Si le ministre vient en mode balade au Sommet… Il va être servi
À la veille de l’ouverture du Sommet de l’Élevage, les responsables syndicaux FNSEA-JA se sont retrouvés sur l’exploitation du Gaec de la Tour à Celles-sur-Durolle, dans le Puy-de-Dôme.
Emmanuel Pinay et Laurent Dolzome exploitent 160 hectares sur la commune de Celles-sur-Durolle. Au cœur de la montagne thiernoise, les deux associés élèvent des poulets standards et des charolaises. Une partie de leurs 110 mères ont regagné la stabulation car elles ne vont pas tarder à vêler. Sous leurs pieds, de la sciure, en lieu et place de la traditionnelle paille qui, sécheresse oblige, viendra compléter la ration. Comme Emmanuel et Laurent, bon nombre d’éleveurs nourrissent leurs animaux depuis plus d’un mois faute de pâtures productives. « Les conséquences de la sécheresse sont pour le moment très sous-estimées par les pouvoirs publics », estime Jérémy Decerle, président des Jeunes Agriculteurs, présent au Gaec de la Tour dans le cadre de la conférence de presse organisée à la veille du Sommet de l’Élevage, par le réseau FNSEA-JA-FNB¹ et FNPL. « 5 à 6 mois d’hiver, on sait gérer, mais 9 mois, on ne sait plus faire », témoigne Bruno Dufayet, président de la FNB, qui invite le ministre de l’Agriculture à enclencher très rapidement les évaluations et les procédures calamités dans les départements.
Et le salaire de l’éleveur dans tout ça…
De la réactivité, les responsables professionnels en attendent aussi du Gouvernement sur la loi alimentation. « En laissant le soin aux interprofessions de fixer les indicateurs de coût de production, les pouvoirs publics n’ont rien résolu », résume Yannick Fialip, représentant de la FNPL. « Les industriels français ne sont même pas capables de suivre les indicateurs de prix européens. Moralité, la France, qui a pourtant choisi la stratégie de la segmentation contrairement à l’Allemagne qui fait la course aux volumes, affiche un prix du lait inférieur au prix allemand ». Pour Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central et secrétaire général adjoint de la FNSEA, « à ce jour la loi est non seulement inapplicable sans les ordonnances, mais elle est bien loin du discours de Rungis du Président de la République ». La semaine dernière, la réunion de l’interprofession bovine portant sur les indicateurs de coûts de production s’est soldée par un échec. « La Fédération du commerce et de la distribution refuse de valider les indicateurs », témoigne Bruno Dufayet. En résumé, « les mêmes qui, l’an dernier, ont signé des chartes d’engagement, refusent de signer lorsqu’il s’agit de prendre en compte le salaire de l’éleveur », s’emporte Patrick Bénézit.
Ne pas lâcher l’affaire
Pour autant, le syndicalisme FNSEA-JA ne veut pas rester les bras ballants, et défie le ministre de l’Agriculture de profiter de sa visite au Sommet « pour fanfaronner sur une exploitation en expliquant que tout a été fait sur les prix et que tout va bien ». Non, résolument, le compte n’y est pas et le combat doit continuer : « Notre détermination à voir les ordonnances aboutir et les choses évoluer (ndlr : sur les indicateurs de coûts de production notamment) reste intacte. Nous n’avons pas dépensé toute cette énergie pour que ce rendez-vous des États Généraux de l’alimentation reste lettre morte », indique Jérémy Decerle. Aux attaques de Leclerc vilipendant une loi « anti pouvoir d’achat », les syndicalistes répondent par la transparence : « pour que les producteurs aient un meilleur revenu demain, les consommateurs devront payer un peu plus cher », tout en remettant l’église au centre du village : « L’État et Leclerc ont moins d’états d’âmes pour passer des hausses sur l’essence et le gasoil que sur l’alimentation. Pourtant, pour vivre, on remplit plus souvent son estomac que son réservoir d’essence », résume Yannick Fialip.
Enfin sur la question des végans, dont les menaces à l’encontre du Sommet de l’Élevage se sont multipliées ces dernières semaines, les responsables professionnels ont été très clairs : « Trop c’est trop, les éleveurs ne peuvent pas continuer à se faire harceler de la sorte. Qu’ils ne veulent pas manger de viande c’est leur problème, mais qu’ils veulent imposer leur vision aux autres, cela s’apparente au terrorisme », résume Patrick Bénézit. Et les responsables de rappeler que désormais ce problème est une question de sécurité publique, et que c’est au Préfet d’assurer l’ordre.
1. En amont de la visite d’exploitation, une délégation de la Fédération nationale bovine a visité l’entreprise Jacquet, filiale de la coopérative Limagrain à Saint-Beauzire.