Le gendarme Louis-Antoine Fau, enfant d’Ytrac tombé pour une France libre
L’atelier d’entraide à la généalogie du centre socio-culturel d’Ytrac vient de rendre hommage à l’un des siens, Résistant de la seconde guerre mondiale, mais oublié jusqu’ici.
À l’occasion de la cérémonie du 8-Mai, Ytrac a rendu hommage à l’un de ses enfants, Louis-Antoine Fau. Né au pays le 27 juin 1912, au moulin de la Carrière, il est devenu gendarme en 1940 et affecté à Saint-Donat-sur-l’Herbasse (Drôme). Grâce au travail de recherche de l’atelier d’entraide à la généalogie du centre socio-culturel d’Ytrac, et tout particulièrement de Jean-Louis Schaff et Manuel Rispal, son nom vient d’être ajouté au monument aux morts de sa commune natale... et son histoire racontée au plus grand nombre. Le devoir de mémoire, c’est une bien grande phrase pour la plupart d’entre nous. Mais les générations doivent savoir que si elles vivent aujourd’hui dans un pays de liberté, dans un pays de droit, c’est parce que des femmes et des hommes ont donné leur vie pour rendre à la France sa liberté.
Capturé, torturé puis fusillé par les Nazis
Issu d’une famille de plusieurs générations de meuniers, Louis-Antoine Fau se marie en janvier 1933 à Maurs avec Jeanne Mazières, pupille de la Nation et institutrice publique. En 1940, il devient donc gendarme et est affecté dans la Drôme. Le gendarme Fau connaît du monde, notamment l’important noyau de Résistance composé de “ceux qui croyaient au ciel et de ceux qui n’y croyaient pas”. Un réseau très actif, notamment autour de figures importantes comme Louis Aragon, Elsa Triolet ou encore le commandant “Azur” qui assurait la liaison clandestine avec Londres. Le gendarme Fau savait également que le pharmacien Chancel était le chef de l’armée secrète avec Mady, son épouse, qu’ils cachaient des aviateurs britanniques, tout comme ces familles qui sauvaient les Juifs pourchassés par les Nazis. Ayant pris des engagements dans la Résistance, Louis-Antoine Fau accepte, en juin 1944, une mission pour aller récupérer armes et munitions sur le site stratégique du barrage de Pizançon, près de Romans-sur-Isère. Le 15 juin, après avoir caché son butin à la ferme Guibout, il rentre à vélo. Intercepté par une patrouille allemande puis interrogé, il déclare être ouvrier agricole. Mais la plaque sur son vélo le trahit : elle porte le mot gendarmerie. Arrêté, il est regroupé à Saint-Donat avec 76 autres personnes. Léon Durand, maire courageux, arrivera à faire libérer l’ensemble des otages... sauf six, dont Louis-Antoine Fau. Pourtant malmenés, personne ne parle, mais ils sont expédiés au fort Montluc à Lyon, fort placé sous le commandement du tristement célèbre Klaus Barbie. Aucun ne dira mot. Entre-temps, Saint-Donat a payé très cher l’assaut allemand du 15 juin 1944 avec : 7 morts, 83 habitants de 13 à 83 ans interrogés et sauvagement frappés, 57 viols déclarés dont celui de la jeune Jeannie, 13 ans, fille du pharmacien Chancel. Elle mourra un peu plus tard de ses sévices. Aragon lui dédiera l’un de ces célèbres poèmes. Le 8 juillet 1944, à Portes-les-Valence (Drôme), Louis-Antoine Fau et trois de ces amis capturés à Saint-Donat sont fusillés par les Nazis, tout comme 26 autres otages. Un exemple en représailles à une action d’envergure menée par la Résistance sur le dépôt SNCF de Romans-sur-Isère. Lors de la dernière commémoration du 8-Mai à Ytrac, Jean-Louis Schaff a eu un mot pour Maurice Fau, “unique descendant de votre papa Louis-Antoine”. L’âge et la santé faisant, ce dernier ne pouvait être présent pour l’hommage rendu à son aïeul, mais a été grandement remercié pour avoir autorisé “à la reconnaissance du destin tragique de votre père”, pour avoir participé à la collecte “de photos et aux informations données” qui “ont permis de donner un visage à votre père et de l’honorer tant à Saint-Donat qu’à Ytrac”. Car il faut savoir que le 15 juin 1944, Maurice était dans une grange en ruines à Saint-Donat. Il avait dix ans et se cachait en compagnie de Marie-Alice Baudoin, à peine plus jeune que lui. Elle aussi est une survivante. “Vous avez tous les deux, si jeunes et prostrés, entendu siffler les balles allemandes. Vous n’avez jamais revu votre père.”