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Leurs visions de l’avenir

Rencontre avec Christiane Lambert, présidente de la FNSEA et Baptiste Gatouillat, vice-président des Jeunes Agriculteurs, à quelques jours de leur venue dans l’Allier.

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
© FNSEA

Les États Généraux de l’Alimentation lancés par le président Emmanuel Macron ont eu lieu en 2017, quelles sont les avancées ?

C.L. : « Les États Généraux de l’Alimentation (EGA) ont débouché sur une loi votée le 2 octobre et suivie aujourd’hui de plusieurs ordonnances. La première est passée en Conseil des ministres le 12 décembre concernant l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte. Il ne manque que la dernière ordonnance qui sanctionne les prix abusivement bas et dont nous attendons la parution au plus tôt. Malheureusement, le temps passe et le gouvernement se met en retard. Sur l’ensemble de la loi nous avons tenu bon sur le fait qu’il fallait reconstruire des prix en marche avant, c’est-à-dire en prenant en compte une référence aux coûts de production. L’ensemble des dispositifs doit s’appliquer aux négociations en cours pour avoir des résultats tangibles ».

B.G. : « Sur la partie économique nous avons obtenu une inversion de la logique de construction du prix, notamment en intégrant les coûts de production. En matière de promotion et de seuil de revente à perte nous avons obtenu gain de cause et la parution rapide depuis le 1er janvier des ordonnances les encadrants. Sur la partie environnementale il n’y a pas de contrainte supplémentaire sur les élevages mais nous devons être vigilants sur l’interprétation des textes pour éviter d’en voir naître de nouvelles. Le point noir concerne l’encadrement des nouvelles contraintes d’utilisation des produits phyto. Sur ce point nous serons très vigilants ».

Concernant les prix, les grandes et moyennes surfaces vont-elles jouer le jeu, notamment sur les seuils de ventes à perte ? Quels recours a-t-on pour les contrôles ?

C.L. : « Puisqu’il est aussi dans la loi et les ordonnances que le seuil de revente à perte doit s’appliquer, les grands distributeurs doivent le mettre en œuvre. Il appartient à l’autorité de la concurrence de faire suffisamment de contrôles in situ pour en vérifier l’application. J’ai lu que la DGCCRF allait orienter ses contrôles vers la distribution en 2019. C’est bien, car par le passé, il y a eu des comportements qui ne

respectaient pas correctement la loi. Parallèlement, la FNSEA et les JA sauront faire quelques opérations de surveillance et de contrôle de prix en magasin pour vérifier que les engagements pris sont tenus ».

B.G. : « Nous avons averti les GMS que si elles ne respectent pas la loi nous allions dénoncer leurs agissement à l’État par l’intermédiaire de la DGCCRF ».

Lors de ces derniers EGA, un contrat de solutions a été signé entre 42 partenaires. Où on en est la démarche ? Est-ce que l’État s’engage également ?

C.L. : « C’est une initiative de la FNSEA qui s’est associée à 41 professionnels pour montrer que les agriculteurs et l’ensemble du secteur sont proactifs pour trouver des solutions en vue de réduire les usages et les impacts des produits phytosanitaires. Nous avons travaillé d’arrache-pied depuis un an maintenant pour écrire ce contrat de solutions. Chercher des alternatives à chaque fois que c’est possible parce que les suppressions successives de produits posent des problèmes techniques et créent des impasses pour les agriculteurs. Jusque-là le gouvernement ne s’était pas engagé à nos côtés. Le ministre de l’Agriculture a dit s’engager à accompagner ce contrat de solutions, porteur d’améliorations tangibles et nous aurons un évènement pour marquer cet engagement lors du salon de l’agriculture. C’est indispensable que l’État mobilise des moyens pour accompagner les efforts de tous les acteurs sur la question des produits phytosanitaires et c’est aujourd’hui, une forte attente des consommateurs ».

B.G. : « Le contrat de solution avance bien, de nouvelles solutions continuent à être répertoriées et seront diffusées prochainement. Concernant l’engagement de l’État il approuve et salue la démarche et pourrait s’engager à travers une charte dans les prochaines semaines ».

Également évoquée, la séparation entre la vente et le conseil d’utilisation des produits phytosanitaires par les professionnels. Comment va s’organiser l’application de cette mesure afin de limiter au maximum l’impact financier pour les exploitants agricoles de notre département ?

