’impact s’est ressenti sur 15 à 20 % des flux », explique Philippe Pons. 

A cela s’ajoute les aléas climatiques au niveau mondial qui ont causé des sous-approvisionnements ponctuels qui pourraient se reproduire. « C’est la crainte des opérateurs », confirme Véronique Le Bail.

A relire : Prix de l’énergie : les mûrisseurs de bananes veulent aussi être entendus

 

Pourquoi le marché français semble épargné de ces aléas ?

Si le marché français de la banane progresse dans un contexte européen et mondial de régression, cela tient, selon l’AIB, à la structure d’approvisionnement singulier du marché français comparé à celle des autres marchés européens. 

La plupart des marchés européens se fournissent à majorité (à 78 %) en banane dollar, c’est-à-dire venant d’Amérique latine. Les autres origines sont moins prégnantes (ACP* =12 % ; Etats membres = 7 %, Guadeloupe et Martinique = 3%).

En France, le sourcing des bananes est plus équilibré en termes d’origine : elles viennent de la zone ACP* (42 %) surtout d’Afrique, mais aussi de la zone dollar (31 %) et de France avec la Guadeloupe et Martinique (19 %) ; et de la réexportation venant d’autres Etats membres (8 %).

« La souveraineté alimentaire, c’est aussi pérenniser et stabiliser son approvisionnement »

En outre, l’AIB estime que « les entreprises françaises impliquées dans la banane dollar ont des partenariats très forts avec la production, leur assurant une continuité dans l’approvisionnement ».

« La souveraineté alimentaire, c’est aussi pérenniser et stabiliser son approvisionnement », conclut Véronique Le Bail.

*ACP = zone Afrique Caraïbes Pacifique

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