Première rencontre avec la préfète
La FDSEA a invité la nouvelle préfète pour évoquer les dossiers en cours.
À peine ses cartons déballés, la nouvelle préfète de la Creuse Anne Frackowiak-Jacobs a pris contact avec les acteurs de son nouveau territoire, à commencer par le monde agricole. Elle a ainsi réservé une de ses premières visites à la FDSEA, syndicat majoritaire sur le département, le mercredi 5 avril. Accueillie par Christian Arvis et Séverine Bry, président et secrétaire générale de la FDSEA, Mme Frackowiak-Jacobs a tenu à dire sa « joie » d’avoir été nommée dans un département très rural comme la Creuse, car cela convient autant à ses goûts personnels qu’à sa volonté de contact rapide et efficace avec les acteurs locaux : « Le territoire c’est ce qui me tient à cœur, j’aime travailler avec les agriculteurs car ils ont des valeurs et le respect de la parole donnée » a-t-elle affirmé.
Un revenu indispensable
Cette première prise de contact a été l’occasion de lui donner le point de vue de la profession sur plusieurs dossiers qui occupent particulièrement le syndicat en ce moment. Le grand fil rouge de ces dossiers est clairement le revenu, l’élevage bovin allaitant, production très majoritaire sur le département, ne fait que passer de crise en crise, provoquant une lassitude des éleveurs en place et un gros défaut dans le renouvellement des générations : « le manque de rémunération n’est pas motivant pour l’installation de jeunes » explique Christian Arvis. Ces difficultés sont exacerbées par la stigmatisation dont est victime l’agriculture ces dernières années : une part très minoritaire de la société vient s’installer « à la campagne » sans accepter l’existant. Afin de faciliter les prises de contact, une « charte du nouvel arrivant » a été créée. Elle permet de faire prendre conscience à la plupart des inconvénients potentiels de la vie rurale (travaux agricoles, etc). Malgré cela, une part très minoritaire a décidé de profiter de la déprise agricole pour s’installer pour pas cher dans certaines parties du département et en marge de la société. Déjà informée par sa prédécesseure et particulièrement sensible aux questions de sécurité, la préfète a indiqué déjà connaître ce type de sujet.
Passée cette question sociétale, Christian Arvis est revenu sur l’application de la loi Egalim 2 et a demandé « au plus vite » une réunion de filière réunissant producteurs, coopératives et opérateurs privés pour en faire le point de la contractualisation sur le département et sensibiliser les acteurs sur la nécessité de l’appliquer correctement : « Les prix ont beau augmenter, l’explosion des charges fait que le compte n’y est toujours pas. Pour le renouvellement des générations, il est nécessaire que les repreneurs puissent compter sur un revenu bien supérieur aux 350 à 500 € actuels. »
Les responsables agricoles ont rappelé le nouveau nom du ministère de l’Agriculture « et de la Souveraineté alimentaire » et leur engagement dans cette voie : « Il est anormal que 29 % de la viande bovine consommée en France soit importée, si l’on veut de la souveraineté alimentaire il faut des agriculteurs qui vivent correctement de leur métier. » D’autant qu’avec les sur-réglementations par dessus les règles européennes, les normes françaises font parties des plus strictes au monde, et ce bon comportement des éleveurs doit être rémunéré : « une alimentation saine à un prix », assène Christian Arvis.
Une disponibilité de l’eau qui évolue
Le problème de la gestion de l’eau est venu s’ajouter à ces contraintes économiques : « La pluviométrie annuelle n’a pas vraiment baissé, explique Christian Arvis, mais sa répartition au cours de l’année fait que nous n’avons plus d’eau au moment où nous en avons besoin et nous la regardons partir vers l’Atlantique quand elle arrive enfin. Il faut que nous puissions la stocker. Il faut faciliter la mise en place de retenues collinaires, des accès pour les autres usages, comme pour les pompiers, sont complètement possibles. Il faut aussi encourager les agriculteurs à capter des sources et faire des forages, et il y aura ainsi beaucoup moins de tension sur le réseau d’eau potable ». Ces dernières années, la Région a aidé à la mise en place de points d’abreuvement pour le bétail, pour les responsables agricoles c’est une initiative à faire perdurer.
Au sujet de l’eau, les responsables syndicaux ont tenu à montrer leur solidarité avec leurs collègues de Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Les appels à la violence et la destruction d’installations agricoles par des agriculteurs de la Confédération Paysanne ont profondément choqué les agriculteurs. « Sur place, les agriculteurs sont en état de choc psychologique face à la violence subie ». La FDSEA a donc demandé par écrit l’exclusion pure et simple de la Confédération Paysanne des instances de concertation départementales car cette organisation ne répond plus au critère de respect des valeurs républicaines pour être reconnue comme un syndicat agricole.
Parmi les autres sujets, la crise de la bio a également été évoquée : depuis quelques années les consommateurs préfèrent se tourner vers le local, dans certaines filières, les produits bio se retrouvent paradoxalement encore moins bien payés que le conventionnel, ce qui oblige les agriculteurs à faire déclasser leur production. Si la vente directe se développe bien, « elle n’est cependant pas la panacée, c’est un métier à part entière en plus, et il faut beaucoup communiquer, explique Séverine Bry. Et tout ne peut pas partir en vente directe locale. »
En conclusion de la rencontre, Mme Frackowiak-Jacobs a indiqué avoir pris bonne note des différents dossiers spécifiques au territoire creusois, la réunion pour faire le point sur la contractualisation Egalim 2 pourrait ainsi avoir lieu assez rapidement.
De leur côté, les responsables syndicaux sont sortis plutôt satisfaits de ces échanges : « Cette nouvelle préfète a l’air de bien connaître l’agriculture et la ruralité, elle n’était pas perdue dans notre jargon. Elle a l’air droite, franche et à l’écoute. » Des qualités qui devraient permettre des échanges fructueux lors des prochaines sessions de travail.