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Silphie : miracle ou mirage ?

Dotée de nombreux atouts, médiatisés, la silphie a fait l’objet d’essais dans le réseau Dephy, dont un en Châtaigneraie cantalienne sur sa contribution à l'autonomie fourragère en élevage. Les premiers résultats étaient présentés fin janvier. 

La silphie est prisée pour sa biomasse et sa longévité. Ici l’essai de Vezels-Roussy à la floraison..
© M. Peilleron

Tels les Conquistadors découvrant les fabuleuses cités d’or, certains ont vu dans la silphie un nouvel eldorado agronomique. Résistante au sec, au froid, chiche en intrants, généreuse en biomasse... la plante, originaire d’Amérique du Nord, a fait l’objet ces dernières années d’articles dithyrambiques dans la presse agricole et nationale, présentée comme une culture miracle face aux affres du changement climatique. 
Miracle ou mirage ? Dans le Cantal comme en Picardie, des réseaux Dephy(1) animés par les Chambres d’agriculture ont décidé de se pencher sur la question et de faire la part des choses sur les capacités et vertus réelles de cette silphie perfoliée, en implantant des essais. Les résultats de ces essais - pour l’un conduit à Vezels-Roussy chez Gilbert Chausy depuis 2021, pour l’autre dans la Marne depuis 2023(2) - ont été présentésfin janvier lors d’un webinaire national Dephy Ferme.

Implantation : 2600 €/ha mais pour 15 à 20 ans

En amont, les caractéristiques de la silphie - dont les surfaces ne cessent de s’étendre en Allemagne (+ 10000 ha) et qui commencent à s’implanter dans l’Hexagone - ont été détaillées. Spécificité première, la silphie est une culture vivace dont la longévité dépasse les 15 ans et la hauteur s’étage de 1,80 à 3,5 m. Elle fleurit de mi-juillet à fin septembre avec des fleurs jaunes au fort pouvoir mellifère. Sa faible densité de semis est comprise entre 2,4 et 3 kg/ha, compensée par une forte production de biomasse avec 5 à 80 tiges vertes par pied et un rendement attendu entre 10 et 20 tonnes de matière sèche à l’hectare, avec en moyenne deux coupes annuelles. 
Son système racinaire profond, constitué de rhizomes, lui permet d’accéder à l’eau en profondeur et de mieux supporter les périodes de stress hydrique. Peu sensible au froid (jusqu’à - 40°C), peu prisée du gibier, la silphie n’a que de faibles besoins en fertilisation et eau, sa couverture du sol est importante et ses valeurs alimentaires sont jugées intéressantes. Revers de la médaille : son coût d’implantation élevé, de l’ordre de 2 600 €/ha, mais qui doit être ramené à sa durée de vie. 
Si elle s’est développée outre-Rhin pour alimenter les méthaniseurs (dans ce cas, une seule coupe fin août), dans le Cantal c’est son potentiel fourrager pour l’alimentation des bovins, particulièrement en périodes de sécheresse, et donc sa contribution possible à une autonomie fourragère accrue que le réseau Dephy de Châtaigneraie a souhaité évaluer. 

En savoir plus : https://www.silphie-france.fr/

Rendements encore décevants

C’est ainsi après quatre campagnes de sécheresse (sur cinq années) que l’essai cantalien a été implanté en juin 2021 sur une ferme en bio à 600 m d’altitude, après un apport de 20 tonnes de fumier, suivi d’un labour et d’une reprise de labour. L’implantation a été réalisée avec les moyens du bord, à savoir une herse étrille équipée d’un semoir semi-automatique (qui s’est avéré tout à fait adapté) et un passage de rouleau a visé un meilleur contact entre la graine plate et la terre. À l’automne, les six pieds recensés par mètre carré ont dépassé l’objectif de densité (4 pieds), laissant augurer un essai prometteur. Promesse douchée l’année suivante avec un rumex qui s’est énormément développé dans la culture, a priori proportionnellement au taux d’humidité permis par la couverture végétale de la siplhie. Et ce sans possibilité de lutte chimique ou mécanique. “On ne l’a ramassée qu’en septembre pour aller chercher le maximum de potentiel”, 
a indiqué Marc Peilleron, animateur du réseau Dephy de Châtaigneraie et responsable du service RID(3) à la Chambre d’agriculture. Avec 4 T MS/
ha, le rendement a déçu, tout comme la teneur en MS (27 %) et sa valeur énergétique (0,18 UFL). 


En 2023, a sonné l’heure de la contre-attaque de la silphie avec une première coupe fin juillet qui a affiché 8 T MS/ha et un net recul du rumex étouffé par la culture. La seconde coupe (en octobre) a elle été handicapée par la canicule estivale avec seulement 2 T MS/ha. En 2024 enfin, la première coupe avancée à mi-juillet a donné un rendement correct (6 T MS/ha) sans que les valeurs alimentaires progressent. En revanche, appétence et digestibilité (70 %) ont été au rendez-vous. La seconde récolte n’a consisté qu’en une coupe de nettoyage, faute d’une véritable reprise de la culture.

Avec sa digestibilité, c’est un fourrage tout à fait intéressant pour passer des périodes de quelques mois de crise (sécheresses) en élevage allaitant ou pour des génisses et vaches laitières taries”, estime Marc Peilleron, responsable du RID à la Chambre d'agriculture du Cantal.

Une piste de sécurisation fourragère 

“Malgré un rendement perfectible, la silphie présente un intérêt indéniable en tant que complément fourrager. Sa production de biomasse permet de sécuriser les stocks destinés à l’alimentation du bétail. Avec sa digestibilité, c’est un fourrage tout à fait intéressant pour passer des périodes de quelques mois de crise (sécheresses) en élevage allaitant ou pour des génisses et vaches laitières taries”, estime Marc Peilleron. En revanche, en raison de sa relativement faible teneur en protéines (70 de PDNI), elle ne peut constituer la base d’une ration, a fortiori pour des laitières. Et en tout état de cause, elle n’est pas envisagée comme une alternative au maïs mais comme une option potentielle de plus pour 
sécuriser les systèmes. “On a des réussites mais tous les feux ne sont pas encore au vert”, complète l’ingénieur agronome. L’essai cantalien va donc se poursuivre pour évaluer ce potentiel technique mais aussi économique. 

(1) Les réseaux Dephy rassemblent plus de 2 000 exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l’usage de pesticides et d’évaluation de pratiques alternatives.
(2) Associée à une culture de maïs.
(3) Recherche, innovation, développement.

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