Maires du Cantal : entre incertitudes et franche inquiétude
Pierre Jarlier l’a voulu plus interactif sur la forme : à l’évidence, le congrès des maires du Cantal qui se tient ce jour à Saint-Flour devrait être tout aussi animé sur le fond.
Sa plus grande crainte en tant que maire d'une petite commune rurale de 517 habitants, qui a néanmoins gagné 8 % de population au recensement de février 2010 : "Que les taxes d'habitation et foncières soient appelées à compenser les recettes manquantes", explique Chantal Bernard, qui entame sa seconde année de mandat dans un contexte particulièrement flou pour les élus locaux. "Et ça, je ne veux même pas l'envisager car mes administrés sont déjà asphyxiés de taxes en tout genre alors que pour la plupart, ce sont des gens qui ont de petits salaires, à peine 1 000 euros", monte au créneau la maire de Vebret.
Un sentiment largement partagé par ses homologues cantaliens. D'ailleurs ce n'est sans doute pas un hasard s'ils étaient mercredi déjà plus de 190 inscrits (et 250 attendus) au congrès de l'Association des maires du Cantal qui se tient ce jour à Saint-Flour, dans le fief du président de l'AMF 15, Pierre Jarlier, qui a choisi d'ouvrir plus largement ce rendez-vous à l'ensemble des conseillers municipaux.
Plus d'électron libre
"À mon sens, il y a un vrai besoin, une vraie attente d'informations des élus sur les évolutions du débat parlementaire en cours et sur l'incidence de ces réformes sur les collectivités", avance Pierre Jarlier faisant référence aux deux tables-rondes organisées, l'une sur la réforme des collectivités territoriales, la seconde sur celle de la fiscalité locale.
Des incidences qui devraient rapidement se matérialiser - si le projet de loi sur la réforme des collectivités, validé le 5 février par le Sénat en première lecture, est adopté - par le parachèvement de la carte intercommunale. "Il faut que les rares communes encore isolées dans le Cantal connaissent rapidement le calendrier qui leur sera imposé, sachant que d'ores et déjà, nous savons que l'échéance de 2014 sera largement anticipée par la mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale au plus tard au 31 décem-bre 2011", réagit Pierre Jarlier qui propose au préfet de réunir rapidement la Commission départementale de coopération intercommunale "de façon à engager un débat constructif sur la base d'une analyse objective de la réalité des bassins de vie".
"Je pense en effet qu'il faut associer le plus en amont possible les élus à l'élaboration de cette nouvelle carte qui doit se faire selon un schéma consensuel. Il faut que les élus puissent garder la main sur l'avenir de leur commune", insiste le président mettant en garde contre les "pouvoirs exorbitants dont disposeront les préfets dans l'état actuel du texte pour intégrer les dernières communes dans une intercommunalité".
Autre volet qui devrait faire débat : le mode d'élection des conseillers communautaires. Le projet de loi prévoit en effet que les représentants des communes au sein des conseils communautaires des EPCI(1) à fiscalité propre soient désignés au suffrage universel direct dans le cadre des élections municipales, en privilégiant le système du fléchage pour les communes de plus de 500 habitants.
En clair, les candidats au mandat de conseiller municipal et aux fonctions de délégué communautaire figureront sur une seule et même liste, les premiers de la liste ayant vocation à siéger aux deux instances, les suivants ne siégeant qu'au conseil municipal de leur commune. "C'est une avancée significative qui va dans le sens d'une plus grande transparence de la vie publique et d'une démocratie locale renforcée", commente Pierre Jarlier. Il insiste néanmoins sur la nécessité, d'améliorer l'équilibre de la représentation des communes membres de ces EPCI(2).
Ressources évolutives
Mais pour les élus, le nerf de la guerre reste la question des ressources de leur collectivité : "Grâce à la contribution déterminante du Sénat, le principe de la compensation à l'euro des pertes éventuelles de ressources liées à la réforme de la fiscalité locale a été fixé dans le marbre de la loi, indique celui qui siège au palais du Luxembourg. Pour autant, ce qui est en jeu aujourd'hui c'est l'évolution de la dynamique des collectivités, une dynamique qui constitue l'essentiel de leur marge d'actions. Cette question est majeure car n'oublions pas que 70 % de l'investissement public est issu des collectivités locales."
Et le président de l'AMF de rejoindre l'appréhension de Chantal Bernard : "Si la loi ne permet pas une juste péréquation et une évolution des ressources issues de l'activité économique, les collectivités seront alors amenées à augmenter la pression fiscale sur les ménages pour financer leurs actions". Le pire des scénarios pour des élus majoritairement ruraux confrontés à une double crise : celle de l'économie en général et celle qui affecte depuis quatre ans maintenant le monde agricole.
(1) Établissement public de coopération intercommunale.
(2) Le projet de loi propose d'encadrer la composition des conseils communautaires en faisant en sorte que chaque commune ait au minimum un délégué, que le nom-bre de délégués supplémentaires soit fixé selon de la population et que les sièges soient répartis à la représentation proportionnelle.