Malgré l’intervention du chef de l’État, les producteurs maintiennent la pression
Tant que grande distribution et “intermédiaires” ne prendront pas des engagements fermes et l’État des mesures de régulation, les éleveurs annoncent une mobilisation continue.
François Hollande a interpellé samedi la grande distribution “pour qu’elle offre aux consommateurs de la qualité et aux agriculteurs un prix”. Il a aussi incité à privilégier le label “Viande de France”. La veille, le ministre Le Foll avait évoqué une possible rallonge aux 23 millions d’euros débloqués en février en direction des éleveurs en difficultés. Est-ce enfin la prise de conscience que vous attendiez au plus haut niveau ?
Patrick Bénézit, président de la FDSEA 15 et de la FRSEA Massif central : “Les actions qui se sont multipliées ces derniers temps, y compris dans le Massif central et le Cantal, ont finalement réussi à mettre le problème de l’élevage au niveau politique. C’était nécessaire mais c’est dommage d’en arriver à des actions plus dures pour qu’enfin, il y ait un début d’écoute. Cela dit, il faudra plus qu’un logo pour régler la crise. Ces logos, VBF, VPF(1), ils existent, si les pouvoirs publics sont juste là pour les mettre en avant, on n’ira pas loin. Il est inadmissible aujourd’hui, dans la crise que subit l’élevage, de trouver encore de la viande et du lait étrangers dans les enseignes de la grande distribution... C’en était bourré à Géant Casino Aurillac. Depuis qu’on y est passé, ce sont des produits français dans les rayons. Dès qu’on passe dans des magasins, ça marche.”
Si les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur, quelles sont les solutions ?
P. B. : “Il faut des engagements des enseignes sur leur approvisionnement et sur leur prix d’achat. Tant que ce ne sera pas fait, il y aura des actions. Il faut des engagements des magasins mais surtout des enseignes et de la restauration hors foyer.”
Des engagements ont été pris en viande lors de la table ronde du 17 juin, mais pas tenus... Comment alors relancer les prix ?
P. B. : “Les pouvoirs publics doivent mettre de l’ordre dans les marchés. Que ce soit en lait ou en viande, il ne faut pas grand-chose comme mesures de dégagement. Ça ne coûte pas beaucoup mais ça peut être très efficace. La prise de conscience c’est bien, maintenant il faut passer à la vitesse supérieure avec ou sans Bruxelles. C’est au ministre de passer à l’action rapidement. Il a indiqué que 10 % des éleveurs étaient au bord du dépôt de bilan, s’il ne fait rien, on sera bien au-delà !”
Vos troupes ont réalisé un état des lieux des prix pratiqués par les abattoirs, quel en est le verdict ?
P. B. : “On est en moyenne à + 7 cts€ alors que selon les accords pris le 17 juin, on aurait dû atteindre + 20 cts€. Avec des opérateurs qui jouent le jeu, d’autres pas. On a des acheteurs, privés ou coopératifs, qui passent aujourd’hui dans les cours de ferme, en expliquant qu’il faut baisser le prix des vaches, et, dans le même temps, on a pu constater une hausse des prix entrée abattoir. Certes pas au niveau des engagements, mais une hausse quand même. Il faut que les gens du commerce mettent cartes sur table et nous disent d’où vient le problème, qui “déconne”. C’est pourquoi, dans le cadre du mot d’ordre de la FNSEA en direction cette semaine des intermédiaires des filières, nous allons mettre autour de la table les négociants, les coopératives, les privés, jeudi pour mettre de la transparence au milieu de la filière.”
Et dans la filière laitière ?
P. B. : “Dans le cadre de ce même mot d’ordre pour le 23 juillet, on a appelé les cantons à bloquer les camions de lait pour continuer à maintenir la pression.” (lire aussi en page 8). Ne craignez-vous pas, avec des actions comme celle à Géant Casino, de vous mettre les consommateurs à dos ? P. B. : “Il faut bien comprendre une chose : quand un paysan, qu’il fasse du lait ou de la viande, voit que le 17 juin, toutes les enseignes de la grande distribution, y compris Géant Casino, s’engagent devant le ministre et que dans les jours qui suivent, ils reçoivent des publicités de cette enseigne faisant la promotion de viandes d’origine UE et pas VBF, que cette enseigne, comme d’autres, ne communique pas sur les hausses passées, il ne faut pas s’étonner que l’on se retrouve avec des gens excédés.”
Le chef de l’État a appelé les Français à une consommation patriote quitte à payer quelques centimes de plus le kilo de viande. Y sont-ils prêts d’après vous ?
P. B. : “La question n’est pas celle-là mais celle des marges. On a beau nous expliquer que sur le lait et la viande la grande distribution travaille à marge quasi nulle, mais pour la GMS, la marge, c’est ce qui reste quand elle a payé ses salariés, son patron, rémunéré ses actionnaires, financé ses locaux... Franchement, on aimerait bien, nous paysans, avoir une même marge après avoir pris un bon salaire, rémunéré le capital, et amorti les installations !”
(1) Viande bovine française, viande porcine française.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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