RENCONTRE
Les agents de l'OFB à la rencontre du monde agricole
Une quinzaine d'agents de l'OFB AuRA est allée à la rencontre du monde agricole au cours d'une formation de trois jours dans le Puy-de-Dôme.
Une quinzaine d'agents de l'OFB AuRA est allée à la rencontre du monde agricole au cours d'une formation de trois jours dans le Puy-de-Dôme.
Ce sont deux mondes qui se côtoient sans se connaître et que tout, ou presque, oppose. À Lempdes (Puy-de-Dôme) s'est déroulée une formation faisant écho à l'actualité de ces dernières semaines. Une quinzaine d'agents de l'OFB, tous volontaires, étaient formés durant trois jours à la découverte du monde agricole, à travers des visites d'exploitations et des rencontres avec différentes organisations professionnelles agricoles (OPA). L'occasion pour les agents et les agriculteurs d'un dialogue à bâtons rompus dans lequel se sont invités les sujets qui ont cristallisé les débats, sans toutefois parasiter les discussions.
3 jours à la découverte du monde agricole
Ce matin-là, dans cette exploitation ovine de Lezoux, seuls les bêlements des agneaux appelant leurs mères et le ballet matinal des tracteurs se font entendre. Sous le hangar, une quinzaine d'agents de l'OFB échangent avec les éleveurs. Hasard du calendrier, cette rencontre inédite se déroule au début de ce qui est devenu la plus grande contestation agricole. Le CFPPA de Marmilhat est à la manœuvre. « C'est une démarche volontaire de l'OFB au niveau national de former leurs agents. Les CFPPA ont répondu à l'appel d’offre et ont été retenus » explique Antoine Billaudet, animateur de la formation. Au programme des trois jours de formation : le rôle des différentes OPA (syndicats, coopératives...), deux visites d'exploitations, des tables rondes, la PAC, la fiscalité... Un balayage très généraliste d'une profession d'une diversité et d'une complexité sans commune mesure, où trois jours sont loin d'être suffisants pour en connaître tous les méandres. « Les agents sont d'ailleurs frustrés que nous n'allions pas plus loin » avoue Antoine Billaudet pour qui « c'est une bonne chose, cela appelle à d'autres projets ».
La formation n'a pas vocation à faire des agents de l'OFB des ingénieurs agronomes mais plutôt de les amener à rencontrer et prendre connaissance du monde agricole, tant sur ses aspects sociaux, économiques et agronomiques. Lors de la création de l'office en 2020, plusieurs entités ont été regroupées. S'ils sont ce jour-là tous agents de l'OFB, hier encore ils travaillaient pour l'ONEMA (Office National de l'Eau et des Milieux Aquatique), pour l'Agence Française de la Biodiversité et pour l'Office de la chasse et de la faune sauvage. Certains n'avaient, avant l'OFB, jamais eu de contact avec le monde agricole. Ces connaissances, François Pohu, chef de service à l'OFB de l'Allier, et fils d'agriculteur, les considère indispensables pour améliorer les relations avec les agriculteurs.
« Si les agents viennent au moment de la traite ou de la visite du vétérinaire, il est compréhensible que cela crée une tension avec l'agriculteur. Les agents ne sont pas tous formés à cette culture de l'agriculture. Ils ne peuvent donc pas anticiper ces choses-là. Nous devons apprendre à mieux nous connaître. »
Deux mondes se rencontrent...
C'est d'ailleurs ce qui se passe à Lezoux, au Gaec de la Fontaine du Sureau, ce jeudi 25 janvier. Thierry Orcière, accompagné de Christian, son papa « un REBU, comprenez un retraité bien utile », partagent en toute décontraction leur quotidien avec les agents de l'OFB. La gestion de la ferme, l'itinéraire technique des parcelles, le soin des brebis, les circuits de commercialisation, le temps de travail... Tout est décrypté et aucun sujet n'est épargné. Thierry Orcière évoque ainsi les problématiques de valorisation de la laine du fait d'une réglementation trop stricte, de la fuite des outils industriels et du manque de rentabilité de la filière qui obligent les éleveurs à stocker ce coproduit sur leurs exploitations, sans rien ne pouvoir en faire et « qui me coûte de l'argent parce que la tonte n'est pas gratuite ». Certains agents de l'OFB ne cachent pas leur surprise devant cette triste réalité. « C'est pourtant un super produit! » Rapidement au fil de la conversation, Thierry Orcière en vient au mille-feuilles administratif et aux normes environnementales qui « certes partent d'un bon sentiment mais ne prennent pas en compte les réalités de notre métier ».