C.L. : « Cette décision n’est pas pragmatique. C’est un engagement du candidat Macron mais il n’y a pas eu d’évaluation, ni de l’efficacité, ni du coût de cette opération. Or, elle va se traduire par des charges en plus pour les agriculteurs et par une complexité technique puisque les agriculteurs auront besoin de trouver des conseillers indépendants et les payer en direct, d’où le risque fort de charges en plus. Par ailleurs, cela va désorganiser totalement le système de conseils en agriculture sans garantie d’une meilleure efficacité pour réduire les intrants, loin sans faut. C’est à la fois infantilisant et très stigmatisant pour les agriculteurs, accusés de ne pas avoir de libre arbitre et d’être soumis à un conseiller. Nous regrettons la non écoute des pouvoirs publics sur nos arguments pour construire les choses autrement ».

B.G. : « L’ordonnance est toujours en discussion et devrait être publiée d’ici le mois d’avril. Beaucoup de choses sont à revoir pour éviter que l’agriculteur ne subisse de nouvelles charges ».

Quel sera l’impact de la mise en place de la redevance sur les pollutions diffuses ?

C.L. : « Nous nous sommes toujours opposés à l’augmentation de cette redevance.Aujourd’hui les agriculteurs payent 140 Md€ de redevances sur les pollutions diffuses. Il a été décidé de l’augmenter de 50 Md€ pour payer les conversions à l’agriculture biologique, ligne sur laquelle le gouvernement manque de moyens. Nous ne sommes pas d’accord de prendre aux uns pour donner aux autres. De plus, la méthode de calcul, telle qu’elle a été préparée, aboutira plutôt à 88 Md€ payés par les agriculteurs et non 50. Une situation insupportable pour l’économie des exploitations agricoles. Il aurait plutôt fallu trouver des ressources nouvelles pour les conversions à l’agriculture biologique nécessaires aujourd’hui en raison de la demande des consommateurs ».

B.G. : « L’impact sera très important pour les agriculteurs. Par exemple, pour mon exploitation, l’estimation de la hausse est d’environ 3 000 ⇔ en plus du montant déjà prélevé. Les députés qui ont voté en faveur de la taxe ou qui n’étaient pas présent seront responsables de la hausse des charges des agriculteurs ».

En ce qui concerne la distorsion de concurrence, comment la limiter ?

C.L. : « C’est une distorsion flagrante, nouvelle, créée par le gouvernement en direction des agriculteurs. Une de plus et nous le regrettons. De toutes ces décisions, aucune évaluation socio-économique n’est réalisée, ce qui est insupportable ; le gouvernement n’écoute pas et met des boulets aux pieds des agriculteurs ».

B.G. : « Nous avons, dans la loi EGA, réussi à faire passer un amendement qui prévoit que tous produits qui ne respectent pas les normes et les standards de productions européens soient interdits sur le territoire ».

Chaque produit entrant sur le territoire français devra être conforme aux normes françaises. Quels moyens pour les contrôler ?

C.L. : « Grâce à la mobilisation syndicale du 12 juin de la FNSEA et des JA, nous avons réussi à faire inscrire dans la loi indiquant que les produits étrangers ne respectant pas les mêmes conditions de production, que ce soit les produits végétaux ou animaux, ne pourraient plus rentrer sur le territoire européen. C’est déjà une énorme avancée, mais maintenant il appartient au gouvernement de mettre en œuvre les moyens pour le faire respecter, comme le gouvernement veut toujours en rajouter côté français avec des dispositions nombreuses, nous serons très exigeants pour que les produits qui rentrent aient les mêmes obligations. À ce jour ce n’est pas du tout le cas. Nous avons augmenté de 67 % l’importation de fruits ces dix dernières années et nous savons parfaitement bien que dans beaucoup de pays ils utilisent des produits phytosanitaires interdits en France ; c’est une aberration. Les Français mangent des aliments traités avec des produits qu’ils ne veulent pas alors que les producteurs français sont obligés de renoncer à la production de ces fruits et légumes, perdant de l’activité et provoquant ainsi de nombreuses faillites et licenciements. C’est une incohérence que nous dénonçons ».

B.G. : « L’État doit mettre les moyens auprès de la DGCCRF pour que les contrôles puissent être fait dans les rayons. Syndicalement nous serons présents sur le terrain pour voir si les produits respectent nos normes ».

