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Détruire les nids, un élément de la stratégie de lutte contre le frelon Vespa velutina

Des études restent encore à mener afin de pouvoir localiser rapidement un nid, d'éliminer la colonie de frelons efficacement et sans impacts environnementaux, et en toute sécurité pour les opérateurs humains.

La destruction des nids complète le piégeage des fondatrices, le piégeage des ouvrières sur rucher et les techniques de protection des ruches plus ou moins passives. Elle s’envisage toute l’année, entre le printemps et l’automne. La destruction d’une colonie vise à éliminer l’ensemble des frelons de celle-ci, et ainsi à protéger les ruches locales de la prédation d’été, mais aussi la biodiversité, tout comme la sécurité des personnes lorsque les frelons V. velutina nidifient dans des zones habitées. Plus cette élimination est précoce dans l’année, plus elle est intéressante, car elle permet l’élimination des colonies avant qu’elles ne produisent des reproductrices qui pourraient être à l’origine de nouvelles colonies l’année suivante. L’élimination des nids avant les essaimages de ces reproductrices pourrait donc limiter le nombre de colonies par la suite. Cependant, une fois qu’elles ont quitté leur nid, sa destruction n’est plus utile. Le nid garde une activité tant qu’il y a des larves, les ouvrières continuent alors à les nourrir. En quelques semaines, ils se vident de leurs occupants et ne représentent plus aucun danger. Un nid usagé n’est jamais réutilisé l’année suivante. Pour ces raisons, il est en général inutile de détruire les nids après décembre.

La détection des nids reste compliquée

Le frelon V. velutina élabore son nid en divers endroits, que ce soit dans des cavités souterraines, d’un mur ou d’un tronc, dans des buissons, des nichoirs, des cabanes, sous un toit et même au sommet des arbres. Selon les endroits, les nids peuvent souvent passer inaperçus. Ceux au sommet des arbres ne deviennent visibles qu’à l’automne, à la chute des feuilles. De ce fait, leur détection est très difficile.

Les techniques de recherche de nids ont cependant bien progressé. Par exemple, il est possible de capturer des ouvrières en activité de chasse devant les ruches, de les équiper de balises radio émettrices et de les libérer pour les suivre jusqu’à leur nid. Les techniques radars de type Doppler ou les radars 3D de type radars embarqués dans l’automobile sont utilisées à cette fin. La première technique nécessite un équipement lourd et coûteux (45000 à 70 000 €). La seconde, en cours de développement, se base sur du matériel beaucoup moins coûteux. Un progrès notable a été la mise au point de balises radio émettrices de faible poids  pouvant être fixées sur le frelon, lui permettant de voler. Ces techniques ont toutefois des limites en raison du coût aussi bien en matériel qu’en temps de travail, ce qui limite leur opérationnalité sur de larges territoires.

La méthode d’observation directe du vol des frelons repartant des ruches combinée avec des techniques de triangulation permettent sur de petites zones de quelques dizaines de kilomètres carrés de très bons résultats. Par exemple, une association de bénévoles sur la commune de Bouliac (Gironde) a permis la détection d’une cinquantaine de nids à l’automne 2023, sur une zone de 12 kilomètres carrés, permettant ainsi leur destruction. Six personnes ont œuvré à cette détection sur une durée de quelques heures. Cette méthode, peu coûteuse, s’applique parfaitement aux nombreuses zones où l'on retrouve d’une année sur l’autre des nids en abondance. Cependant, elle demande l’implication de personnes motivées et volontaires.

Des tentatives de détection en imagerie infrarouge ont aussi été testées. Mais elles se sont pour l’instant révélées infructueuses. En effet, il faut ne pas avoir d’obstacles entre le nid et la caméra, et avoir un fond thermique relativement homogène derrière le nid pour bien le distinguer. Des tentatives de caméras embarquées sur drones ont été menées afin d’essayer de détecter et de localiser des nids dans des arbres, cela sur de grandes surfaces. Cette technique présente des limites : tout d’abord celle citée ci-dessus, elle est restreinte qu’aux nids dans les arbres et, enfin, elle se heurte à la réglementation du vol de drones dans des zones urbaines et péri-urbaines, tout comme à proximité de zones contrôlées comme des aéroports ou des zones militaires.

Techniques de destruction

Actuellement la destruction des nids est assurée par des entreprises de désinsectisation (Services 3D) et par des structures bénévoles (GDSA, par exemple). Selon la taille et la hauteur du nid, la destruction se fait soit par décrochage direct du nid avec les insectes ou par injection d’un produit biocide. À hauteur d’homme ou à portée avec une échelle, la collecte du nid par décollage à la spatule et des insectes par filet ou aspirateur est à privilégier. Cette technique permet de ne pas utiliser de produit chimique biocide. Toutefois, l’opérateur doit porter une combinaison de protection adaptée contre les frelons, une visière en plexiglas ou des lunettes de protection afin de protéger ses yeux contre la projection de venin.

