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Vétérinaires ruraux : ils n’exercent plus en solo

LA RURALE La diminution du nombre de vétérinaires spécialisés en activité rurale est de plus en plus inquiétante. Pour éviter que le maillage territorial ne se dégrade davantage, des praticiens se rassemblent au sein d’une même structure.

© AA03
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Sur les 300 vétérinaires installés en Isère, seuls 70 exercent, peu ou prou, l’activité rurale. Et, à force de diminuer d’année en année, elle ne représente plus que 10 à 15 ETP dans le département »,

expose Sylvain Traynard, chef de service santé et protection animale à la direction départementale de Protection des populations de l’Isère. Et la tendance n’est pas près de s’inverser puisque sur ces 70 praticiens, on ne devrait plus en compter que 50 à court terme, tant le renouvellement de la spécialité n’est pas assuré. Si la situation est compliquée dans l’ensemble du département, elle l’est encore plus dans le nord Isère (autour de Morestel) et l’ensemble du sud-Isère où un certain nombre de cabinets risque de fermer leurs portes dans un proche avenir.

Des praticiens spécialisés

Pour les professionnels de l’activité, cette situation relève - un peu - des contraintes de l’activité elle-même (grande amplitude horaire, garde, dangerosité). Mais elle est surtout la conséquence de la baisse de densité des zones d’élevage et des difficultés économiques rencontrées par les éleveurs, qui font que l’activité rurale des praticiens intéressés diminue et devient difficile à exercer puisqu’elle est de moins en moins rentable et qu’ils doivent la compléter avec les autres disciplines. C’est ce que pense Olivier Ribon, vétérinaire à Fitilieu, dans le nord-Isère, qui estime que ce n’est pas le métier en soi qui est difficile, mais sa pratique mixte. « Nous n’arrivons plus à avoir suffisamment de temps pour tout faire. Le problème est d’autant plus critique lorsqu’on cherche à recruter. Soit on trouve des candidats pour faire de la rurale, soit on en trouve pour faire de la canine. Mais c’est compliqué de trouver quelqu’un apte à faire les deux », indique-t-il. Un constat que partage Vincent Chicoineau, vétérinaire à Saint-Jean-de-Soudain. « Aujourd’hui, nous atteignons les limites du système de la pratique mixte. Nous n’arrivons plus à être spécialistes de tout ». Il donne l’exemple d’un praticien qui n’intervient qu’en canine au cours de la semaine mais qui doit s’occuper des vaches le week-end au cours de sa garde. Et vice-versa. Pas facile.

Une médecine rurale de qualité

D’où l’idée qu’ils ont eue, avec cinq autres vétérinaires, de rassembler les branches rurales de leurs cabinets mixtes au sein d’une clinique exclusivement dédiée à l’élevage. « Notre objectif est de regrouper nos compétences et notre savoir-faire en médecine rurale pour conserver un maillage territorial de qualité », explique Olivier Ribon. Passionnés par la pratique rurale, ces vétérinaires sont convaincus qu’elle a un avenir. À condition qu’elle soit exercée dans des conditions suffisamment satisfaisantes. La création de cette clinique, qui verra le jour en janvier prochain à La Chapelle-de-la-Tour, a vocation à leur permettre de garder un haut niveau de spécialisation (en reproduction, alimentation, parasitologie…) pour répondre aux attentes des éleveurs, à limiter leurs charges et à mieux s’organiser pour se dégager du temps libre. La mise en place de cette structure s’adjoint d’une nouvelle philosophie d’intervention auprès des élevages qui privilégie l’accompagnement, la collaboration et le conseil.

« La performance est notre objectif. Nous souhaitons être davantage dans la prévention plutôt que dans le curatif. Nous ne voulons pas seulement soigner les animaux mais plutôt faire en sorte qu’ils se portent bien », souligne Vincent Chicoineau. Si cette association est un pari sur l’avenir, les vétérinaires engagés dans la démarche sont confiants. « Nos structures de départ, implantées à Fitilieu, Saint-Jean-de-Soudain, Charancieu et Morestel, fonctionnaient encore assez bien. Nous n’avons pas voulu attendre que la situation se dégrade et n’atteigne un point de non-retour pour réagir », reconnaît Olivier Ribon. Cette nouvelle organisation est une première. En Isère et en France.

La bonne santé de l’élevage

L’initiative est saluée par Sylvain Traynard et Jean-Yves Bouchier, président du Groupement de défense sanitaire de l’Isère. Tous deux, qui déplorent le problème grandissant du maillage territorial des praticiens de la médecine animale rurale, craignent les conséquences qu’il pourrait avoir sur le plan sanitaire. Selon eux, tous les acteurs du monde de l’élevage ont un rôle à jouer. Pour conserver la bonne santé des élevages, éviter la recrudescence de maladies (certaines aujourd’hui disparues grâce à la mise en place d’un système sanitaire performant, mais qui pourraient réapparaître) et répondre aux attentes importantes de la société en matière de bien-être animal. « Il y a quelques années encore subsistait une certaine défiance entre ces différents acteurs. Ce n’est plus le cas actuellement et c’est une bonne chose », indique Jean-Yves Bouchier. Un constat que partage Benjamin Dubail, vétérinaire à Bourgoin-Jallieu et président de l’association Véto 38, qui voit aussi d’un œil positif la complémentarité entre les structures.

Isabelle Brenguier

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