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Les enseignements du petit coléoptère des ruches sur l’île de La Réunion

Le petit coléoptère des ruches « Aethina tumida » a fait son chemin vers le territoire français en touchant l’île de La Réunion où le parasite a été identifié depuis le 5 juillet 2022. Une stratégie de lutte a été mise en place, désormais remplacée par un plan collectif de lutte et de « vivre avec ».

Entre le 5 juillet 2022 et le 21 juillet 2022, 12 foyers de petits coléoptères des ruches (PCR) ont été identifiés. Ces ruchers infestés ont été détruits, le sol désinfecté, et l’apiculteur a été indemnisé. Autour de ces foyers sont imposés, sur un rayon de 10 kilomètres, des zones réglementées : des visites y ont été menées et des pièges posés par les agents de l’État, pour s’assurer de leur statut indemne.

Photographie d'un piège à huile posé contre les gaufres de cire d'une colonie d'abeille férale (sauvage) afin de détecter la présence du PCR
Piège à huile posé contre les gaufres de cire d'une colonie d'abeilles férales (sauvages) afin de détecter la présence du PCR © J. Baudino

Des pertes conséquentes de chiffre d'affaires

Ce zonage règlementaire n’a cependant pas été sans conséquence sur les exploitations et leurs ruchers, menant à des pertes indirectes de chiffre d’affaires pour les apiculteurs. Elles sont estimées à hauteur de 900 000 euros sur l’intégralité de la période sous arrêté préfectoral portant déclaration d’infection (APDI)(1).

La saisine de l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) du 15 septembre 2022(2) évoquait qu’une levée des mesures d’éradication en cas d’endémisation(3) du parasite devait prendre en considération le rapport « coût/bénéfice » de ce changement de situation. Cependant, à dix mois de stratégie d’éradication (de juillet 2022 à fin mai 2023), aucune visite sur les colonies sauvages n’avait été menée, ne permettant ainsi pas de conclure à cette endémisation.

En parallèle, cette stratégie d’éradication commençait à peser fortement sur les apiculteurs réunionnais : impossibilité de transhumer ou de travailler sur leurs ruchers touchés par le zonage. À cela s’ajoutent les interrogations quant à l’état des colonies sauvages ou d’éventuelles colonies non déclarées et un nombre jugé faible donc peu efficace de ruchers sentinelles. Les apiculteurs réunionnais se sont donc mobilisés pour obtenir un changement de stratégie : après une validation en conseil régional d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cropsav), un arrêté préfectoral a été ratifié et la gestion remise aux mains de la filière réunionnaise.

Les enseignements de l’expérience réunionnaise

Bien que préconisée par l’Anses et pertinente d’un point de vue scientifique, la stratégie utilisée à La Réunion a montré ses limites : sur le long terme et pour garantir l’efficacité des mesures, une stratégie de lutte doit aussi prendre en compte les facteurs sociaux et économiques.

À La Réunion, la répercussion économique sur les exploitations et le poids des démarches administratives ont fini par avoir raison de l’adhésion des apiculteurs à la stratégie, un élément tout autant essentiel de réussite. En effet, les déclarations de cas reposent avant tout sur l’observation et la déclaration des apiculteurs.

Si l’éradication permet d’éviter la dissémination, la stratégie appliquée a dans son ensemble manqué de flexibilité mais aussi de moyens pour sa réussite à court et moyen termes.

L’adhésion des apiculteurs pour une lutte efficace

À l’avenir, l’expérience acquise par l’ADA Réunion suggère la mise en place de mesures spécifiques et collectives pour accompagner les apiculteurs affectés par les zonages. Par exemple : proposer un service de miellerie mobile et collective sur place, avec du matériel sain et agréé pour un usage dans les zones de confinement ; travailler avec les organisations apicoles locales ; réfléchir à des fonds de secours pour les apiculteurs impactés par les zonages soit via les institutions publiques, soit via un fonds de solidarité ou autres alternatives ; mieux juger l’endémisation du parasite en intensifiant la recherche par différents moyens pour tester les colonies non déclarées ou sauvages qui peuvent ainsi être de possibles vecteurs de réintroduction du parasite et en multipliant le nombre de ruchers sentinelles.

Le passage d’une stratégie pure d’éradication à la gestion doit être anticipé avec la filière. L’adhésion des apiculteurs, premiers concernés, est la clé de voûte d’une stratégie de lutte efficace, des débuts de l’éradication à une lutte et gestion plus pérenne.

(1) Estimation des pertes de chiffre d’affaires réalisée au 11 septembre 2023 par le service apicole de la chambre d’agriculture de La Réunion.
(2) Note AST de l'Anses relative à la surveillance et la gestion du petit coléoptère des ruches (Aethina tumida), suite à sa détection sur l’île de La Réunion début juillet 2022 (https://www.anses.fr/fr/content/avis-2022-sa-0141)
(3) Implantation à long terme de l’espèce dans le milieu.

Ce que dit la loi pour le petit coléoptère des ruches

Individu adulte de petit coléoptère des ruches (Aethina tumida)
Un petit coléoptère des ruches ou « Aethina tumida » adulte. © Ministère de l'Agriculture

Dans l’Union européenne, le parasite PCR Aethina tumida est catégorisé « D et E », ce qui veut dire que les États membres doivent lutter contre sa propagation et le placer sous surveillance. Cela implique une obligation de déclaration, et de certification dans un objectif de protection des territoires exempts de l’UE. Jusque-là indemne, la France est plus stricte, conformément aux souhaits de la filière : l’arrêté ministériel du 23 décembre 2009 impose un processus de lutte pour éradiquer le PCR totalement du territoire.

Concrètement sur le terrain :

  1. Un apiculteur du territoire a une suspicion : il contacte son vétérinaire ou directement les services de l’État.
  2. Un échantillon est prélevé et analysé par les laboratoires de l’Anses. Si le résultat est positif, le PCR est officiellement identifié. En attendant et en cas de suspicion forte, un arrêté préfectoral de mise sous surveillance (APMS) peut déjà être mis en place.
  3. La direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (Draaf) publie un arrêté préfectoral portant déclaration d’infection (APDI) du territoire concerné, visant à mettre en place des mesures d’éradication. Cette dernière passe par la destruction de l’intégralité du rucher concerné par l’infestation, peu importe le nombre de colonies concernées, ainsi que la désinfection du sol.

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