Pour les nids situés entre 10 et 25 mètres, des perches télescopiques sont utilisées pour apporter le produit de traitement au nid. Soit le produit est injecté via une perche creuse, soit grâce à un tuyau fixé sur le côté de la perche. Une fois le bout de la perche piquée dans le nid, le produit est envoyé sous pression. Divers produits peuvent être utilisés comme des insecticides (pyréthrinoïdes, deltaméthrine… largement employés par les professionnels de la 3D) ou la terre de diatomée…

Des produits alternatifs fort intéressants pour leur faible nuisibilité environnementale sont à l’étude et certains vont apparaître sur le marché dans les prochaines années, comme l’utilisation de la vapeur d’eau. Ils commencent à intéresser de nombreux professionnels.

Et pour les nids à plus de 30 mètres ?

Certains nids, en raison de leur hauteur, restent hors de portée des perches. Dans ce cadre, d’autres techniques peuvent s'appliquer, comme le tir au fusil de chasse ou l’utilisation du fusil paintball avec des billes contenant un pesticide. Pour le premier, des chevrotines de calibres 2, 4 ou 5, selon la hauteur du nid, peuvent être utilisées. Pour cela, trois ou quatre tireurs se positionnent sous le nid, chacun tirant trois cartouches. Le but est d’essayer de tuer la reine et le maximum de couvains et d’abîmer sérieusement le nid. La colonie ainsi affaiblit aura moins d’impacts sur l’environnement. Toutefois, il arrive que les ouvrières survivantes reconstruisent plusieurs nids et représentent un danger localement pendant plusieurs jours à plusieurs semaines. Cette technique n’a pas encore été démontrée comme réellement efficace. De plus, elle ne peut pas se mener à proximité d’habitations.

Une technique dite de « paintball » consiste à envoyer dans le nid des billes de pesticide. Mais c'est un grand risque de dispersion dans la nature, toutes les billes n’entrant pas dans le nid à traiter : à déconseiller, donc.

Dans tous les cas de traitement d’un nid avec un produit biocide, le nid doit être retiré et détruit. Un nid traité et laissé en place représente un risque environnemental, les larves contaminées et fraîchement mortes pouvant servir alors de nourriture à des oiseaux puisqu'il n’est plus défendu.

Affamer le nid

Si le nid n’est pas encore localisé, une autre technique consiste à tuer un maximum d’ouvrières afin de diminuer et de limiter les apports de nourriture à la colonie. Il pourrait s’agir d’une stratégie de type « blocus alimentaire ». Piéger et tuer les ouvrières sur les sites de chasse permettraient ainsi de diminuer ces apports alimentaires. Cela est possible lorsque les ouvrières se concentrent l’été sur les ruches. Pour cela, il est possible d’utiliser des pièges et/ou des harpes électriques. La combinaison des deux techniques permettrait ainsi de diminuer drastiquement le nombre d’ouvrières localement.

Des études scientifiques sont en cours sur le piégeage pour analyser où positionner des pièges afin d’être plus efficace, et quel type d’appât utiliser (appâts alimentaires, phéromones). De même, d’autres études sont menées sur les harpes afin d’en mesurer l’efficacité et leur sélectivité. La pression de prédation sur les ruches pourrait être ainsi mieux contrôlée et permettrait à celles-ci de survivre et de refaire leurs réserves alimentaires avant l‘hiver. 

Le cheval de Troie : aucune efficacité prouvée

Si un nid n’est pas localisé malgré la présence d’ouvrières frelon, une technique dite de « cheval de Troie » peut s’envisager. Elle consiste à proposer un appât empoisonné avec un agent biologique (champignon entomopathogène…) ou une molécule toxique à des ouvrières, ou à les capturer et à déposer sur elles le produit. Elles vont le ramener ensuite dans leur colonie et empoisonner leurs congénères par contact ou par distribution aux larves ou aux autres adultes par trophallaxie. Si cette technique paraît séduisante dans son principe, elle n’a pour l’instant démontré qu’une relative efficacité. Il est en effet très difficile de savoir où est localisé le nid d’un frelon contaminé et, donc, impossible de mesurer de manière fiable une efficacité du traitement sur la colonie. De plus, la diffusion non contrôlée d’un produit toxique dans la nature pose question, même à de faibles concentrations. Toutefois, l’ouvrière empoisonnée doit ramener le produit à dose sublétale afin qu’elle ne meure pas pendant le trajet de retour, et qu’elle puisse transmettre le produit à ses congénères. Il faut donc envisager de nombreux transports de ce produit pour avoir un effet potentiel sur le couvain et les frelons adultes.

À la place d’un produit biocide, un agent biologique, de type virus, champignon ou bactérie, peut s’imaginer. Celui-ci, une fois arrivé dans le nid, pourrait profiter des conditions physiques (température, hygrométrie) qui y règnent pour s’y multiplier et avoir un effet sur la colonie. Des travaux de recherche sont en cours avec des champignons entomopathogènes par exemple.

Rédaction Réussir

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