Urgence pour l’élevage
Tribune syndicale et politique, le Sommet de l’élevage sera une occasion pour la profession agricole de discuter des sujets brûlants avec les pouvoirs publics. Entretien croisé avec Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, David Chauve, secrétaire général, Patrick Bénézit, président de la Copamac et Jocelyn Dubost, président des JA Auvergne-Rhône-Alpes.
La loi Égalim 2 a encore du mal à être respectée dans les faits. Comment faire évoluer cet état de fait ?
Michel Joux : Le deuxième volet de la loi sur la non-négociabilité de la matière première agricole a été appliqué et certaines entreprises ont su le mettre en œuvre en faisant passer les premières augmentations à l’aval. La loi Égalim 2 a permis, pendant cette crise, de sécuriser le prix de la matière première agricole dans la relation aval. Par contre, le premier volet sur la contractualisation obligatoire entre producteurs et premiers acheteurs n’est pas appliquée. Il y a donc défaut de respect de la loi. Ceux qui y dérogent doivent être sanctionnés. C’est à l’État de garantir le respect de la loi.
David Chauve : Loi Égalim2 = loi visant à améliorer la rémunération des producteurs. L’intitulé est pourtant clair. L’aval des filières n’a à priori pas intégré ou n’a pas la volonté d’intégrer les possibilités offertes par la loi, notamment la prise en compte des coûts de production. C’est encore plus scandaleux lorsque cela vient des coopératives qui se cachent derrière les « un » an de délai pour mettre leur règlement intérieur en conformité avec la loi. Pire, tout est mis en œuvre pour contourner et remettre en cause les indicateurs de coûts de production publiés par les interprofessions et intégrant une rémunération des producteurs à minimum deux Smic. à croire que la rémunération n’est pas un sujet. Cette loi doit marquer une vraie rupture avec les pratiques commerciales des trente dernières années. L’état doit assurer de manière ferme l’application des textes. Les agriculteurs ne sont pas procéduriers de nature, mais ils peuvent le devenir et nous les accompagneront s’il le faut. Une chose est sûre : il va se passer quelque chose à très court terme ! En attendant les paysans payent la facture et le temps passe.
Une sécheresse exceptionnelle a sévi en Europe cette année. Que demandez-vous aux pouvoirs publics ?
Patrick Bénézit : En l’absence de réactions fortes de l’État en matière de soutien financier sur la sécheresse, la décapitalisation du cheptel de souche va se poursuivre et s’accélérer. La situation peut devenir très rapidement dramatique, c’est pourquoi nous demandons : un CNGRA conclusif le 19 octobre avec le traitement des dossiers des départements. Ces dossiers ne doivent pas être bloqués par l’administration régionale comme c’est le cas aujourd’hui ; une analyse des pertes au CNGRA sur la base des enquêtes terrain et des rapports des CDE et non sur les cartes « Airbus » et « ISOP » complètement déconnectées de la réalité du terrain ; une augmentation du taux d’indemnisation applicable aux pertes de fourrages sur la base des taux d’indemnisation du nouveau dispositif 2023 : 90 % pour les assurés et 45 % pour les non assurés ; une revalorisation du prix UF sur la base de l’inflation (prix forfaitaire de l’unité fourragère fixé au niveau national et non revalorisé depuis 2005) ; et des aides spécifiques au re-semis de prairies.
Sur le front de la Pac, le plan stratégique national (PSN) est adopté. Qu’en attendez-vous ?
Jocelyn Dubost : Il est nécessaire de donner de la lisibilité et de la cohérence aux agriculteurs pour que les orientations souhaitées dans le PSN puissent porter leurs fruits. Certaines mesures méritent d’être précisées rapidement, comme la mise en œuvre dès 2023 des critères discriminants définis dans le PSN pour bénéficier des aides actuelles de la Pac, y compris celui de ne pas avoir fait valoir ses droits à la retraite dès lors que l’âge légal limite de la retraite à taux plein est dépassé. Aussi, les instructions techniques relatives aux BCAE doivent impérativement apporter une souplesse en adéquation avec des pratiques environnementales et agronomiquement cohérentes : adaptation des périodes de semis SIE en fonction des conditions climatiques, dérogation à l’interdiction de taille des haies entre le 16 mars et le 15 août pour nourrir les animaux en période estivale, aucune sanction quand des tailles, dépérissements… sont exogènes à l’exploitation (conditions climatiques, voisinage…).