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Les moissons jouent au grand écart

L’hétérogénéité des rendements apparaît comme le principal marqueur de la récolte 2020. Une faible moisson est prévue en blé tendre, sous la barre des 30 millions de tonnes.

© DR

Affectée par la sécheresse au printemps, la culture paie surtout un lourd tribut aux pluies automnales. La qualité est, pour sa part, au rendez-vous. Moins en orges, quand les faibles rendements font grimper le taux de protéines au-dessus de la limite brassicole. Le colza, doté d’un pouvoir de compensation, fait parfois mieux que prévu. Parfois, c’est au contraire une nouvelle désillusion. Tous les regards se portent maintenant vers les cultures d’été. Avec une inquiétude qui grandit pour la betterave, face à une attaque inédite de  pucerons vecteurs de la jaunisse.

En blé tendre, comme pour le reste, « le meilleur côtoie le pire », résume Jean-Olivier Lhuissier, directeur des activités agricoles de Vivescia, à propos de la moisson 2020. Une grande diversité des rendements est observée chez le leader de la collecte dans le Grand Est, toutes espèces confondues, parfois sur un même territoire. En cause, une quarantaine de jours sans pluie entre fin février et mars, selon lui. Puis un mois de juin clément, propice au remplissage des grains.

Le rendement du blé tendre est au final supérieur de quelques pourcents à la moyenne quinquennale: 85  q/ha en Champagne crayeuse, entre 70 et 75 q/ha vers la périphérie. Si la productivité fait parfois défaut, la qualité est au rendez-vous. Le PS (poids spécifique) dépasse 80 kg/hl. Le taux de protéines ressort à 11 %, pouvant descendre à des valeurs faibles autour de 10,5 % en Champagne – où les rendements sont meilleurs – contre 12,5 % au mieux.

Le tableau apparaît plus sombre dans d’autres régions. Exemple en Lot-et-Garonne avec Terres du Sud, qui s’étend aussi en Dordogne, Gironde, où apparaît une chute des rendements du blé tendre à des niveaux « jamais vus » : 45 q/ha contre habituellement 60 q/ha, même si des pointes existent à 70 q/ha.

Une qualité « magnifique »

« Des producteurs ont été surpris, croyant voir de belles parcelles, raconte la responsable de l’activité céréales Cécile Chabanis. Juin et son coup de chaud ont été fatals, à cause d’un mauvais enracinement lié à l’excès d’eau lors des semis. » Heureusement la qualité est là, malgré des inquiétudes au moment des orages de juillet. Le taux de protéines dépasse 12 %, le PS 77 kg/hl. Triste bilan aussi pour la coopérative vendéenne Cavac et ses 48 q/ha de rendement du blé tendre. C’est le grand écart par rapport aux 70 q/ha de moyenne quinquennale. « Même les bonnes terres, capables d’afficher 100 q/ha, descendent à 65 q/ha », grimace le directeur du pôle végétal Christophe Vinet. La qualité s’avère quant à elle « magnifique », notamment le taux de protéines de 12 à 12,5 %, la force boulangère (W) supérieure à 220.

« Une moisson des extrêmes » : tel est le constat chez Soufflet, dont la zone d’activité forme un large croissant de Rouen à Metz. De « bons à très bons » rendements du blé tendre sont relevés en Champagne crayeuse, selon le directeur de la collecte François Berson. La Brie, la Picardie, le Nord et l’Ouest se situent « dans la bonne moyenne », d’après lui. À l’opposé, des rendements « mauvais à très mauvais » ressortent des sept autres régions, entre 40 et 50 q/ha.

Une fin de cycle parfois bénéfique

Sur la carte de France établie par Agritel, un petit quart Nord-Est tire son épingle du jeu : la société de conseil y voit des rendements du blé tendre proches ou supérieurs à la moyenne historique. Agritel parie néanmoins sur 29,2 Mt pour l’Hexagone, « la 3e plus petite récolte de ces 25 dernières années ». Tout au nord, la coopérative des Hauts-de-France Advitam enregistre 89 q/ha. Une performance dans la moyenne décennale mais très hétérogène, avec notamment sur les côtes – là où l’effet du temps sec est le plus sévère – des niveaux inférieurs à la sinistre année 2016.

« Heureusement que la fin de cycle a été profitable », raconte le directeur céréales Nicolas Foissey. Juin s’est déroulé sans coup de chaud, avec un peu de pluie. Cela a permis de compenser une faible densité d’épis.

Soulagement aussi chez EMC2, à cheval sur la Lorraine et la Haute-Marne. « Début mai, on avait le moral dans les chaussettes, après deux mois très secs, se souvient le directeur terrain David Meder. Les deux suivants ont été bénéfiques pour les blés tendres les plus tardifs. »

La coopérative s’en tire avec un rendement dans la normale, proche de 70 q/ha. « Cela va de 45 à plus de 90 q/ha : des écarts incroyables selon les zones, parcelles, variétés », nuance-t-il.

Des chantiers sans « coup de feu»

« Annoncée comme précoce », la récolte a finalement débuté en sud Côte-d’Or « le 22 juin, date dans la normale » par rapport aux dernières années, communique Dijon Céréales. L’hétérogénéité des rendements domine, dans des fourchettes « de 1 à plus de 3, toutes espèces confondues ».

