Le déficit de l’État, “ce n’est pas nous !”
La petite musique qui voudrait faire des collectivités territoriales les responsables du déficit abyssal de l’État irrite les oreilles des élus locaux, réunis en assemblée générale par l'AMF Cantal.
La petite musique qui voudrait faire des collectivités territoriales les responsables du déficit abyssal de l’État irrite les oreilles des élus locaux, réunis en assemblée générale par l'AMF Cantal.
Premiers visages et remparts de la République, les maires en seraient aussi devenus les premiers fossoyeurs
du budget, accusés par l’ancien locataire de Bercy d’être les responsables du déficit public. Une offensive de Bruno Le Maire, ex ministre de l’Économie, accueillie avec indignation par les élus locaux et leurs associations départementales et nationales. “Certaines collectivités créent de la dépense mais pour rendre des services indispensables à nos territoires. Tout le monde sait que si nous avons de la dette, nous n’avons pas de déficit, conformément à notre règle d’or financière, qui fait de nos collectivités les plus vertueuses d’Europe”, a martelé Christian Montin, vendredi 4 octobre lors de l’assemblée générale de l’AMF du Cantal. Maire de Gannat et secrétaire générale adjointe de l’AMF nationale, Véronique Pouzadoux s’est faite plus virulente : “On nous attaque de toutes parts et quand on essaie de se défendre, on nous dit que c’est du corporatisme... C’est très dangereux comme jeu, c’est se tromper de message”, a-t-elle lancé devant le préfet et une assemblée garnie.
“On n’est pas là pour mendier”, Véronique Pouzadoux, SGA de l'AMF.
Combattive, l’élue bourbonnaise a contre-attaqué, réclamant à l’État le “dû” des communes, fruit d’une érosion des dotations (7 milliards d’euros de moins depuis 2010). “On n’est pas là pour mendier mais pour récupérer l’argent qui nous est dû, pas pour nous mais pour que nos territoires puissent encore se développer”, a-t-elle affirmé. Et pas question pour l’AMF que les collectivités locales soient davantage encore mises à contribution : “Je ne sais pas si on (le gouvernement) imagine de supprimer une secrétaire de mairie sur deux...” En réponse, le préfet Buchaillat a évoqué les 320 M€ de hausse de DGF (dotation globale de fonctionnement) allouée par l’État en 2023 et 2024 au bloc communal, revalorisation dont 90 % des communes cantaliennes ont bénéficié. Il y a ajouté l’augmentation de 68 % des subventions aux investissements des communes consenties par l’État entre 2017 et 2024.
Pouvoir se développer, c’est bien ce que réclament les communes, a fortiori rurales, qui redoutent d’être totalement bridées par le dispositif Zan (Zéro artificialisation nette) de la loi Climat et résilience. Mais également par la généralisation des PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) sur l’ensemble des territoires. “Je n’en suis pas un supporter acharné, c’est ajouter des contraintes aux contraintes”, estime Christian Montin, qui voit là un obstacle supplémentaire à l’essor d’une offre d’habitat et donc à l’accueil de nouveaux habitants. “J’y vois au contraire une action nécessaire et un outil permettant aux élus de prendre en main leur développement”, a avancé le préfet.
Zan... : une brèche ouverte
Sur le Zan, Véronique Pouzadoux veut croire à une porte laissée ouverte par Michel Barnier dans son discours de politique générale : “À l’AMF, on est d’accord pour consommer moins et consommer mieux d’espace mais on va défendre de pouvoir détendre les choses et de travailler sur des trajectoires de réduction de la consommation foncière avec les services de l’État”, a assuré celle qui préside l’AMF 03. Détendre un cadre national
indifféremment imposé à tous les territoires, c’est aussi l’ambition affichée sur le transfert des compétences eau et assainissement avec une philosophie : “Nous sommes des élus responsables et on pense que la décentralisation a du bon. Pour autant, quand le jouet fonctionne, on n’a pas besoin de le casser...”, a fait valoir Véronique Pouzadoux.
Carton rouge à la carte scolaire
Autre combat, cyclique, celui de la carte scolaire annuelle dont les élus ne veulent plus, réclamant une vision à moyen terme et de l’anticipation. “Il faut une parole donnée et que cette parole soit respectée”, assène Véronique Pouzadoux, tandis que Christian Montin faisait état de perspectives inquiétantes de la démographie des collèges du Cantal. Quant au primaire, “nous avons perdu 13 postes (d’enseignants) à la rentrée, 10 l’année d’avant, combien l’année prochaine ? Où allons-nous à ce rythme ? Certes, la réalité démographique s’impose à nous mais il nous faut conserver un tissu scolaire de qualité et accessible à tous”.
Dans son rapport moral, le président de l’AMF 15 s’est aussi inquiété de la présence postale sur le territoire départemental après l’annonce d’un budget de la Poste amputé par l’État de 50 millions d’euros. “Même si la directrice territoriale de la Poste se veut rassurante, ça ne peut que nous inquiéter sur le financement des points, relais Poste, agences postales communales...”
Enfin, parce qu’aucun territoire n’est épargné, la secrétaire générale adjointe de l’AMF est revenue sur les violences faites aux élus, incitant ses homologues de l’association des maires cantaliens à se porter partie civile dans ces affaires. Véronique Pouzadoux a aussi exhorté ses collègues à investir les instances de l’association nationale (commissions, bureau...), regrettant que les élus ruraux y soient trop peu représentés. “On a des spécificités à exprimer”, a-t-elle conclu.
Intervenant pour la dernière fois devant les élus de l’AMF, le préfet Buchaillat s’est fait le relais et le promoteur de l’action de l’État auprès des collectivités. Non sans livrer un message plus personnel : “On entend parfois dire qu’un territoire a les élus qu’il mérite, si c’est vrai, le Cantal est alors bien méritant, il peut compter sur des élus particulièrement engagés.”