Tomates d’industrie : pourquoi l’Italie du Nord vise les marchés français et allemand ?
Producteurs et industriels de la filière tomates d’industrie du Nord de l’Italie se sont inscrits dans le programme européen Tomato SAUCE qui entend communiquer sur les bonnes pratiques environnementales et sociales de leur production. En communiquant sur ces pratiques durables, l’organisation interprofessionnelle pour la transformation de la tomate du Nord de l’Italie entend gagner des parts de marché sur ses deux principaux marchés européens que sont l’Allemagne et la France.
Producteurs et industriels de la filière tomates d’industrie du Nord de l’Italie se sont inscrits dans le programme européen Tomato SAUCE qui entend communiquer sur les bonnes pratiques environnementales et sociales de leur production. En communiquant sur ces pratiques durables, l’organisation interprofessionnelle pour la transformation de la tomate du Nord de l’Italie entend gagner des parts de marché sur ses deux principaux marchés européens que sont l’Allemagne et la France.
Lorsque l’on parle de tomates d’industrie en Europe, on pense d’abord à l’Italie, premier producteur européen avec plus de 5 400 tonnes en 2023. L’Italie, en matière de tomates d’industrie, se scinde en deux : le sud du pays qui fournit essentiellement de la tomate entière pelée en conserve et le nord de l’Italie où la tomate d’industrie est transformée en une diversité de sauces, purées et concentrés de tomates.
L’organisation interprofessionnelle pour la transformation de la tomate dans le Nord de l’Italie (OI Pomodoro da Industria Nord Italia) regroupe environ 2 000 producteurs répartis en 12 organisations de producteurs. « La spécificité de notre organisation est qu’elle réunit à la fois les producteurs à travers les organisations de producteurs mais aussi les transformateurs », insiste Maria Chiara Cavallo, secrétaire générale de l’organisation interprofessionnelle de producteurs de tomates du nord de l’Italie. Vingt entreprises de transformation (pour un total de 28 usines) font en effet partie intégrante de l’OI Pomodoro da Industria Nord Italia.
Chaque année, dans le nord de l'Italie, environ 40 000 hectares sont dédiés à la culture de tomates d’industrie. Environ 2,8 millions de tonnes de tomates sont ainsi récoltées par an dans cette zone couvrant les régions d'Émilie-Romagne, de Vénétie, de Lombardie, du Piémont et de la province autonome de Bolzano. Cette année, la récolte dans le Nord de l’Italie est en baisse à 2,4 millions de tonnes (-14 % par rapport à 2023) en raison d’un climat peu favorable. De fortes précipitations ont en effet perturbé la saison.
Lire aussi : Tomate d’industrie : comment l’Italie du Nord entend gérer la ressource en eau ?
Différencier la production européenne de la production des pays tiers
« Les producteurs européens de tomates d’industrie sont confrontés à une forte concurrence des importations de produits à base de tomates en provenance de pays comme la Turquie, l'Iran ou la Chine. Cela est dû au fait que de nombreux pays n'ont pas le même niveau d'exigences et de réglementations en termes de durabilité environnementale et sociale (qualité, traçabilité, taxes carbone, droits des travailleurs...). Cela conduit à une concurrence déloyale sur le marché mondial », dénonce Maria Chiara Cavallo, secrétaire générale de l’organisation d’organisations de producteurs de tomates du nord de l’Italie.
L’organisation interprofessionnelle de la tomate d’industrie du Nord de l’Italie a d’ailleurs lancé un appel aux autorités européennes afin qu’elles exigent plus de réciprocité et de transparence sur les normes de durabilité requises en Europe, que ce soit pour tous les produits cultivés et produits en Europe mais aussi pour importés par les pays tiers. Une position « partagée par les filières grecques, portugaises et françaises », ajoute Luigi Sidoli, vice-président de l’OI Pomodoro da Industria Nord Italia et directeur de l’organisation de producteurs AINPO.
A noter que la Chine produit de plus en plus de tomates d’industrie et réussit à s’adapter au marché : elle produit davantage s’il y a de la demande, ou moins si les besoins sont moindres.
Relire : Qu’est-ce que le projet TOMMATES porté par la Sonito ?
Qu’est-ce que le projet Tomato SAUCE ?
