Les additifs alimentaires, la nouvelle boîte de Pandore ?
Les additifs alimentaires sont présents dans la majorité des produits transformés industriellement et leur présence pourrait s'avérer plus nocive qu'il n'y paraît pour la santé humaine.
Les additifs alimentaires sont présents dans la majorité des produits transformés industriellement et leur présence pourrait s'avérer plus nocive qu'il n'y paraît pour la santé humaine.
Ils sont dans les céréales du petit-déjeuner, les sodas, certains produits laitiers, les plats préparés, les confiseries... Les additifs alimentaires sont présents dans la majorité des produits transformés industriellement et notamment les produits ultra-transformés. Ils sont ajoutés à nos aliments pour accroître leur degré de conservation, changer leur couleur, leur texture... Ils peuvent être d'origine naturelle et/ou issus de la synthèse chimique. À titre d'exemple, le jaune d'œuf est un aliment mais la lécithine qui en est extraite de manière chimique est un additif. Si la majorité d'entre eux a été créée durant l'ère moderne, d'autres comme le sel sont employés depuis l'antiquité. Au fil du temps, l'industrie agroalimentaire a multiplié leurs usages et surtout démultiplié leur nombre pour répondre à des enjeux technologiques et économiques. Depuis quelques années, les études se succèdent pour déterminer si oui ou non les additifs ont un impact sur la santé humaine. Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et durable à l'INRAE de Theix-Clermont-Ferrand décrypte le sujet.
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La jungle des additifs
Plus de 330 additifs sont autorisés au sein de l'Union Européenne après avoir été évalués par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Ils se divisent en deux grands types : les conservateurs et les additifs dits "cosmétiques". Si les premiers sont généralement utiles à la conservation des aliments, les seconds en revanche servent avant tout à modifier la couleur, la texture et le goût. « Ils définissent un produit ultra-transformé » explique Anthony Fardet. Qu'ils soient indispensables ou non pour l'industrie, cela n'indique pas leur degré de risque pour la santé humaine. La législation européenne impose un emploi des additifs par catégories de denrées alimentaires précises. L’autorisation est assortie à des conditions qui doivent être respectées par les opérateurs notamment la Dose journalière admissible (DJA).
Seul, un additif peut très bien n'avoir aucun risque mais qu'en est-il lorsqu'il est associé à un voire plusieurs autres (effet "coktail") ? La science a très peu de recul sur la question. C'est une boîte de Pandore. » - Anthony Fardet, INRAE
Selon l’Efsa, « la DJA représente la quantité d'une substance qu’une personne peut consommer quotidiennement pendant toute la durée d’une vie sans risque pour sa santé ». Or, c'est là que les choses deviennent floues selon Anthony Fardet. « Les études préalables à l'autorisation d'utilisation des additifs sont réalisées en laboratoire sur des rongeurs et à court terme. Ces expérimentations ne sont pas représentatives de la consommation humaine sur le long terme, d'autant plus que les aliments que nous ingérons peuvent contenir plusieurs additifs différents. Seul, un additif peut très bien n'avoir aucun risque mais qu'en est-il lorsqu'il est associé à un voire plusieurs autres (effet "coktail") ? La science a très peu de recul sur la question. C'est une boîte de Pandore. » L'interrogation est d'autant plus légitime que nous consommons de plus en plus de produits transformés indutriellement.
Les chercheurs de l'INRAE estiment qu'un enfant de 6 ans peut ingérer jusqu'à 40 additifs différents par jour.
