Qui sème les prix bas, récolte la colère agricole
Les agriculteurs du grand Massif central ont entamé lundi le blocage de la centrale d’achat de Leclerc, située près de Moulins, dans l’Allier. Jour et nuit, les départements se relaient avec un objectif : faire pression sur la distribution pour obtenir rapidement une revalorisation des prix.
« Jusqu’à ce que prix s’ensuivent ». La détermination des agriculteurs est à la mesure de leur niveau d’exaspération, pour ne pas dire de désespoir. Lassés par des promesses creuses qui n’aboutissent à rien, bien décidés à en découdre avec la grande distribution dont la politique des prix bas les enterrent un peu plus chaque jour, les FDSEA, FNSEA et JA des départements du grand Massif central a décidé lundi de frapper fort. Leur cible : une importante plate-forme d’achat du géant Leclerc. Situé sur la commune d’Yzeure, à proximité de Moulins dans l’Allier, la SCA Centre alimente pas moins de 37 points de vente.
Autant dire que lorsque les premiers tracteurs se sont délestés de leur chargement, le directeur du site, Paul-Henri Grondin était inquiet. L’embrasement de l’amoncellement disparate de pneus, paille, souches, etc. constamment alimenté par des cargaisons multiples, aura finalement eu raison du… portail.
Au démarrage du blocage, près de 150 agriculteurs étaient présents. De l’Allier bien sûr, mais aussi de la Loire, de la Creuse, de la Saône-et-Loire, du Centre…
« Grâce à la présence de dix départements, nous allons organiser des tours de garde », a expliqué Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central. Si des agriculteurs de l’Allier étaient présents en force durant la journée, la nuit, ils ont été relayés par leurs voisins. Ainsi, la Saône-et-Loire et la Nièvre ont assuré la première nuit. Mardi soir, c’était au tour des puydômois, des creusois et des corréziens de prendre le relais, tandis que les cantaliens, les altiligériens, les lozériens et les aveyronnais devaient prendre la relève mercredi soir.
Blocages en Rhône-Alpes aussi…
Au même moment, les collègues de Rhône-Alpes bloquaient eux-aussi trois plate-formes de distribution dans l’Ain : celle de System U à Bourg-en-Bresse, d’Intermarché aux Echets et de Carrefour à Saint-Vulbas.
Depuis les manifestations de l’été dernier, les revendications des agriculteurs n’ont pas varié d’un iota. Elles se sont même intensifiées face à la dérision des mesures annoncées, comme en témoigne Corinne Descombe, jeune agricultrice installée du côté de Roanne dans la Loire : « Nous sommes le premier maillon de la chaîne, et nous ne décidons de rien sur les prix. Il faut que ça s’arrête car la base c’est nous. On veut des prix, les enveloppes c’est du court terme et de toute façon, ce n’est pas suffisant ».
Taper du poing sur la table à Bruxelles
Le constat est unanime : le prix rémunérateur passe par plusieurs leviers. D’abord par davantage de transparence et une juste répartition des marges tout au long de la filière. « Les négociations en cours doivent aboutir à une hausse des prix », insiste Michel Joly, agriculteur en Saône-et-Loire et président de la section régionale bovine. Par ailleurs, les agriculteurs estiment que l’étiquetage de l’origine des produits doit être une obligation à laquelle doivent se plier les GMS. « Utiliser les logos « transformé en France », c’est tromper le consommateur », s’agace Mickaël Randoin, président des JA de l’Allier. En matière d’exportation aussi, des marges de manœuvre existent : « il serait temps que nous disposions d’une stratégie dynamique avec un objectif d’ouverture complète de tous les marchés », ajoute Pascal Lerousseau, président de la FDSEA de la Creuse et coordinateur du Berceau des races à viande. Enfin, les agriculteurs attendent un engagement fort de la Commission européenne : « le déséquilibre actuel des marchés nécessite la restauration d’un certain nombre d’outils de régulation des marchés », explique Patrick Bénézit.
Le Foll défend la régulation
Une position partagée par le ministre français de l’Agriculture, qu’il est allé défendre, lundi à Bruxelles.
Au cours d’entretiens bilatéraux avec Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture, Christian Schmidt, et Krzysztof Jurgiel, respectivement ministres allemand et polonais de l’Agriculture, puis lors du débat au Conseil, Stéphane Le Foll a insisté sur la nécessité pour l’Europe de disposer de réels outils de régulation des marchés agricoles et de mettre en place, rapidement, des mécanismes pour venir en aide aux agriculteurs en difficulté. Selon le Ministre, « seul un mécanisme responsabilisant les acteurs économiques par une limitation de la production serait de nature à stopper la course à la production qui se conjugue toujours avec une baisse des prix insoutenable pour les agriculteurs ».