Afin d’enrayer cette concurrence jugée déloyale et afin de donner un nouvel élan à sa production, l’organisation interprofessionnelle de la tomate d’industrie du Nord de l’Italie s’est inscrite dans le projet européen Tomato SAUCE (pour Sustainable Agriculture Understanding in Central Europe, en français : accord pour une agriculture durable en Europe centrale). L’objet de ce projet : promouvoir les valeurs environnementales et sociales des produits européens à base de tomates par rapport à ceux des pays tiers. En d’autres termes, il s’agit, pour la filière tomates d’industrie du Nord de l’Italie, de développer ses ventes en communiquant sur les normes environnementales et sociales élevées de sa production agricole mais aussi industrielle.
« On ne fait pas du green washing, on parle d’une réalité », insiste Maria Chiara Cavallo. Parmi les pratiques durables mises en avant par l’organisation interprofessionnelle de la tomate d’industrie du Nord de l’Italie auxquels ne peuvent pas répondre certains pays tiers :
- Une approche environnementale et sociale globale du produit fini à base de tomates ;
- La lutte biologique intégrée pour toutes les cultures ;
- Un plan global d’économie en eau (irrigation de précision, recyclage de l’eau dans les usines…)
- Des émissions de CO2 plutôt faibles : outre le fait que l’Italie est plus proche de l’Allemagne et de la France que la Chine par exemple, les usines de transformation de la tomate italienne se situent toutes à 60 km maximum des champs ;
- Concernant le volet social, la récolte est bien évidemment entièrement mécanisée et « les décisions sont prises de manière paritaire par les agriculteurs et les industriels ».
« Le consommateur doit être au courant de comment est produit sa sauce ou son concentré de tomate à chaque instant de sa fabrication, première transformation comprise », insiste Maria Chiara Cavallo.
Comment ces informations vont être communiquées ? Le projet Tomato SAUCE qui court jusqu’en 2025, prévoit une communication globale sur la durabilité de sa filière en BtoB et BtoC avec la présence de l’OI Pomodoro da Industria Nord Italia sur de nombreux salons alimentaires (SIAL, Anuga…), la création d’une chaîne YouTube, d’une web série documentaire, d’une page Linkedin par exemple.
Des ambitions en France et en Allemagne
A travers cette approche, l’Italie du Nord vise deux pays : la France et l’Allemagne, ses deux principaux marchés extérieurs, Allemagne en tête.
La France produit moins de 12 % de ses besoins en tomates transformées. En 2023, la France a importé pour 594,4 millions d'euros de produits à base de tomates transformées (tout segments confondus : tomates entières ou en morceaux, sauces 100 % tomates et autres sauces de type Ketchup). Un montant en hausse de 22 %, souligne l’organisation interprofessionnelle de la tomate d’industrie du Nord de l’Italie. L’Italie est le premier fournisseur en valeur de tomates d’industrie de la France : près de 274 millions d’euros en 2023. Cette part des importations françaises de tomates transformées italiennes n’a cessé d’augmenter depuis 2015 (elles ne représentaient alors que 146 millions d’euros en 2015). Les tomates italiennes entières ou en morceaux importées en France ont pesé pour 89 millions d'euros en 2023, les concentrés, purées et pulpes de tomates pour 96 millions d'euros et 88 millions d’euros pour les autres sauces à base de tomate (ketchup et autres).
« En Italie, ce n’est pas comme en France, si la tomate de leur sauce n’est pas italienne, les Italiens n’achètent pas », indique Guido Conforti, représentant de l’ANICAV, l’Association nationale italienne des industriels de la conserve alimentaire végétale.
Une relance des filières tomates d’industrie en France aussi
En France, ces dernières années, plusieurs projets de relance de filières de tomates d’industrie ont vu le jour qu’ils soient initiés par certains industriels (comme Panzani ou Cofigeo) ou portés directement par l’interprofession française de la tomate destinée à la transformation, la Sonito.
Néanmoins la France est encore très loin de combler ses besoins. En attendant une forte relance des surfaces françaises plantées en tomates destinées à l’industrie, le consommateur français sera-t-il prêt à se tourner davantage vers une tomate d’industrie européenne comme la tomate italienne s’il en connaît l’origine et les bonnes pratiques environnementales et sociales par rapport à des produits d’autres origines ? C’est en tout cas le défi qu’entendent relever les membres de l’organisation interprofessionnelle pour la transformation de la tomate du nord de l’Italie.