Une inflation alimentaire justifiée
La commission des Affaires économiques du Sénat a rendu le 19 juillet son rapport « relatif à l’inflation et aux négociations commerciales ». Pour elle, la hausse des prix est consécutive aux aléas climatiques et à la guerre en Ukraine. De même, donne-t-elle quitus aux agriculteurs et aux industriels qui, sur la base de la loi Egalim 2, ont construit le prix en marche avant.
« La forte inflation observée sur les produits de grande consommation, notamment alimentaires, s’explique par plusieurs facteurs, et essentiellement par la combinaison de la reprise économique mondiale soudaine en 2021 et d’aléas climatiques extrêmes […]. La guerre en Ukraine, si elle n’a pas provoqué cette inflation, l’a en revanche renforcée et accélérée », indiquent clairement les sénateurs Daniel Grémillet (LR, Vosges) et Anne-Catherine Loisier (UDI-UC, Côte d’Or). Cette guerre expliquerait environ 30 % de l’inflation constatée. Mais pour les sénateurs, cette inflation a commencé avant le conflit russo-ukrainien. « Dès 2021, le coût des intrants (engrais, machines agricoles, alimentation du bétail, énergie, emballage, transport) supporté par les agriculteurs et les industriels a fortement augmenté » justifient-ils. En bout de chaîne, l’inflation sur les prix alimentaires a cru de 5,8 %, après neuf années de déflation, pour atteindre « un niveau inédit depuis une trentaine d’années », insistent les sénateurs. L’inflation en France « devrait encore s’accroître à la rentrée, pour ne se stabiliser qu’en fin d’année », prévoient-ils.
« Hausses difficiles à cerner »
Pour eux, les « effets d’aubaine » ou les « hausses injustifiées » qu’ont pu dénoncer certains grands distributeurs lors d’interventions sur les médias n’existent pas. « Aucun acteur entendu, pas même les distributeurs ayant fait part de leurs doutes, n’a été finalement en mesure de prouver le contraire », indique le rapport. Cependant, après enquête du groupe de suivi sénatorial, les parlementaires ont constaté des « pratiques contestables de la part de certains distributeurs et industriels […] comme le chantage à la rupture de stock ou le fait d’augmenter les prix dans les rayons sans même que le tarif d’achat ait augmenté ». Si hausses injustifiées il y a, elles sont « difficiles à cerner », « marginales » et très certainement le fait de certains acteurs financiers qui ont spéculé sur les marchés internationaux. En revanche, il est « plausible que, pour certains produits, les hausses constatées dans les rayons soient supérieures à la hausse du prix d’achat effectivement supportée par le distributeur (autrement dit, que certaines hausses permettent un accroissement de la marge des enseignes) », note la commission des Affaires économiques.
Tiers de confiance
Le rapport de 60 pages rappelle le rôle protecteur et « efficace » joué par la loi Egalim 2 sur les matières premières agricoles durant les négociations agricoles et pour soutenir le revenu agricole. Cependant, le hausse des prix obtenue par l’amont (+3,5 %) a été vite rognée par l’inflation. De plus, cette loi a « déplacé l’âpreté des négociations » vers les matières premières industrielles et l’intervention du tiers de confiance est jugée « trop tardive pour pacifier les relations commerciales ». 80 % des industriels ont choisi de faire intervenir un tiers de confiance (le commissaire aux comptes), afin qu’il certifie à l’issue de la négociation que celle-ci n’a pas porté sur la part des matières premières agricoles. De même les sénateurs remarquent-ils que la fixation des clauses de révision des prix est trop peu encadrée. Ce rapport qui propose six recommandations ne manquera pas d’alimenter la traditionnelle séance de négociations commerciales du jeudi matin entre les différentes parties prenantes.
Le rapport est disponible sur le site du Sénat, rubrique « rapports d’information ».