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Patrick Bénézit : “Rien ne vient tout seul !”

Patron emblématique de la FDSEA depuis six ans, Patrick Bénézit passera la main dans quelques jours. Il revient sur deux mandats qui ont vu les tuiles pleuvoir sur l’élevage cantalien.

Sécheresse, rats taupiers, classement zones vulnérables... : les motifs de mobilisation ont été nombreux depuis six ans.
Sécheresse, rats taupiers, classement zones vulnérables... : les motifs de mobilisation ont été nombreux depuis six ans.
© P. O.

Vous passez les rênes de la FDSEA après deux mandats durant lesquels rien n’a été épargné à l’élevage cantalien. Quels ont été pour vous les combats et acquis syndicaux marquants ?

Patrick Bénézit, président de la FDSEA : “Il y a eu effectivement la sécheresse de 2011, pas si facile que ça à gérer : il a fallu se débrouiller pour aller chercher de la paille hors du département et l’acheminer car les voies SNCF étaient alors coupées, et faire aboutir en parallèle le dossier calamités. Il y a eu ensuite la réforme de la Pac pour laquelle le Cantal et le Massif central ont formulé et porté des propositions, qui ont, entre autres, abouti à la revalorisation de l’ICHN et à la pleine reconnaissance de tous les associés de Gaec. Une réforme dont le Massif central a été bénéficiaire même si ces avancées ont été très fortement ternies par une gestion calamiteuse et inadmissible du versement des aides. Aujourd’hui, personne ne sait où il en est, ni ce qui lui a été versé ! Nous avons aussi obtenu un plan bâtiment fortement réévalué mais là encore, le dispositif de paiement n’est pas opérationnel. C’est vraiment dommage de constater que la portée de cette Pac pour nos zones est altérée par ces dysfonctionnements administratifs.

Ce que je retiendrais aussi, c’est la sécheresse de 2015. On a été mis face à une injustice. Même si elles sont nombreuses dans le monde agricole, celle-ci était particulière : alors que le dossier calamités avait été élaboré avec la DDT(1), les pouvoirs publics ont non seulement considéré depuis Paris qu’il n’y avait pas eu de sécheresse, mais ils ont aussi osé nous piquer 250 millions d’euros dans le fonds calamités. Malgré les différentes promesses, il a fallu se rendre à l’évidence qu’on n’aurait rien. Voir en plein hiver, la mobilisation des gars aux quatre coins du département, qui n’ont rien lâché pendant quatre semaines d’affilée, c’est quelque chose de fort. Sans ça, on n’aurait pas obtenu des indemnités à hauteur de 15 M€. C’est aussi la preuve que lorsque les agriculteurs savent se mobiliser, mettre en place une stratégie et la défendre, on peut obtenir des résultats.”

Et puis il y a eu les rats...

P. B. : “Ça a été une période hors normes : on a subi des épisodes climatiques rudes, à répétition, une crise économique sur les prix qui fait encore des dégâts, la FCO qui a déstabilisé le marché et laissé des traces... et puis le “supplément malheureux” des rats pour un certain nombre d’éleveurs. Rien n’a été simple, ni limpide pour que soit activé le FMSE (Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental, NDLR). Comme sur la sécheresse et les aides Pac, il a fallu se battre pour arracher les décisions et ensuite pour les faire appliquer. Ce qui est relativement nouveau. Même quand quelque chose est validé par le ministère, il faut suivre les affaires, monter au créneau quasiment chaque semaine pour que ça arrive sur les comptes des paysans. C’est ce qui est le plus usant pour les agriculteurs et les responsables. Il y a une situation de blocage dans ce pays qu’il faut régler de manière urgente pour arrêter de gaspiller de l’énergie qui serait mieux valorisée ailleurs !”

La question des prix des productions reste la clé selon vous pour redonner des perspectives aux éleveurs ?

