« Le bien-être animal passe par celui des éleveurs »
Stéphane Travert a effectué un déplacement dans l’Allier et la Creuse, mercredi dernier. Si officiellement cette « séquence » était consacrée au bien-être animal, il a été interpellé par le réseau FNSEA-JA sur bien d’autres sujets, sécheresse et loi alimentation en tête.
Deux jours après la démission de Nicolas Hulot, d’emblée qualifiée par certains de « séisme », de décision « fracassante » ou encore « historique », amis de la mesure et de la nuance bonsoir… le ministre de l’Agriculture était en visite dans l’Allier et la Creuse. Autant dire que l’ombre de Hulot a plané sur le déplacement de Stéphane Travert. Des journalistes de médias nationaux étaient même présents dès potron-minet pour demander des comptes à celui que d’aucun, ont qualifié de « tombeur » de Hulot. C’est dire la teneur de l’info délivrée… Sur cette actualité « brûlante », le ministre a confié : « je regrette la démission de Nicolas Hulot, car nous étions dans un collectif qui fonctionnait bien ». Et d’énumérer, toutes les choses qu’ils ont fait ensemble, en concédant toutefois « nous avions des objectifs communs, parfois c’est sur les moyens d’y parvenir où l’on avait des différences d’appréciations ». Voilà pour l’« instant Hulot », très vite balayé par le staff ministériel, d’un récurrent : « nous sommes là pour parler bien-être animal ». Guidé par Hervé Puigrenier, à la tête d’un abattoir et d’un site de transformation situé à Montluçon, dans l’Allier, Stéphane Travert a découvert les process d’affinage de la viande. L’occasion pour lui d’avancer des arguments en faveur de la nécessaire montée en gamme, « que les consommateurs appellent, selon lui, de leurs vœux ». Chez Puigrenier, cette exigence de qualité est une préoccupation quotidienne. « Dans cette grande région d’élevage, nous avons tous les ingrédients pour répondre au mieux consommer », estime le chef d’entreprise.
Veille et transparence
Au-delà de la qualité des viandes, l’objectif de la visite était bel et bien de préparer abatteurs, transformateurs et éleveurs à aller vers une meilleure prise en compte du bien-être animal. Car là aussi, le ministère plaide pour une montée en gamme. « Garantir la protection animale à l’abattoir c’est d’abord la responsabilité des abatteurs, d’où la nécessité de définir des analyses de risques et toutes les mesures nécessaires pour prévenir les atteintes à la protection des animaux ». D’ici la fin 2018, le ministère recensera l’ensemble des dispositifs de contrôles internes mises en place par les abatteurs. Ce recensement s’accompagnera d’une évaluation pour disposer d’un état des lieux précis de la situation du parc des abattoirs français. Toutes les données collectées seront partagées sur le site du ministère à travers l’application « Alim’Confiance ». De quoi, selon le ministre, donner des gages de réassurance aux consommateurs.
Faire plus, pour gagner combien ?
Côté ferme aussi, Stéphane Travert défend la stratégie du mieux. En Creuse, sur l’exploitation du Gaec Courtitarat (voir par ailleurs), il a précisé le fond de sa pensée : « Le bien-être animal ce n’est pas juste une considération urbaine. On entend tellement de bêtises sur ce sujet, je suis là pour dire que les agriculteurs font du bon travail ». Mais au-delà de la communication sur les pratiques existantes, le ministre invite les éleveurs à faire encore davantage. En clair, cela pourrait passer « par l’inclusion dans les cahiers de charges des labels, de normes afférentes au bien-être animal », a expliqué Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse. Dans ce schéma, quid de la rémunération ? « On demande toujours plus aux éleveurs sans contrepartie. Sommes-nous bien certains que toutes ces considérations annexes pèsent plus que le prix pour le consommateur ? », a interrogé Christian Arvis, secrétaire général de la FDSEA de la Creuse. Car effectivement, en toile de fond de cette visite ministérielle, c’est bien la portée de la loi alimentation avec en filigrane la prise en compte réelle des coûts de production des agriculteurs qui a nourri les échanges. « Depuis le lancement des États généraux de l’alimentation, nous commençons à trouver le temps long. Au fil des mois, on se rend compte que pas mal de choses ont été détricotées. Le ministre reste sur la même posture en nous disant que nous allons retrouver de la compétitivité par le prix. Il ne nous donne pas les signaux pour nous en convaincre », a analysé Gilles Cabart, président de la FNSEA 03, à l’issue d’une rencontre syndicale avec le ministre, à laquelle participait également la chambre d’agriculture de l’Allier et les JA de l’Allier¹. Conscient des attentes fortes de la profession sur le revenu, Stéphane Travert a réaffirmé l’objectif « d’inverser la construction du prix en se référant à des indicateurs de coûts de production », reste à savoir lesquels, et avec quel arsenal de sanctions en cas de manquement.