À peine 60 q/ha sont enregistrés en blé tendre, mais c’est la culture qui s’en sort le mieux malgré une baisse de 5 % d’une année sur l’autre. Rendements décevants et météo clémente ont fait que la collecte s’est déroulée « sans véritable coup de feu ».

L’étalement des travaux a aussi marqué la récolte d’Euralis, dans un triangle entre Toulouse, Bayonne et Bordeaux. Mais la coopérative retient surtout des grandes différences de rendement du blé tendre, lequel tombe très bas à moins de 25 q/ha mais grimpe haut jusqu’à 70 q/ha. Cela donne à peine 50 q/ha globalement, contre une moyenne quinquennale proche de 55 q/ha.

Orges, colza, blé dur : les tendances

L’orge d’hiver penche vers un excès de protéines : « Le pic de chaleur fin juin s’est traduit par un emballement des chantiers en orge d’hiver », relate le directeur Métiers du grain Stéphan Beau chez Terrena qui a connu un début de récolte plus tôt que la normale. « Ce n’est jamais bon signe, la précocité », d’après lui. Effectivement, le rendement atteint 52 q/ha, en diminution de 26 % comparé à 2019. Déception aussi côté PS, à 64,5 kg/hl. En bordure Atlantique, la Cavac fait pire : l’orge fourragère ressort à 42 q/ha (contre 65 q/ha de moyenne quinquennale), son PS est sous les 60 kg/hl.

Côté orge d’hiver brassicole, les faibles rendements riment parfois avec des protéines en excès. EMC2 enregistre moins de 55 q/ha, contre une moyenne historique de 65 q/ha. Le taux de protéines se situe généralement entre 11,5 et 12 %. « C’est plus que la limite de 11,5 % fixée par les brasseurs, mais des variétés, des secteurs sont au-dessus, d’autres pas, indique David Meder. Reste, pour la coopérative, à mener de l’allotement et des discussions avec les acheteurs. »

Vivescia ne rencontre pas ce problème, avec une qualité répondant au cahier des charges: autour de 90 % en calibrage, qui donne une estimation du rendement en brasserie ; un peu plus de 11 % en taux de protéines. La coopérative affiche 80 q/ha, en phase avec la moyenne sur cinq ans. Soufflet parle de rendements plutôt moyens en orge d’hiver et escourgeon. Le calibrage apparaît « très élevé », souvent supérieur à 90 %, le taux de protéines « satisfaisant ».

L’orge de printemps réserve de belles surprises

Si la récolte apparaît précoce chez Agora, entre Oise, nord du Val-d’Oise et Eure, elle traîne aussi en longueur avec des orges de printemps encore dans le champ fin juillet. 60 q/ha sont relevés, avec des pointes au-dessus de 90 q/ha pour certaines parcelles semées dès l’automne. La qualité est globalement jugée conforme aux attentes du marché. Soufflet indique « plutôt une bonne surprise... On entend souvent parler entre 60 et 80 quintaux », témoigne François Berson dans sa vidéo. La qualité donne satisfaction : un taux de protéines autour de 10,5 %, un calibrage de 82 à 83 % en moyenne.

L’orge de printemps est au diapason des autres récoltes céréalières chez SeineYonne, dont « la région est sinistrée », selon le responsable céréales Matthieu Berlin. 30 à 40 q/ha sont signalés contre 50 à 55 q/ha en moyenne quinquennale.

Le colza enchaîne les mauvaises récoltes

« Une année catastrophique... de plus », se désole Dijon Céréales à propos du colza. Son rendement tombe à 22 q/ha, soit un tiers de moins que l’an dernier, la faute à de mauvaises conditions d’implantation, un coup de froid en mars et surtout la présence de grosses altises. Vivescia constate des écarts inédits, de 5 q/ha à 45 q/h pour un score global d’environ 30 q/ha, inférieur de 15 % à la moyenne sur cinq ans.

« Certaines parcelles ont connu une pression parasitaire du début à la fin, enchaînant altises, charançons, pucerons », retrace Jean-Olivier Lhuissier. Terrena, à 30 q/ha, remplit son objectif qui a toutefois été corrigé suite aux problèmes de semis. Le colza déçoit mais pas autant que les autres cultures. Soufflet relève 31 à 32 q/ha pour l’oléagineux, qui est le seul à dépasser les prévisions.

Le blé dur répond aux critères de qualité

Le numéro un de la collecte de grains française Axéréal communique des rendements en baisse pour la plupart des cultures, soit 18 à 20 % sous la prévision initiale qui avoisinait la moyenne pluriannuelle. Sans donner de détails, la coopérative, étendue de la Beauce à la Touraine et au Nivernais, signale pour le blé dur une performance « correcte ». La Cavac, entre Vendée, Deux-Sèvres et départements limitrophes, donne 50 q/ha contre 70 q/ha en moyenne historique.

Par rapport aux blés durs semés à l’automne, ceux de janvier et février s’en sortent mieux, à 65 q/ha. La qualité est jugée très bonne : un taux de protéines supérieur à 14,5 %, un taux de mitadin inférieur à 10 %. Euralis affiche 49 à 50 q/ha, contre 55 q/ha en moyenne sur cinq ans, mais l’Est de Toulouse pousse aux environs de 55 q/ha. La qualité se situe « dans les clous » en l’absence de pluie à la récolte : un taux de mitadin de 11 à 12 %, un PS de 77 kg/hl, un taux de protéines de 13,5 à 14 %.

JCD

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