D’ici à 2020 nous connaîtrons les contraintes de la nouvelle PAC qui devrait comprendre plus de verdissement avec des charges et des contraintes plus élevées. Comment faudra-t-il gérer cette situation ?

C.L. : « D’abord il y a la négociation européenne qui n’est pas encore faite, car le Brexit retarde les choses. Deuxième élément : le budget risque d’être affecté, ce qui nous préoccupe énormément. Nous nous battons pour un budget maintenant et nous ne voulons pas d’une renationalisation de la PAC avec 27 politiques juxtaposées. Nous tenons au caractère commun de la PAC et notamment à une harmonisation des règles, qu’elles soient environnementales ou sanitaires, pour éviter les distorsions de concurrence. C’est au moment de l’écriture des règlements qu’il faudra être vigilant pour justement veiller à ce que les règles soient les mêmes dans tous les pays européens ».

B.G. : « La PAC 2020 est encore en négociation et nous devons faire tout ce qui est possible pour éviter des charges en plus aux agriculteurs. Notre volonté est de faire reconnaître les efforts déjà consentis par les agriculteurs et que les actions en faveur de l’environnement soient rémunérées. Concernant la préservation de l’environnement, à l’image de l’inversion de la construction du prix, nous devons inverser les choses et passer de la logique de sanction à la logique de construction d’une écologie intelligente ».

Une PAC qui tendra à sa nationalisation, voir sa régionalisation, bonne ou mauvaise nouvelle ?

C.L. : « Pour l’instant rien ne permet de dire que cette idée ira jusqu’au bout. Nous faisons en sorte qu’il y ait une cohérence européenne et qu’ensuite, au niveau national, il n’y ait pas de distorsion entre régions, ce qui pourrait être problématique. Imaginez une région où les agriculteurs toucheraient des aides à la conversion bio double de la région voisine, comment expliquer ça aux producteurs ?  Idem pour les aides dites « de montagne » ou les MAEC. Il faut un minimum de cohérence dans les politiques mises en œuvre et pas trop de complexité comme c’était le cas pour la précédente PAC. Sa mise en œuvre nationale avait conduit à des retards de paiement énormes ».

B.G. : « La PAC doit rester commune pour éviter toute distorsion de concurrence entre les pays mais aussi entre les régions. La PAC est l’un des piliers de l’Europe et doit en rester le socle pour donner un nouveau souffle à notre agriculture en la protégeant des aléas qu’ils soient économiques, sanitaires, environnementaux. Pour nous, il ne s’agit donc pas d’une bonne nouvelle ».

Les élections aux Chambres d’agricultures : clôture des votes le 31 janvier. Votre vision globale sur ces échéances ?

C.L. : « Les agriculteurs sont très en attente de nouveaux projets pour l’agriculture, d’accompagnement, et très attachés au rôle que joue les Chambres d’agriculture dont les missions, je le rappelle, sont l’accompagnement à toutes les étapes de la vie de l’agriculteur ; installation, modernisation, réorganisation, transmission. À chaque étape, un conseil est nécessaire. Les élections sont aussi un test de représentativité en choisissant le projet qu’ils préfèrent. Un projet réaliste, pragmatique, ancré dans les réalités des territoires et prêt à saisir aussi les opportunités qui se présentent en matière de segmentation du produit, de montée en gamme, de production d’énergie, etc. Le projet FNSEA et JA, qui a les pieds sur terre, c’est notre slogan, a l’approche la plus réaliste. Non pas passéiste en disant « c’était mieux avant » mais continuer à gérer et à apporter des réponses et des solutions aux agriculteurs. Il faut voter en nombre pour montrer l’intérêt des corps intermédiaires au Président de la République et au gouvernement à un moment où ils payent cash le fait de les avoir contournés ».

B.G. : « Ma vision des élections est la suivante ; comme tous les 6 ans nous menons une campagne pour que les agriculteurs puissent, au travers des Chambres d’agriculture, donner les orientations pour l’agriculture de leur territoire. Les agriculteurs sont attachés à leurs institutions. Les JA et la FNSEA défendent tous les jours les intérêts des agriculteurs à travers les chambres. Nous devons mobiliser l’ensemble des agriculteurs pour faire entendre notre voix auprès de l’État ».

 

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