À quelques semaines des vendanges, le millésime 2018 s’annonce exceptionnel
Le temps que le raisin mûrisse encore un peu, et viendra l’heure des vendanges. Servi par des conditions climatiques très favorables, le cru devrait être fameux selon les vignerons du Fel.
Auguste Abeil, c’est le doyen. Pierre Albespy, le benjamin, dont les derniers ceps plantés donneront pour la première fois cette année. Laurent Mousset, c’est le président de l’AOC vins d’Engraygues et du Fel. Serge Broha, l’unique viticulteur de l’appellation en territoire cantalien, les rejoint : sur six producteurs de cette AOC qui ne cesse de gagner en notoriété, quatre s’étaient donnés rendez-vous pour évoquer les pré-vendanges et la récolte qui s’annonce. À en juger par les sourires de chacun, l’année sera bonne. Voire très bonne. Toutefois, prudents, les viticulteurs du Fel n’omettent pas de préciser que “tant que ce n’est pas dans la cave, rien n’est encore gagné”.
L’ennemi
Ce qu’ils redoutent le plus, c’est un orage de grêle. Des épisodes, même anciens, laissent les traces indélébiles, de mauvais souvenirs et les esprits demeurent profondément marqués : “En 1994, tout était par terre à quelques jours de vendanger ! On n’a rien pu en tirer, zéro !” Hormis ce fléau, il n’y pas grand-chose à craindre : le gel est exclu sur ces côteaux de la vallée du Lot, bien exposés à une altitude moyenne de 400 mètres. Certains animaux font bien quelques dégâts - notamment le blaireau, la martre ou la fouine - mais pas de quoi remettre en cause la quantité remarquable de grappes lourdes constatées cette année. Quant au mildiou, traité à temps, il a vite été éradiqué. Après la mi-juillet, il n’y avait plus rien à craindre. “D’autant que la peau épaisse du grain fait que ça ne pourrit pas”, glisse Laurent Mousset, producteur bio qui ne pulvérise que de la bouillie bordelaise(1). “Ceux qui ont su tenir leurs vignes savaient que la quantité serait là”, résume Serge Broha, de la Vidalie, à Vieillevie. Imposé par le cahier des charges de l’AOC, même le chenin (cépage blanc) réputé plus fragile que les cabernets et le fer servadou (cépage noir rustique), s’est bien comporté. Il faut dire que “l’humidité est restée en profondeur”, comme le souligne Auguste Abeil, des côteaux du Haut-Mindic. Les Dieux du ciel étant vraiment du côté des viticulteurs cette année, cette humidité que savent capter les profondes racines de la vigne, a su être entretenue par quelques orages bien sentis, à partir du 10 août. Le travail d’effeuillage pour libérer les grappes n’a plus lieu d’être après le 15 août. Mieux encore, les feuilles du bas de chaque plant tombent désormais toutes seules, libérant encore davantage ces grappes lourdes et fournies, offertes au soleil d’un été indien. De quoi laisser le raisin mûrir encore, afin de libérer tous ses arômes.
Sortir des vieux clichés
Une courte balade dans les vignes suffit à confirmer les propos les plus enthousiastes : les alignements de fruits noirs fer servadou sont impressionnants ; en bouche, le grain est prometteur ; les hommes motivés. “Ça rattrapera de l’année dernière !”, remarque Pierre Albespy, le nez dans un verre de rosé issu de ce cru 2017 réussi, mais malheureusement pénalisé par des gels printaniers... Comme pour fêter ce retour en grâce, les 15 et 16 septembre, une fête vigneronne était organisée à Entraygues, avec diverses randonnées pour partir à la découverte du vignoble, avec accueil dans différentes caves, repas et collations. Mais pour le millésime de l’année, il faudra encore attendre ! Réalisées entièrement à la main, les premières vendanges en blanc devraient avoir lieu d’ici une à deux semaines, selon l’altitude des parcelles. Le rouge méritera peut-être jusqu’à trois semaines avant la récolte. Fermentation, pressage, mise en futaille... et l’alchimie opèrera durant l’hiver. Chacun des six vignerons mettra en bouteille sa production. Des vins rouges, blancs ou rosés, qui séduisent davantage en territoire aveyronnais que dans le Cantal, où il plaît surtout aux jeunes et nouveaux arrivants. La mémoire d’un temps révolu où les vins du Fel n’avaient pas la réputation d’aujourd’hui a la vie dure... Désormais présents chez tous les cavistes locaux, jusqu’à Rodez, sur les marchés et à la carte de nombreux restaurants, ils sont également proposés en vente directe et, depuis peu, dans la boutique de produits régionaux que Pierre Albespy et Céline Roucous ont aménagé dans une cave du Fel creusée à même la roche(2). Première dégustation autour d’avril. Toutefois, le cru 2018 devrait révéler véritablement son potentiel l’été prochain. Et, pour des cuvées plus évoluées, attendre encore un an de plus. L’excellence sait se faire mériter. Patience, patience...
(1) Le mélange à la couleur bleue très reconnaissable n’est composé que d’eau, de sulfate de cuivre et de chaux.
(2) On y trouve notamment les productions des trois viticulteurs de la commune du Fel (Mousset, Abeil, Albespy). Depuis son ouverture il y a deux ans, 4 000 bouteilles ont été écoulées dans ce point de vente.