1. En amont de la visite officielle, le ministre de l’Agriculture a également échangé en aparté avec les organisations professionnelles creusoises : Chambre d’agriculture, FDSEA et JA. [retour]
Une visite sans surprise
Comme toute visite ministérielle, le timing d’un ministre reste en général très serré et le temps consacré aux rencontres rétrécit au fil des heures. Au cours de cet entretien particulier qui n’aura pas duré plus d’une demi-heure, en aparté de la visite de l’exploitation du Gaec Courtitarat, les trois présidents de la FDSEA, des JA et de la Chambre d’Agriculture, accompagnés des secrétaires généraux de la FDSEA et des JA, Christian Arvis et Aurélien Desforges ainsi que de la première vice-présidente de la Chambre d’Agriculture Pascale Durudaud, ont « briefé » le ministre Stéphane Travert sur les difficultés que rencontrent actuellement les éleveurs creusois.
Dossier à l’appui, qui a failli ne pas lui être remis en raison d’un cordon de sécurité très strict, les sujets abordés ne manquaient pas. À commencer par les États Généraux de l’Alimentation, un dossier que « porte » le ministre de l’Agriculture en termes de stratégie pour défendre le revenu des agriculteurs et l’intérêt général de l’agriculture française.
« Nous allons mettre en place des outils pour que la formation des prix se fasse en tenant compte des coûts de production des éleveurs. L’important c’est que l’on tienne compte du travail engagé les agriculteurs dans la formation des prix » a-t-il précisé. La loi doit être de nouveau examinée à l’Assemblée nationale, le 12 septembre prochain.
Pour la profession agricole, ce dossier doit aboutir avec « des règles claires, nettes et précises », souligne Michael Magnier le président des JA, alors que le secrétaire général de la FDSEA Christian Arvis a rappelé au ministre que « par le passé, des engagements avaient été aussi pris et signés par toute la filière viande pour une meilleure revalorisation des prix de la viande et que personne n’a respecté ces engagements. Alors vous comprenez, Monsieur le Ministre, que nous soyons sceptiques et beaucoup moins confiants ! ».
Un été chaud
Parmi les autres sujets abordés, la sécheresse était aussi à l’ordre du jour. Avec l’important déficit de pluviométrie dans le département depuis plusieurs semaines (voir page 8), voire des mois, les responsables agricoles ont demandé au ministre de l’Agriculture plusieurs choses, d’une part que le département soit classé en état de calamités agricoles afin d’émarger au fonds d’indemnisation, que soit mis en place un plan de stockage de l’eau hivernale avec la création de retenues collinaires avec la levée de toutes les contraintes administratives et d’autre part, la mise en place d’aides au transport pour l’approvisionnement de fourrages.
Pour le ministre Stéphane Travert, « je n’ai pas attendu l’avis de la commission européenne pour engager un certain nombre de dispositions comme les dérogations pour le fauchage des jachères afin de reconstituer les stocks pour l’hiver, tout comme l’autorisation de dérogation sur les SIE sur les dossiers PAC. Des avances sur les aides PAC seront engagées pour apporter de la trésorerie, nécessaire à l’achat de fourrages ». Mais au-delà ces dispositions réglementaires, le ministre de l’Agriculture a également rappelé que « d’autres dispositions nationales allaient se mettre en place, comme des exonérations sur les taxes sur foncier non bâti, le report des cotisations sociales MSA ».
Au sujet des retenues collinaires, Stéphane Travert a indiqué « qu’un groupe de travail était actuellement cours de réflexion, un sujet qui intéresse non seulement le ministre de l’Agriculture, mais aussi le Président de la République ».
A.M