« L’agriculture française est à un point de bascule »
Interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.
À l’approche des États généraux de l’alimentation, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, revient sur les enjeux importants de cet événement qui associera tous les maillons de la chaîne alimentaire, du producteur jusqu’au consommateur.
Pourquoi les États généraux de l’alimentation sont-ils si attendus par les agriculteurs ?
C’est une promesse d’Emmanuel Macron de s’attacher en priorité à ces enjeux du prix payé au producteur, de la création et de la répartition de la valeur, des questions que traitera le premier chantier des États généraux. Il s’agit bien de toutes les valeurs de la production : sur le marché intérieur, l’export, sans oublier le non alimentaire comme l’énergie notamment. À partir du lancement, le 20 juillet, les différents ateliers aborderont les thèmes de la création de valeur, des relations commerciales, des débouchés, de la contractualisation, de l’origine de la production, et seront élargis aux nouveaux marchés créés par les nouvelles attentes des clients : montée en gamme, diversité… Nos agriculteurs savent tout faire ! Mais il faut le rappeler : pour mieux répondre aux demandes des consommateurs et des marchés, un retour économique plus conséquent sur les exploitations est indispensable. Plus vert, c’est plus cher ! Les produits premium ne peuvent pas être rétribués aux prix low cost d’aliments importés, élaborés dans des conditions très différentes et distorsives.
Au-delà de la question du prix, quelles sont vos attentes concernant ce premier chantier ?
Ce chantier traitera des prix, mais aussi de la compétitivité des produits français sur les marchés intérieur et extérieur. Car pour les céréales, les viandes, les vins, les débouchés sont aussi européens et internationaux. De plus, certains ateliers devront avoir une transcription rapide, par exemple dans les modifications de la LME. Il s’agit d’être prêt fin septembre, avant l’ouverture des négociations commerciales en octobre. La FNSEA a déjà travaillé, parallèlement, avec des représentants des industriels et de la distribution pour trouver des solutions pertinentes et stopper la destruction de valeur à cause du dogme du prix bas et des concurrences entre les enseignes. L’agriculture française est à un point de bascule. Soit on obtient un retour de la valeur qui permet de maintenir des exploitations aux comptes équilibrés et qui jouent un rôle important en matière d’emploi, d’aménagement du territoire, de cultures de qualité, soit le monde devient un grand supermarché sans règles, et l’agriculture française n’aura plus sa place.
Le deuxième chantier concerne-t-il autant l’agriculture ?
Le deuxième chantier concernera l’alimentation durable. Les débats seront très ouverts et aborderont la question de l’évolution de l’alimentation face à l’explosion des modes de distribution, aux nouvelles attentes des consommateurs, mais aussi la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’éducation à une bonne alimentation, le lien entre alimentation et santé. Pour nous, il est important d’être très actifs dans ces débats, de montrer que l’agriculture a su s’adapter aux attentes des consommateurs et qu’elle peut s’adapter davantage encore, comme le prouve par exemple l’augmentation des volumes commercialisés en réseaux de proximité, en RHD notamment grâce à nos actions depuis 2015.
Notre objectif est de bien identifier les différentes attentes et les marchés potentiels pour se donner les moyens d’y répondre. Le plan d’investissement pourra aider à l’adaptation tant des producteurs que des transformateurs. Nous voulons sortir de cette caricature souvent brandie, « il faut changer de modèle ». Comme nous l’avons expliqué à M. Hulot, l’agriculture est en transition écologique depuis plusieurs années : 25 % de signes officiels de qualité, 20 % de vente directe, l’export qui dégage 8 milliards d’euros annuels… Au pays des 1 000 fromages et vins, il n’y a pas un mais 1 000 modèles !
En quoi des États généraux donneront-ils la parole aux consommateurs ?
Une consultation publique va être organisée sur internet, chacun pourra contribuer. Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation propose aussi d’organiser des débats régionaux, pour des dialogues inter-acteurs ouverts. Les chambres régionales d’agriculture ont déjà prévu de mettre en place ce type de débat de façon partenariale sur l’agriculture, les grands enjeux économiques, sociaux et territoriaux de l’alimentation. Pour la FNSEA, il est très important d’aborder les états généraux dans l’idée de participer à un dialogue constructif, pour une meilleure reconnaissance du rôle des agriculteurs dans l’alimentation car l’agriculture, c’est bien plus que l’agriculture !