P. B. : “Nous avons dû engager de gros bras de fer et il y en aura d’autres, il ne peut en être autrement. Aujourd’hui, il faut absolument de nouveaux dispositifs qui donnent des leviers aux producteurs. On a essayé de développer des filières et démarches différenciées, l’AOP entre autres. Le Cantal a marqué des points sur la revalorisation de ses AOP fromagères même si c’est loin d’être suffisant. C’est un vrai combat à poursuivre au plan départemental. Au niveau national, en viande bovine, on a initié la démarche Cœur de gamme, qui apporte une plus-value sur certaines catégories d’animaux, et dont il n’est pas normal qu’elle soit contestée par un certain nombre d’acteurs de la filière. Il faut absolument faire vivre cette démarche. Il y a enfin tout le sujet de l’export : le Cantal reste le premier département bovin exportateur en France. On a gagné quelques combats mais ça ne suffit pas, cela demande une politique extrêmement offensive, beaucoup plus qu’elle ne l’est actuellement.”

Voyez-vous dans les États généraux de l’Alimentation un vrai rendez-vous pour rebattre les cartes ?

P. B. : “C’est en tout cas pour nous l’occasion de demander à ce que les engagements du chef de l’État et du gouvernement sur la répartition de la valeur soient mis en œuvre : d’une part en modifiant la LME (Loi de modernisation de l’économie, NDLR) pour donner plus de poids et de revenus aux agriculteurs, d’autre part en adaptant le droit de la concurrence au monde agricole, comme le permet le Traité de Rome. La France compte 500 000 agriculteurs, quatre centrales d’achat et quand deux agriculteurs se mettent ensemble pour définir un prix à leurs produits, on parle de cartel et ils sont condamnés ! Il y a eu des avancées avec la loi Sapin, qui ne sont malheureusement pas encore appliquées, il faut aller plus loin et on compte sur les États généraux. Les aides sont une chose, la baisse des charges une autre, mais on en perçoit vite les limites, le vrai levier, c’est le prix.

Et il y a aussi le sujet de l’adaptation de nos exploitations au changement climatique : une réalité comme on le constate depuis quelques années dans le Cantal qui n’est pas épargné, ni les régions du Nord de la France. Cela passera aussi par l’irrigation.”

 

L’élevage n’a pas été épargné non plus par les polémiques. C’est un autre front ?

P. B. : “Oui c’est devenu une préoccupation, surtout du fait de la manière dont ces questions sont traitées par certains médias. On est dans la caricature, les contre-vérités sur le bien-être animal, les pratiques d’élevage. Il va falloir que le monde agricole arrive à s’exprimer, à s’extirper de ces polémiques vendeuses médiatiquement... Autant de sujets à dédiaboliser.”

L’entité syndicale Massif central a été un échelon particulièrement efficace pour la réforme de la Pac, n’est-il pas remis en cause par le nouveau découpage administratif des régions ?

P. B. : “On a toujours considéré que malgré cette réforme territoriale, les montagnes ne changeraient pas de place et jusqu’ici, c’est comme ça que ça se passe... On a appris à travailler avec les gens de Rhône-Alpes, dont une partie est une composante du Massif central, et avec lesquels il y a des convergences fortes. Les instances du Massif continuent à fonctionner et il faut veiller à ce que le législateur les préserve. Les territoires ruraux méritent une attention tout à fait particulière.”

La relève est assurée à la FDSEA ? Qui sera candidat ?

P. B. : “On a la chance dans ce département d’avoir des responsables jeunes qui souhaitent s’investir. Il est donc tout naturel de se répartir le travail syndical de manière intelligente, que ce ne soit pas les mêmes qui concentrent tout, sachant que personnellement, ça commençait à faire beaucoup entre le niveau régional, Massif central et le national (FNSEA). Quant à mon successeur, c’est le conseil d’administration de la FDSEA qui est souverain, même si je présenterai quelqu’un. Il faut laisser passer l’élection du 21 juillet. Une chose est sûre, il sera toujours nécessaire de s’impliquer, quels que soient les sujets et l’orientation que prendra notre agriculture. Les problèmes sont tous difficiles à régler et si on n’a pas un syndicat puissant, on ne pèse rien et on n’obtient rien. Ce qu’on a obtenu, on ne le doit pas aux autres mais à notre mobilisation, de la commune, au canton, au département. Rien ne vient tout seul, rien ne vient d’en haut, c’est plus vrai que jamais.”

(1) Direction départementale des territoires.

Droits de reproduction et de diffusion réservés.

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