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Les scieurs affûtent leur esprit de reconquête

L’Observatoire du métier de la scierie a organisé le 15 novembre dans la Loire un séminaire national « Scierie 2025 », pour présenter la restitution d’un travail de recherches effectué depuis début 2019 par tous les maillons de la filière. Objectif : retrouver les volumes de production d’avant la crise de 2007, soit 10 millions de m³. Défi utopique ou réaliste ?

Renforcer l’attractivité des métiers de la scierie sera l’un des challenges de la filière dans les années à venir.
Renforcer l’attractivité des métiers de la scierie sera l’un des challenges de la filière dans les années à venir.
© DB

Fondé il y a plus de 15 ans à Cublize au cœur du Beaujolais vert, l’Observatoire du métier de la scierie s’est réuni vendredi 15 novembre dans la plaine du Forez, à Épercieux-Saint-Paul.

À la recherche des mètres cubes perdus
Ce séminaire a permis de restituer un travail de réflexion mené par les acteurs de la filière lors de rencontres à Chasse-sur-Rhône (Rhône) et Mimizan (Landes) au premier semestre. Car la filière bois a besoin de partir à la reconquête après avoir subi de plein fouet la crise financière de 2007 et le ralentissement du marché de la construction. « En une dizaine d’années, la scierie française a perdu presque 2 millions de m3 », résume Maurice Chalayer, président de l’Observatoire (graphique 1). Longtemps la production française a oscillé autour de la barre des 10 millions de m3. Elle est redescendue aujourd’hui à 8,2 millions de m3 tandis que les concurrents européens parvenaient à maintenir leur cadence. Une perte d’activité qui s’ajoute à une réduction du nombre d’acteurs. Il y avait 2 500 scieries en France en 2005 et seulement 1 450 en 2017. Et si on remonte le temps, « on a perdu 3 scieries sur 4 en 35 ans ». La scierie française est seulement sur la cinquième marche en volume de résineux sciés, segment largement dominé par l’Allemagne, mais deuxième pour les feuillus derrière la Roumanie « et il n’est pas impensable d’imaginer que nous repassions en tête », estime le spécialiste de la scierie (graphique 2)

Des freins et des leviers
La crise financière et la baisse des mises en chantier ont marqué le début de la chute, que la tempête Klaus dans les Landes en 2009 n’a pas aidé à enrayer. Mais la filière connaît des problèmes structurels : un parc matériel vieillissant, l’absence de repreneurs d’entreprise, les problèmes de recrutement de main-d’œuvre qui entraînent une réduction des capacités de sciage. « On ne veut pas devenir le textile des années 1960 ! », clame le président de l’Observatoire. Pour cela, il faudra travailler sur les points faibles repérés sur certains segments de marché et notamment sur les produits techniques. La France produit moins de la moitié de ses besoins en bois raboté ou bois collé ! Pour Maurice Chalayer, la filière doit se mettre en capacité de surfer sur certaines tendances pour capter des parts de marché. Les scieries artisanales devront être capables de répondre aux besoins « des autoconstructeurs, des particuliers, des agriculteurs, du marché de la rénovation » et les entreprises semi-industrielles ou industrielles à ceux de « la maison ossature bois, les constructions bioclimatiques, l’usage du douglas en plein développement ». Le président, ancien formateur à la MFR de Lamure-Sur-Azergues, a réalisé ses estimations. Il est convaincu d’atteindre cette barre des 10 millions à horizon 2025, « avec 8,2 millions de m3 de résineux et 1,8 million de m3 de feuillus sciés par certainement pas plus de 1 000 entreprises », qui, de fait, auront augmenté leur productivité.

Où trouver la ressource ?
Mais la problématique pour les scieurs, c’est aussi de trouver la ressource. Un acteur de la profession dans les Pyrénées s’inquiétait publiquement : « On va manquer dramatiquement de matière pour se développer ». Pour Yves Poss, ancien de l’ONF mais toujours très investi dans les travaux de l’Observatoire, « il ne faut pas confondre la disponibilité et l’offre. Entre les deux il y a les propriétaires qu’il faut convaincre ». Et d’estimer que la ressource se trouvera majoritairement dans les petites propriétés privées de moins de 25 ha et qu’il ne faudra pas hésiter à sortir des sentiers battus pour travailler des essences et des diamètres nouveaux, notamment les gros et très gros bois en résineux et en tout état de cause, « il faudra une sylviculture dynamique et gérer la répartition entre bois d’œuvre et bois-énergie. »

Une ambition partagée
Nicolas Stach de la Draaf Aura a rappelé les objectifs de la délégation. « On s’est fixé comme objectif +1,4 million m3 à horizon 2029 ». Un contrat de filière sera prochainement signé. Il devrait comporter des actions sur la gestion de la forêt privée, l’accessibilité aux parcelles, le soutien aux entreprises des travaux forestiers ou encore l’attractivité des métiers. Délégué général de la fédération nationale du bois (FNB), Nicolas Douzain partage le constat. « En 2007, on a perdu 30 % de consommation. Depuis 2015, on remonte enfin, mais à la vitesse de l’escargot ». Le retour à la barre des 10 millions de m3 passera par une stimulation de la consommation de bois et notamment de « bois France », estime-t-il. « Attention, la bataille des matériaux n’est jamais gagnée. Le métal et le béton sont des filières puissantes et ne vont pas désarmer ». Il se fixe comme objectif une progression de la consommation de résineux par habitant de « 0,135 m3 à 0,17 ». La réussite passera par la montée en gamme de l’offre et par la diversification des métiers. Pour la majorité des participants, l’objectif de 10 millions de m3 apparaît comme une « utopie réaliste », d’autant que les chiffres le montrent : les scieurs investissent actuellement. Tous les espoirs sont permis. Et dans cette reconquête programmée : « il y aura de la place pour tout le monde, les gros comme les petits scieurs », conclut Anaïs Laffont, chargée de mission à l’interprofession.

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