Pomme : des nouveaux porte-greffes évalués par le CTIFL
Les porte-greffes des pommiers sont un levier essentiel des performances agronomiques et de la qualité des fruits. De nouvelles sélections sont évaluées depuis 2017 par le CTIFL dans le cadre du réseau Eufrin, dans les gammes de vigueur nanisante et semi-nanisante.
Les porte-greffes des pommiers sont un levier essentiel des performances agronomiques et de la qualité des fruits. De nouvelles sélections sont évaluées depuis 2017 par le CTIFL dans le cadre du réseau Eufrin, dans les gammes de vigueur nanisante et semi-nanisante.
Disposer d’une gamme de porte-greffes résistants aux bioagresseurs et adaptés à diverses configurations de vergers est un gros enjeu pour la filière pomme. Le M 9 était le porte-greffe le plus diffusé jusque très récemment dans les vergers de pommiers en Europe occidentale. Aujourd’hui, une nouvelle donne, portée par des évolutions climatiques et environnementales, entraîne une variabilité plus importante des conditions de culture dans lesquelles les arbres sont cultivés.
Le porte-greffe est un levier capital pour renforcer les capacités de résilience des systèmes de culture face à ces contraintes. En effet, il fait le lien entre le sol et la variété : la résistance des racines aux contraintes est le caractère le plus critique affectant la croissance des branches. Poussés par la recherche de porte-greffes tolérants aux bioagresseurs et dotés de bonnes aptitudes agronomiques, plusieurs programmes de sélection de porte-greffes émergent à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et diffusent aujourd’hui des porte-greffes améliorant les performances du M 9.
Un cycle de sélection d’au moins trente ans
La sélection de nouveaux porte-greffes est un défi car elle repose sur des aptitudes propres au porte-greffe dont le système racinaire est enfoui dans le sol et sur des aptitudes liées à la variété greffée. Le couple variété/porte-greffe doit être évalué sur plusieurs années et dans différentes conditions pédoclimatiques. Un cycle de sélection dure au moins trente ans, depuis le croisement entre les deux parents jusqu’à la diffusion des sélections en verger.
À l’initiative du groupe de travail du réseau Eufrin « Apple and Pear Variety and Rootstock Testing », des essais multisites ont été mis en place en 2017 sur seize sites représentant douze pays européens. L’objectif est d’évaluer les performances agronomiques et les capacités d’adaptation des couples variétés/porte-greffe à différents contextes pédoclimatiques à travers l’Europe.
En France, deux essais sont mis en œuvre sur les centres CTIFL de Lanxade (Dordogne) et de Balandran (Gard) dans le but de caractériser une série de porte-greffes dans deux gammes de vigueur : vigueur nanisante type M 9 et vigueur semi-nanisante type M 26 (soit vingt points au-dessus de M 9). Après sept années d’essai, G 11, G 935 et la sélection EM_05 de NIAB's East Malling présentent les combinaisons les plus efficientes en termes de productivité avec la variété Galaval. Les progrès génétiques réalisés au niveau de la productivité et de la tolérance aux agents pathogènes, dans une situation de fatigue du sol, serviront à la filière pour adapter les vergers à des conditions de culture toujours plus complexes.
EM_05 plus productif chez les porte-greffes nanisants
Dans la gamme de vigueur nanisante, le porte-greffe évalué le plus vigoureux est PFR 7 (+ 40 points par rapport au témoin Pajam®2 Cepiland), tandis que les moins vigoureux sont pour 62-396 - B10®, P 67, EM_03 et EM_05 (-50 points par rapport à Pajam®2 Cepiland). Sur le site de Lanxade, EM_04 est très peu vigoureux, 30 % de la vigueur de Pajam®2 : les arbres sont très peu poussants avec des mortalités observées.
Le porte-greffe EM_05 affiche l’indice de productivité le plus élevé sur les deux sites. Il se révèle particulièrement efficient pour produire alors que sa vigueur est relativement réduite, à environ 50 % de celle de Pajam®2. M 200 et EM_06 enregistrent les indices de productivité les plus faibles à 2,6, inférieurs à celui de Pajam®2. À Lanxade, G 11 et EM_05 atteignent la même valeur de productivité de 4,2 soit le double de celle de Pajam®2. La série des PFR a un niveau de productivité en retrait, certainement liée à des niveaux de vigueur assez élevés qui peuvent entrer en concurrence avec la fructification.
