Sécurité routière : un bilan en trompe l'oeil
Moins d'accidents, de morts et de blessés sur les routes du Cantal l'an dernier par rapport à une année 2020 atypique. Mais comparé aux statistiques d'avant-crise, le bilan n'est pas bon.
2021 semble a priori à marquer d'une pierre blanche en matière de sécurité routière dans le Cantal comme en France d'ailleurs, avec une accidentologie en recul. L'an dernier, la préfecture a ainsi recensé 115 accidents (corporels avec au moins une personne blessée ou tuée), soit
10 de moins qu'en 2020. Le nombre de victimes - 5 en 2021 - est par ailleurs le plus bas enregistré depuis dix ans dans le département (2011 avait d'ailleurs été une année noire avec
2 décès), quand bien même ce sont cinq de trop. Surtout que sur cinq victimes, toutes avaient moins de 24 ans, dont 3 moins de 17 ans. Moins de morts, moins de blessés également : 138 en 2021 contre 146 l'année précédente.
De gros excès
Les Cantaliens et touristes qui sillonnent les routes du département auraient-ils levé le pied, abandonné portable et alcool au volant, respecté à la lettre le Code de la route ? Pas franchement, déplorent le préfet Castel et le colonel Aubry, commandant du groupement de gendarmerie du Cantal, présents vendredi dernier sur un contrôle routier sur la RN122 à hauteur de Giou-de-Mamou(1), en cette veille de vacances scolaires. Tous deux invitent en effet à comparer ces chiffres non pas avec ceux de 2020, une année singulière dans le Cantal, qui s'était illustré, malgré les confinements, par une nette recrudescence des accidents et du nombre de blessés sur les routes. "Les chiffres de 2021 restent au-delà du niveau d'avant-crise", affiche ainsi Serge Castel évoquant les 87 accidents (et autant de blessés) de 2019, soit - 58 % par rapport au bilan de 2021. Et en pointant par ailleurs la persistance, voire la hausse, des "gros excès : gros excès de vitesse, mais aussi gros excès d'alcool et de stupéfiants".
L'usage de stupéfiants au volant n'est plus l'apanage de la jeunesse urbaine, relève le colonel Aubry, et il n'implique pas que du cannabis : cocaïne et autres substances font partie du lot : "Des gens sous stupéfiants qui conduisent, on n'en trouve pas qu'à Aurillac et sur la 122, c'est aussi le cas à Condat, Allanche... On se rend compte que le Cantal est bien "maillé" en la matière."
"Banalisation" des stups au volant
Un constat qui justifie la priorité déjà donnée à la lutte contre la consommation et le trafic de drogues par le Parquet et les forces de l'ordre. Priorité qui sera encore accentuée en 2022 et les contrôles routiers sont autant d'occasion de filtrer les flux. "Si on a une suspicion de consommation au volant (suspicion qui sera levée ou pas par un test sur place, ndlr), on va se rendre chez la personne, ce qui permet parfois de trouver quelques grammes, d'autres fois bien plus... ou rien, expose le colonel Aubry. On bascule ainsi de la sécurité routière au contrôle des flux, tout passe par la route." Une infraction mineure au volant pouvant ainsi conduire à dérouler une pelote d'infractions bien plus lourdes.
Si l'inattention au volant et la vitesse (excessive ou inadaptée) ont été l'an dernier les premiers facteurs d'accidentologie (facteur en cause chacun dans un accident sur cinq), suivies des refus de priorité (17 %), alcool et stupéfiants sont impliqués dans 14 % des cas. Et la consommation de substances psychoactives a justifié quelque
226 suspensions de permis, soit 31 % de suspensions prononcées en 202(2), un ratio en constante hausse.
Le nombre de suspensions de permis (tous motifs confondus) enregistre d'ailleurs une nette progression, passant de 512 en 2020 à 724 en 2021. Hausse qui mérite cependant d'être nuancée au regard des confinements de 2020. À noter également que 77,50 % de ces suspensions de permis concernent... des hommes.
Pédagogie
Le nombre total d'infractions suit lui aussi une tendance haussière (809 infractions téléphone, 190 conduites sans permis...) hormis celles relatives à un défaut de ceinture de sécurité. Ces statistiques viennent corroborer l'analyse des autorités, plaidant pour une vigilance et sensibilisation permanentes afin d'inverser durablement les courbes des morts et blessés sur les routes du Cantal. Et si la coercition fait partie de l'arsenal en faveur de la Sécurité routière, préfet et colonel insistent sur la vertu pédagogique de la présence des forces de l'ordre sur la route. D'ailleurs, Philppe Aubry souligne que la grande majorité des contrôles sont bien compris et acceptés des Cantaliens, comme en atteste ce vendredi l'attitude souriante de ce chauffeur d'utilitaire, verbalisé pour téléphone tenu au volant.
(1) Une autre opération était en cours à Vic-sur-Cère sur réquisition du Parquet permettant des contrôles plus poussés : contrôles de passagers, du coffre.. dans le cadre de la lutte contre le
trafic de stupéfiants, contre le travail dissimulé et le terrorisme.
(2) La vitesse représente elle 37 % des cas.