Le charbon refait parler de lui dans le Cantal
La préfecture du Cantal a confirmé un cas de fièvre charbonneuse sur une estive du Nord-Cantal tandis que sur la Margeride, c’est du charbon symptomatique qui a refait surface.
La préfecture du Cantal a confirmé un cas de fièvre charbonneuse sur une estive du Nord-Cantal tandis que sur la Margeride, c’est du charbon symptomatique qui a refait surface.
Anthrax, fièvre charbonneuse, maladie des “champs maudits”... : la seule évocation de ces termes fait ressurgir appréhension, croyances et frissons dans les campagnes. Rien d’ésotérique ni de sulfureux pourtant à ces
épisodes de charbon bactéridien qui refont surface sporadiquement dans l’actualité agricole tout comme les spores qui en sont à l’origine sur les parcelles contaminées. La préfecture du Cantal vient d’ailleurs de confirmer un cas de fièvre charbonneuse dans une parcelle d’estive (sur la commune de Collandres), “isolée, difficilement accessible et sans contact avec d’autres troupeaux”. Depuis le 3 juillet et à ce jour, neuf bovins issus d’un même cheptel sont décédés, précise-t-elle, indiquant qu’aucun autre foyer n’a été identifié ailleurs dans le département.
S’ils restent rares, ces cas de charbon n’en demeurent pas moins des épisodes des plus sérieux et dangereux causant une mortalité suraiguë des bovins avec un risque majeur pour la santé des humains exposés. Le charbon bactéridien est trop souvent encore confondu avec le charbon symptomatique qui vient lui de réapparaître ce début d’été sur une estive de l’Est du Cantal, ou encore avec des manifestations d’entérotoxémie. Trois maladies mortelles pour les bovins qu’il convient d’apprendre à distinguer et dissocier.
Champs maudits à vie...
Le charbon bactéridien, maladie réglementée à déclaration obligatoire, est une zoonose, due à
l’ingestion d’une bactérie, bacillus anthracis, dont les spores, formées lors de conditions défavorables à sa croissance (par exemple un environnement sec), peuvent rester enfouies durant des décennies dans des terrains judicieusement baptisés “champs maudits”, mais aussi dans la laine ou les poils d’animaux. Chez les humains, l’infection est habituellement contractée via la peau par contact avec des animaux ou leurs produits contaminés (manipulation ou autopsie d’une vache morte sans précaution...).
"C'est foudroyant"
Dans les cheptels touchés (notamment bovins, ovins, caprins et équins), elle entraîne une mortalité rapide et soudaine par paralysie musculaire et donc asphyxie. “C’est foudroyant, souvent on retrouve des animaux morts alors qu’ils étaient en parfaite santé la veille”, observe Justine Gaudré, vétérinaire conseil au GDS Cantal. Un département parmi les plus exposés, notamment dans des parcelles en montagne dont les sols ont été récemment retournés par du terrassement par exemple ou soumis à de fortes précipitations (orageuses...) succédant à une période de sécheresse, “ce qui fait remonter les spores à la surface”, indique la vétérinaire. Ces spores, dont l’origine est à retrouver souvent dans l’enfouissement de cadavres d’animaux morts de charbon des décennies antérieures, peuvent contaminer pâtures, fourrages mais aussi eau.
Dès suspicion, les services vétérinaires établissent un périmètre de sécurité et mettent en œuvre un protocole strict. Dès le premier cas suspect et en amont de la confirmation de la maladie par le laboratoire national de référence, l’élevage concerné à Collandres a ainsi été mis sous surveillance, avec les mesures de prévention suivantes, indique la préfecture : vaccination de tous les animaux de l’élevage concerné. Les effets protecteurs du vaccin agissent au bout de 7 jours et sont complets 15 jours après l’injection (donc à partir du 31 juillet 2024). Le troupeau reste sous surveillance active ; interdiction de sortie de ces animaux des exploitations et des pâturages où ils se trouvent ; mise en place de mesure de protection et d’isolement de la zone.
Les personnes ayant été en contact avec les animaux contaminés ont été identifiées et mises en relation, via l’ARS (Agence régionale de santé), avec leur médecin traitant afin de bénéficier d’un traitement antibiotique préventif sachant que les cas de contaminations d’animal à homme restent rares, et entre humains non-documentés. En relation avec des experts nationaux, les équipes locales et régionales des services de l’État ont été réunies à plusieurs reprises afin de coordonner la mise en place de mesures adaptées et ainsi de suivre l’évolution de cet événement.
Pas d’alternative à la vaccination préventive
À l’été 2021, où de nombreux cheptels ont été touchés dans le Cantal, aucune des déclarations de suspicion d’anthrax n’est retournée positive. Les analyses ont en revanche confirmé des cas de charbon symptomatique, également dû à des bactéries (clostridium chauvoei, clostridium septicum...), avec des manifestation assez similaires : mortalité suraiguë à aiguë. Les signes avant-coureurs (boiteries, gonflements très importants du pied) passent souvent inaperçus en estive ante-mortem. Les jeunes, bovins de 3 mois à 3 ans, sont davantage touchés, sachant que la contamination peut concerner quelques animaux au sein du lot à de nombreux individus. Elle se produit par ingestion de la bactérie (aliment souillé...) ou par voie cutanée (via une plaie). Le diagnostic se fait par culture d’un morceau de muscle (devenu gélatineux) mais qui doit se faire dans les 12 heures suivant la mort.
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Une fois la maladie déclarée, une vaccination d’urgence est opérée sur les animaux de la pâture concernée, dont ils sont retirés (en attendant que la suspicion d’un anthrax soit levée). “On traite aussi aux antibiotiques mais avec un taux de réussite très relatif”, commente Justine Gaudré, qui préconise donc une prophylaxie.
Compte tenu du délai de mise en place de l’immunité (six semaines), cette vaccination préventive peu coûteuse et efficace est à réaliser début mars avec une première injection, suivie d’une seconde un mois plus tard pour une montée en estive mi-mai. La couverture vaccinale dure un an, d’où un rappel annuel ensuite. Trois vaccins sont efficaces (Bravoxin, Miloxan, Coglavax) couvrant chacun un spectre de clostridies assez large.
“L’idée est de vacciner au moins les jeunes, ou tout le lot destiné à la parcelle à risque ou encore tout le troupeau”, avance la vétérinaire du GDS, consciente que les ruptures de stock de certains de ces vaccins ont joué en défaveur d’une vaccination plus importante des cheptels cantaliens.
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