Quel impact d’un éventuel accord UE‑Mercosur ?
À l’occasion d’une session de conférences organisée par l’Idèle, Jean-Luc Angot, membre de la commission d’évaluation de l’accord UE-Mercosur a détaillé les conséquences de l’accord, et mis en lumière les paradoxes auxquels la France est déjà confrontée.
Après le Ceta, le Mercosur ? Pour les éleveurs français, la perspective de signature d’un accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Vénézuéla) est impensable et serait vécue comme une trahison. En effet, sommés de monter en gamme et de réduire l’utilisation de pesticides lors des États généraux de l’alimentation, les agriculteurs dénoncent, depuis des mois, le double discours du Gouvernement, qui dans le même temps invite des pays moins regardants en termes sanitaires et environnementaux à inonder de leurs produits moins chers les étals français. Pour faire toute la lumière sur la portée d’un tel accord, l’Idèle a donné la parole, dernièrement, à Jean-Luc Angot¹, membre de la Commission d’évaluation de l’accord UE-Mercosur, dans le cadre d’un cycle de conférences « Grand Angle ». D’abord, sur les perspectives d’export, ces pays-là bénéficient d’une compétitivité impressionnante via les prix et les différentiels de normes. « Actuellement, 70 % des viandes bovines du Mercosur entrent à droits de douanes réduit sur le marché communautaire ». Demain, le Brésil notamment aura des disponibilités accrues en aloyaux et donc un intérêt certain à s’engouffrer sur le marché européen pour mieux valoriser ce type de produit.
Quand la France s’assoit sur sa loi
Dans ces zones, où la productivité animale à l’hectare a été multiplié par deux en trente ans, cela s’est fait grâce à l’intensification des pratiques et au recours à des substances phytosanitaires, dont « 51 sont interdites dans l’UE », commente Jean-Luc Angot. Le volet sanitaire et bien-être animal est donc central. « Pour autant, l’accord ne prévoit pas de modification sanitaire. Il y aura donc augmentation des risques s’il y a augmentation des flux », estime l’inspecteur général de la santé publique vétérinaire. Pour lui, tant de différends auraient dû faire l’objet d’un accord nouvelle génération afin d’introduire des exigences sur les modes de production. Mais il n’en est rien… « À l’heure où de la viande brésilienne entre déjà sur le territoire européen, la France, via l’article 44 de la loi alimentation pourrait refuser d’appliquer les accords en cours ». En effet, cet article stipule qu’il est proscrit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit, en vue de la consommation humaine ou animale, des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires, ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne, ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par la réglementation. La commission d’évaluation sur le projet d’accord UE-Mercosur devrait rendre ses conclusions dans les tous prochains jours. Le rapport qui en sera issu devrait orienter le positionnement de la France au conseil de l’Union Européenne.
1. Jean-Luc Angot est inspecteur général de la santé publique vétérinaire. Il préside la section « prospective, société, international », du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).