Lever le pied... pour économiser
Même s'il a amorcé une décrue ces derniers jours, le prix du GNR pèse sur les charges d'exploitation. La Chambre d'agriculture liste des leviers pour rouler... raisonné.
Les cours du gazole non routier (GNR) ont atteint mi-mars des sommets inédits, suscitant une forte inquiétude chez les éleveurs. Quelle en est la répercussion sur les coûts de production des exploitations cantaliennes ?
Yann Bouchard, conseiller Références à la Chambre d'agriculture : "Le GNR a effectivement atteint un pic le 11 mars dernier, à 1,73 EUR TTC(1) avant de redescendre à 1,31 EUR TTC (le 8 avril). Cette forte hausse incite les agriculteurs à se poser des questions sur l'impact à court ou moyen terme de cette flambée sur leurs coûts de production et donc sur leurs revenus. En un an, entre février 2021 et février 2022, l'indice Ipampa carburants a connu une augmentation de 57 % passant de 109,2 à 171,8. C'est donc une hausse conséquente mais qui est quand même modérée par rapport à l'impact du coût du concentré, notamment en élevage laitier. Malgré tout, il existe des leviers pour atténuer ces charges supplémentaires."
Le préalable du banc d'essai
Des leviers de quel ordre ?
Y. B. : "Je les ai classés selon leur facilité de mise en oeuvre et selon que cette hausse sera durable ou plutôt ponctuelle. Si elle s'avère ponctuelle, il faut miser sur des "petits" leviers, facilement réalisables mais vecteurs de moindres économies. Le plus facile et évident, c'est de n'utiliser son tracteur que lorsque cela s'avère réellement nécessaire. Un essai comparatif réalisé par l'institut Arvalis (essai Arvalis-Réussir céréales 2007) sur deux itinéraires techniques d'implantation de céréales - avec labour ou avec des techniques simplifiées sans labour - montre une consommation de carburants inférieure de 27 % sans labour. Il faut donc se poser la question : "Quand je fais une intervention sur mes cultures, est-elle strictement nécessaire ?", mais également raisonner ses passages.
Autre préconisation : celle d'utiliser son tracteur à l'optimum de son fonctionnement en commençant par le passer au banc d'essai si ce n'est pas déjà fait. Au banc d'essai, 10 % des tracteurs testés consomment jusqu'à 20 % de gazole en plus du fait de mauvais réglages, de leur usure et/ou d'une mauvaise combustion.
Par ailleurs, en choisissant un bon régime moteur par rapport aux travaux à réaliser, l'économie de carburant peut atteindre jusqu'à 26 %. L'entretien et le réglage du moteur permettent de réduire de 5 à 10 % la consommation, une pression adaptée des pneus de l'ordre de 5 % ; il faut aussi veiller à lester correctement le tracteur (5 à 8 % de consommation en moins), à adopter une conduite adaptée (10 à 20 % de gain). Tous ces leviers seront abordés lors de la formation "écoconduite" que la Chambre d'agriculture, bien consciente de la situation difficile que subissent les éleveurs, proposera à l'automne sur chacun des trois arrondissements pour les accompagner dans la réduction de cette charge de carburants (lire ci-contre).
Enfin, il faut raisonner correctement le couple tracteur-outil : en utilisant, quand on a le choix, le tracteur affichant la consommation la plus faible. Des essais réalisés avec quatre matériels (mélangeuse, chargement tracteur, pailleuse portée, rabot à fumier simple) utilisés avec des tracteurs de 80, 100 et 120 chevaux révèlent que le recours à un engin de
20 chevaux de plus que nécessaire conduit à une surconsommation de 5 à 10 %."
Pas de toute puissance...
Et si le prix du GNR s'inscrivait durablement sur une tendance haussière et élevée ?
Y. B. : "On est alors sur une stratégie de long terme, notamment au moment d'investir dans un tracteur. L'achat doit être raisonné en s'appuyant sur les besoins réels en puissance. Une puissance supplémentaire de 30 cv, c'est
3 litres de carburant en plus par heure, soit, sur une année complète (500 heures d'utilisation en moyenne), 1 500 litres supplémentaires(2)...
Il faut parallèlement essayer de confier, quand cela est possible, les travaux les plus gourmands en puissance soit au tracteur de la Cuma soit à une entreprise.
La consommation doit ainsi être prise en compte dans les critères de choix de son futur engin : toujours selon les tests réalisés par Tracto-guide en 2017 sur des tracteurs de 90 et de 100-110 cv, l'écart de consommation moyen est de
4 litres à l'heure entre les modèles les plus et les moins performants."
Cette situation, si elle devient pérenne, doit-elle conduire à revoir plus largement sa stratégie, son système d'exploitation ?
Y. B. : "Si son système est plutôt orienté sur du fourrage à l'auge (stratégie bâtiment), donc gros consommateur de carburant, on peut être tenté de s'orienter vers un système beaucoup plus
pâturant. En observant les résultats des fermes de notre réseau Références, on constate néanmoins que quels que soient les systèmes, s'ils sont optimisés, ils peuvent être aussi efficaces les uns que les autres. La clé est là : dans l'optimisation plutôt que dans le changement de système. Je prends l'exemple d'une exploitation bovins viande suivie par le réseau Références qui a effectué une mise à l'herbe anticipée de 20 jours une année où la météo l'a permis. Cette sortie précoce a été synonyme d'un gain de 2 EUR par jour et UGB(3) en comptabilisant l'économie de paille (10 tonnes), d'heures de tracteur avec mélangeuse (9 h), de travail (15 h), ainsi que le fourrage supplémentaire récolté (27 t)."
(1) Cotations France Agricole.
(2) Source : Tracto-guide 2017.
(3) Unité gros bovin.