Ces dernières années, les études autour des additifs et de leurs risques se multiplient. En 2022, l'agence sanitaire française a ainsi confirmé le lien entre une consommation importante de nitrite et le risque de développer un cancer colorectal. Les nitrites sont à la fois des conservateurs évitant le développement du botulisme dans les aliments carnés et des additifs "cosmétiques" puisqu'ils permettent de conserver la couleur rose du jambon, entre autres. « Il est très diffilce de savoir avec quelle intention ils sont utilisés par les transformateurs en raison du secret de fabrication. »
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Des effets par ricochet
Un enfant habitué à consommer des yaourts, du sirop, des gâteaux avec cet arôme, peut rejeter les vraies fraises au goût moins prononcé et moins standardisé » - Anthony Fardet, INRAE
Au-delà des risques sanitaires que peuvent représenter les additifs, ils peuvent aussi être à l'origine de perturbations comportementales et physiologiques. Les additifs "cosmétiques", en plus des arômes (qui ne sont pas considérés comme des additifs) exacerbent le goût de certains aliments engendrant une hyperstandardisation dangereuse pour l'équilibre alimentaire. « Un arôme de fraise peut ne représenter aucun risque pour la santé. Toutefois, un enfant habitué à consommer des yaourts, du sirop, des gâteaux avec cet arôme, peut rejeter les vraies fraises au goût moins prononcé et moins standardisé l'éloignant des vrais aliments aux arômes plus subtils et exigeants. En effet, le goût de la fraise fraîche est bien loin de celui des aliments ultra-transformés. »
L'additif pourrait tromper le cerveau sur le sentiment de satiété, en plus de continuer à entretenir une certaine dépendance au sucre.»
Autre exemple, celui des édulcorants intenses qui remplacent le sucre dans les sodas et autres. Selon Anthony Fardet, la consommation de tels produits n'est « pas mieux » que la recette originale puisqu'ils sont encore plus transformés. « L'additif pourrait tromper le cerveau sur le sentiment de satiété, en plus de continuer à entretenir une certaine dépendance au sucre.» C'est d'ailleurs sur cet effet ricochet que s'est appuyé l'OMS (organisation mondiale de la santé) en 2023 pour déconseiller la consommation des édulcorants de type aspartame et stévia. Selon les données de l'organisation (plus de 283 études scientifiques): « les édulcorants artificiels ne contribuent pas à contrôler la masse corporelle ni à réduire le risque de maladies liées au poids ». L’OMS a également noté « des effets indésirables potentiels d’une utilisation à long terme des édulcorants de synthèse, tels qu’un risque accru de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires ». Cette mise en garde ne concerne pas les personnes souffrant d’un diabète préexistant et les produits de soins personnels et d’hygiène contenant des édulcorants non sucrés (dentifrice, médicaments...).
Il n'y a rien de plus transformé qu'un "steak" végétal ! » - Anthony Fardet, INRAE
Pour Anthony Fardet, il y a pire encore dans le domaine des additifs. Le chercheur de l'INRAE pointe du doigt les produits "greenwashing", ces aliments vantant des vertus écologiques et présentés comme sains alors qu'en réalité, ils n'ont rien de naturel. « Beaucoup de boissons végétales industrielles contiennent des épaississants certes d'origine naturelle, mais qui ne devraient pas se trouver dans le produit. Quant aux alternatives végétales à la viande, il n'y a rien de plus transformé ! De plus, contrairement à ce qu'affirment les campagnes publicitaires, aucun aliment n'est équilibré nutritionnellement hormis le lait maternel.»
Augmentation des maladies chroniques
La multiplication des additifs dans l'alimentation interroge. « Nous ingérons de plus en plus de composés étrangers au corps humain (xénobiotiques) que l'Homme n'avait jamais consommés il y a quelques décennies. » Toujours selon l'OMS, en 2019, sept des 10 principales causes de décès prématurés à l’échelle mondiale étaient des maladies chroniques. Les cardiopathies ischémiques, les AVC, la bronchopneumopathie chronique obstructive, les affections néonatales, les cancers sont en nette augmentation.
Les décès par diabète ont augmenté de 70% en seulement 20 ans.» - d'après l'OMS
Les causes à l'augmentation de ces décès précoces sont multifactorielles entre les pollutions, la baisse ou l'élévation du niveau de vie selon les continents, la diminution de l'activité physique et/ou les habitudes alimentaires. « L'espérance de vie théorique dans certains pays ne progresse pas voire même diminue. À force d'exposer le corps humain à des molécules xénobiotiques (substance étrangère à l'organisme qui est capable d'interagir avec la cellule vivante NDLR), qu'elles soient alimentaires ou non, il faut s'attendre au développement de maladies chroniques.» Du côté des industriels, ces interrogations les encouragent à rechercher et développer des alternatives aux additifs. Pour Anthony Fardet, la solution la plus efficace reste d'adopter « un régime flexitarien, c'est-à-dire manger de tout (fruits, légumes, viandes, poissons...), des aliments de préférence bruts, préparés à la maison et peu transformés industriellement. »
Sources: OMS, EFSA
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