Dans le groupe des porte-greffes semi-nanisants, deux catégories de porte-greffes se distinguent en termes de vigueur. Le premier groupe est caractérisé par une vigueur très importante : trois porte-greffes EM_01, PFR1 et PFR3 confèrent des indices de vigueur supérieurs de 70 à 240 points à ceux du témoin G 11. Le deuxième groupe se compose de G 202 et G 935. Comparé au témoin G 11, G 202 confère une vigueur supérieure de 30 à 40 points et G 935 de 10 à 30 points.
De nouvelles sélections plantées en 2022 et 2023
Les deux obtentions américaines G 11 et G 935 montrent un bon niveau de productivité sur les deux sites dans cet essai. La production cumulée la plus élevée est obtenue avec le porte-greffe G 935 pour des valeurs très proches sur les deux sites (178 kg). EM_01 se classe en bas de l’échelle en raison d’une entrée en production retardée (liée à son niveau de vigueur élevé). G 11, G 202, PFR 1 et PFR 3 ont des productions cumulées inférieures de 20 à 30 kg à celles de G 935. En fonction des sites, les porte-greffes G 11 et G 935 présentent les meilleurs compromis vigueur/production avec des valeurs de productivité de 4,1 (G 935) et 3,8 (G 11) en 2023 sur le site de Balandran et de 3,6 (G 935) et 4,3 (G 11) sur le site de Lanxade.
G 935 se trouve ainsi dans une position très intéressante avec un niveau de vigueur supérieur à celui de G 11. Cette production supérieure du G 935 se fait sans pénaliser le calibre des fruits à Lanxade, contrairement à ce qui est observé à Balandran : 13 % de fruits 80-85 mm pour G 935 contre 16 % pour G 11. Toujours dans le cadre du réseau Eufrin, de nouvelles sélections ont été plantées en 2022 et 2023 sur les trois sites d’étude du CTIFL (Balandran, Lanxade et La Morinière). Elles sont en cours d’étude dans des gammes de vigueur correspondant à celles de G 11 et de M 7. Un autre essai vise à comparer le comportement agronomique de porte-greffes obtenus par marcottage et par culture in vitro.
Les critères de sélection des porte-greffes
Plusieurs programmes de sélection de porte-greffe de pommier sont ou ont été actifs à travers le monde. Parmi ceux en activité, les programmes de l’université de Cornell Geneva, Plant and Food Research et du NIAB’s East Malling figurent parmi les plus prolifiques. Ces programmes ont pour objectif de sélectionner des porte-greffes aux performances agronomiques élevées, conférant une vigueur nanisante dans une gamme allant de M 9 jusqu'à MM 106, et permettant une mise à fruit rapide avec un bon calibre et une haute productivité.
En pépinière, les porte-greffes doivent être faciles à multiplier par bouturage, marcottage ou culture in vitro. L’un des points essentiels est la résistance aux ravageurs et maladies. L’accent est mis sur le puceron lanigère, sur la maladie tellurique Phytophthora, sur le feu bactérien, ainsi que sur les maladies liées à la replantation mais aussi à la tolérance aux virus pouvant affecter la variété.
Le programme de la station de Skierniewice en Pologne (série Polan), lancé également dans les années 1970, a sélectionné des génotypes résistants au froid hivernal et à la pourriture du collet. Le programme russe ayant donné naissance à la série des Budagovsky (ou Bud) a eu pour objectif de sélectionner des porte-greffes tolérants au feu bactérien, avec un bon ancrage et une tolérance aux stress.
Le réseau Eufrin
Le groupe de travail « Apple and Pear Variety and Rootstock Testing », créé en 1996, est l’un des quinze groupes de travail actifs dans le réseau européen Eufrin (European Fruit Research Institute Network). Il rassemble des chercheurs et expérimentateurs de 31 instituts de recherche représentant 19 pays et travaillant dans le domaine de l’évaluation des nouvelles variétés. Dans ce cadre, les nouvelles variétés de pomme et poire sont évaluées sur la base d’un protocole commun dans des conditions pédoclimatiques diversifiées depuis l’Espagne jusqu’à la Norvège.