Loup
Loup : " La pression de la prédation est toujours là et aussi forte "
Bernard Mogenet est en charge du dossier loup à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes et co-référent loup à la FNSEA.
La profession demande un comptage contradictoire des populations et plus de moyens pour les éleveurs pour se défendre. Il s’explique.
Bernard Mogenet est en charge du dossier loup à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes et co-référent loup à la FNSEA.
La profession demande un comptage contradictoire des populations et plus de moyens pour les éleveurs pour se défendre. Il s’explique.
Les derniers comptages font état de 106 meutes de loups et 624 individus en France : ces chiffres étaient respectivement de 99 et 580 en 2020. Comment réagit la profession face à la progression de la population de loups sur le territoire ?
Bernard Mogenet : Nous dénonçons les chiffres officiels, qui pour nous sont bien en dessous de la réalité et de ce que nous vivons dans les territoires. Les effectifs de loups sont sous-estimés alors que les moyens qui pourraient être alloués aux éleveurs pour réduire la pression de prédation sont basés sur ces chiffres : ça fausse toute la mise en œuvre du plan national loup. Nous constatons également que ces chiffres sont en forte hausse par rapport à 2020, alors que plus de 100 prélèvements ont été effectués : c’est insoutenable ! Où est-ce que cela va s’arrêter ? Le seuil de viabilité de 500 loups fixé par l’État dans le plan loup 2018-2023 a été atteint, et depuis nous avons l’impression de voir les moyens de destruction du loup diminuer alors qu’ils devraient plutôt augmenter.
Quelles sont les principales problématiques pour les éleveurs ?
B. M. : La pression de la prédation est toujours là et aussi forte. Malgré ce que l’État veut nous faire croire, qu’elle s’est stabilisée, sur l’arc alpin, par exemple, le nombre des attaques explose. Et même si par endroits la pression peut se stabiliser, c’est au prix d’énormes efforts faits par les éleveurs avec des mesures de protection qui ont pour conséquence une dégradation de leurs qualités de vie et de travail sans commune mesure. La mise en œuvre des moyens de protection pourrit la vie des éleveurs ! Nous avons de plus en plus de problèmes de cohabitation avec les chiens de troupeaux : des éleveurs se retrouvent sous pression, au tribunal… Tout ce que l’on dit aux éleveurs, c’est de rajouter des chiens : nous sommes confrontés à de plus en plus de meutes de loups et en face on met des meutes de chiens, c’est sans fin !
Les protocoles de tirs sont censés permettre de gérer la pression de prédation. Mais est-ce suffisant ?
B. M. : Ça pourrait suffire si tout n’était pas aussi encadré administrativement, or aujourd’hui tout le dispositif est verrouillé. Le principal travail du préfet référent auprès du préfet coordonnateur du plan loup est de gérer le quota de prélèvements et que celui-ci tienne toute l’année. On ne prend pas du tout en compte les problèmes humains ! Pour les tirs de défense simple, depuis que l’on a atteint les 500 loups et que l’on doit respecter le quota, on limite l’intervention des louvetiers qui sont ceux qui peuvent être les plus efficaces, avec le matériel adéquat, lorsqu’il y a des problèmes de prédation. Les tirs de défense renforcée, eux, sont pris au compte-goutte. Nous voulons que l’on donne plus de moyens à plus de monde pour intervenir : ni les chasseurs ni les éleveurs n’ont aujourd’hui de visées nocturnes, ne serait-ce que pour voir ce qu’il se passe dans les alpages.
Quelles sont aujourd’hui les attentes de la profession ?
B.M. : Nous demandons d’abord un comptage contradictoire indépendant des populations, qui soit éventuellement réalisé par les fédérations de chasse. Nous avons aussi besoin de moyens de visée nocturne. Et nous demandons également de sortir du carcan administratif par lequel nous sommes contraints et qui nous empêche d’agir sur la pression de prédation. Nous devons travailler sur le plan national loup après 2023. Il faut que l’État change sa vision, car nous ne sommes plus en face d’une population de loups en danger et les éleveurs doivent en conséquence avoir plus de moyens pour se défendre, avec le matériel adéquat, toute l’année et sans limitation. Ces moyens doivent aussi être adaptés en fonction de la pression des attaques. Il ne faut pas que l’on ait peur de parler demain de régulation dans le futur plan national loup, face à une population qui est aujourd’hui en très forte expansion. C’est un vrai choix de société pour l’avenir : voulons-nous encore avoir de l’élevage extensif de plein air ou voulons-nous pousser les éleveurs à faire de l’intensif en bâtiment ?