L'agriculteur évoque le cas des haies et des CIPAN qui « ont des bénéfices agronomiques indéniables mais dont la mise en place coûte cher même si, dans le cas des haies, nous sommes aidés (...) ; sans parler du climat qui complexifie et remet en cause l’installation des CIPAN». Puis vient le tour de l'épandage des effluents d'élevage devenu quasi insoluble, du fait de la classification des cours d'eau et de « ces cartes avec des couleurs et des traits pleins, en pointillé dont nous avons besoin mais que nous ne savons pas lire (...) quand c'est le moment d'épandre le fumier, je n'ai pas le temps d'aller à la mairie ou à la préfecture pour les consulter (...) c'est à s'arracher les cheveux. » Les agents de l'OFB, attentifs, n'ignorent pas cette superposition administrative et normative et l'un d'entre eux avoue :
« en France, il y a trois définitions différentes d'un cours d'eau ; il y a celle de la PAC, de la police de l'eau et celle des points d'eau par rapport aux phytos. Ce n'est pas nous qui avons fait les choses ainsi. Nous le subissons aussi. »
... et se heurtent.
C'est bien dans une intention d'échanges qu'agriculteurs et agents de l'OFB ont passé cette matinée ensemble. Les sujets ont été riches et variés tant dans un sens que dans l'autre, permettant à chacun d'exposer son quotidien. François Pohu explique ainsi : « nous ne contrôlons pas spécifiquement les agriculteurs, nous intervenons uniquement s'il y a une suspicion d'infraction environnementale ». Comme des gendarmes ou des policiers, les agents de l'OFB ont rarement un programme de visites prédéfini.
« Nous avons un lieu mais nous ne savons pas chez qui nous allons ».
S'immisce alors dans la conversation la perception de ces interventions chez les agriculteurs.
Thierry Orcière témoigne d'un sentiment « d'anxiété à la vue de vos uniformes, même si nous sommes conscients d’avoir bien agi (...) la complexité des normes entretient la crainte de l'erreur, de la boulette, malgré l'usage de toutes les précautions ».
La sémantique rajoute de l'huile sur ce feu émotionnel. « Dans les textes de loi, le non-respect de la loi est un délit. Même si vous n'aviez pas l'intention de nuire, vous êtes un délinquant » explique cet agent, conscient que ces mots « n'améliorent pas les relations lors des interventions auprès des agriculteurs ». Il rassure toutefois sur ses intentions et celles de ses collègues : « nous ne vous percevons pas ainsi ». « Sur les quatre départements auvergnats, il y a moins de 12 dossiers/an d'enquête judiciaire qui concernent des agriculteurs » ajoute François Pohu, dévoilant à demi-mot que les agriculteurs ne sont pas leur plus gros problème.
Inévitablement, le débat sur le port des armes s'invite dans la discussion. Mal vécu, mauvaise perception, rapport de force, incompréhension... Là encore Thierry Orcière est franc tout comme les agents de l'OFB.
« C'est une obligation réglementaire. Ce n'est pas parce que nous sommes armés que nous avons de mauvaises intentions ou une volonté d'avoir une posture dominante. Nous ne contrôlons pas seulement les agriculteurs mais tous les publics et nous pouvons être amenés à intervenir sur tous types d'actions » explique François Pohu.
À sa droite, l'un de ses confrères ajoute « je n'ai jamais eu de remontée comme celle-ci ; c'est bien d'avoir pu en discuter sans rapport de force, en dehors du vase émotionnel que provoque un contrôle ».
Agriculteurs et agents ont salué cette formation mettant conjointement en avant cet échange de connaissances et de messages : « ils sont passés dans les deux sens ».