Politique
Le texte adopté au Sénat
Nicolas Sarkozy avait annoncé ce texte dès son arrivée à l’Elysée en 2007. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a été adopté par les sénateurs le 29 mai.
Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) aura fourni une nouvelle occasion à la gauche de dénoncer les choix politiques du Président de la République et de son gouvernement, y compris en agriculture. Par 185 voix contre 152, seule la majorité Union pour un mouvement populaire (UMP) et Union centriste au Sénat a approuvé le texte de loi, adopté en procédure d’urgence le 29 mai. L’opposition composée du Parti socialiste (PS), des communistes et du Parti de gauche a rejeté un projet de loi « qui ne répond pas à la gravité de la crise » que traverse l’agriculture, le PS dénonçant « le désengagement confirmé de l'Etat ». Côté UMP, on considère en revanche que cette loi « va dans le bon sens » selon Gérard Bailly (Jura), et qu'elle comporte de « véritables avancées » pour Charles Revet (Seine-Maritime). L’examen du texte débutait à l’Assemblée nationale le 9 juin. Il devrait être adopté le 19, dans un contexte de crise pour de nombreuses productions agricoles.
C’est la quatrième loi agricole en dix ans, et son premier objectif selon le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, est de « garantir aux agriculteurs un revenu qui leur permette de vivre dignement de leur travail ». Les sénateurs ont insisté de leur côté, toute couleur politique confondue, sur la mise en place d’une « régulation » dans le secteur pour garantir les revenus. En outre, le texte comporte un volet posant le principe d'une « politique publique de l'alimentation » pour assurer « une alimentation sûre, diversifiée », et produite « dans des conditions durables ».
Contrats de vente écrits
Les sénateurs ont aussi approuvé l’un des axes forts du texte pour lutter contre la volatilité des prix : le développement de la contractualisation entre agriculteurs et industriels, retenant l'obligation de contrats écrits de vente qui mentionnent des prix et des volumes de livraisons. Un décret du Conseil d'Etat va préciser la durée de ces contrats (de un à cinq ans) et la liste des produits concernés. Mais certains sénateurs à droite comme Alain Vasselle (UMP) affirment ne pas se faire d'illusion sur l'efficacité de ces contrats, croyant « davantage à l'action du ministre auprès de nos partenaires européens pour que nos agriculteurs puissent vivre convenablement des aides publiques ».
De plus, la copie du Sénat suit le texte initial en encourageant le regroupement des producteurs pour rééquilibrer le rapport de forces face à l’aval, mais le dépasse en renforçant le rôle des interprofessions. Ces dernières proposeront des contrats-types et des clauses-types pour chaque secteur et mettront en place des indicateurs de tendance pour la fixation des prix.
Par ailleurs, les sénateurs, emboîtant le pas à Nicolas Sarkozy, ont durci le ton face aux grandes et moyenne surfaces (GMS) en interdisant le renvoi aux producteurs des marchandises livrées mais non vendues, et en interdisant les rabais, remises et ristournes pour les fruits et légumes, une revendication ancienne des producteurs. Ils ont également adopté un article encadrant plus strictement pour les fruits et légumes frais la publicité hors des lieux de vente, et sont allés plus loin que le gouvernement en mettant fin à la pratique du « prix après-vente » (écoulement d'une marchandise dont le prix n'est pas fixé au départ).
Taxe pour le foncier
Autre axe fort, la préservation du foncier agricole face à l’urbanisation. Les sénateurs sont là encore allés plus loin que le Gouvernement, faisant plier ce dernier par voie d’amendement sur l’affectation aux jeunes agriculteurs, et non pas à l'Etat, du produit d'une nouvelle taxe sur les plus-values dans le cas de la vente d'une terre agricole devenue constructible. Et autre disposition importante, la création d’un observatoire de la consommation des espaces agricoles pour évaluer l'ampleur de la disparition des terres. Une commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) est aussi instaurée, qui donnerait un avis consultatif sur l'opportunité de certains projets d'urbanisme. Présidée par le préfet, elle va associer les collectivités, la profession agricole, le secteur agroalimentaire, les propriétaires fonciers et les associations écologistes.
En outre, le Sénat a retenu la mise en place d'un plan régional de l'agriculture durable (PRAD), élaboré par le préfet. Il doit fixer les grandes orientations de la politique agricole et agroalimentaire de la région et la gestion des ressources naturelles.
Réassurance publique
Enfin, les sénateurs, gauche comprise, ont voté un dispositif améliorant la protection des agriculteurs contre les aléas via un système de « réassurance publique ». C’est un amendement du gouvernement qui ouvre la possibilité, dans le cadre de situations exceptionnelles, d’une garantie par l'Etat du risque de déséquilibre des assureurs si les indemnités dépassent les primes reçues. Les conditions et modalités de ce mécanisme seront présentées au plus tard six mois après la publication de la LMAP. Bruno Le Maire a réussi à faire plier Bercy qui n’en voulait pas.
C’est dans le même article 9 du texte de loi qu’est réformé aussi le dispositif de soutien à l'indemnisation des calamités agricoles. Un Fonds national de gestion des risques en agriculture (Fngra) a été instauré, qui remplace le Fonds national de gestion des calamités agricoles, mais dont le champ de compétences est étendu aux aléas sanitaires, phytosanitaires et environnementaux, et non plus exclusivement climatiques. Il prendra en charge une part des primes ou cotisations d'assurance sur certains risques agricoles, et il indemnisera les calamités agricoles en cas de risques non assurables.