La tique responsable de Lyme et de multiples co-infections lourdes
Les tiques véhiculent de nombreux agents pathogènes transmissibles à l’homme et aux animaux, responsables de la maladie de Lyme et d’une multitude de symptômes lourds et chroniques qui affectent le quotidien des malades. Explications avec Stéphane Gayet, infectiologue au CHU de Strasbourg et Ahed Zedan, médecin coordonnateur du Centre de compétences des maladies vectorielles à tiques (CCMVT), à la polyclinique Saint-Côme à Compiègne.
La tique est un acarien parasite, néfaste pour l’homme. 15 % des tiques sont porteuses d’une bactérie qui transmet la maladie de Lyme. 14 % d’entre elles sont également porteuses d’un autre agent pathogène. Elles ont le pouvoir de s’attaquer à tous les animaux sans distinction. « La tique n’a pas de spécificités d’espèces. Elle passe de l’homme au chien, du lapin au mulot, du cheval au chevreuil. On en retrouve même sur les reptiles… », indique Stéphane Gayet, infectiologue au CHU de Strasbourg. De ce fait, elle peut inoculer à l’homme une multitude de parasites en provenance des animaux. « Elle est minuscule mais diabolique. Elle ne porte pas uniquement Borrelia burgdorferi sensu lato, la bactérie responsable de la maladie de Lyme. Elle véhicule de nombreuses maladies plurimicrobiennes peu connues et mal soignées », précise-t-il.
Les parties du corps qu’elle préfère ?
Chevilles, poignets, cou, épaules, décolleté, aisselles, région lombaire et pubienne, partie intérieure des cuisses, nombril, nuque, cuir chevelu, creux des genoux et plis du coude... Ce sont les parties du corps qu’elle préfère. « Elle se dirige vers les zones chaudes et humides où la peau est tendre et fine. La tique est aveugle, elle se repère à la chaleur du corps humain et au gaz carbonique. Plus on a chaud, plus on l’attire », ajoute le Dr Gayet. Une fois que la tique a trouvé l’endroit idéal pour mordre, il lui faut au moins deux heures pour creuser son trou sous la peau. « À ce stade, il est impossible de la voir car elle est microscopique. Quand on la voit ça veut dire que son intestin est déjà rempli de sang et que le mal est fait. Plus la tique reste longtemps accrochée à la peau, plus le risque infectieux est important », indique-t-il.
Lyme ou maladie vectorielle à tique plurimicrobiennes ?
« Aujourd’hui, l’appellation Lyme ne veut plus rien dire. On met tout sur son dos, alors qu’une tique peut porter et transmettre à l’homme jusqu’à dix bactéries de familles différentes », explique Ahed Zedan, médecin coordonnateur du Centre de compétences des maladies vectorielles à tiques (CCMVT) à la polyclinique Saint-Côme à Compiègne (Oise). « Il faut faire une distinction formelle entre la borréliose de Lyme, une maladie bactérienne qui se traite assez bien, et ce qu’on appelle la maladie vectorielle à tique plurimicrobiennes. Ce sont deux maladies différentes. La seconde rend très malade, peut durer des mois, des années voire toute la vie. Elle se manifeste lorsque le patient contracte plusieurs agents pathogènes de familles différentes (Borellia, Babesia, Bartonella, Anaplasma…). Il développe alors des co-infections qui ne sont plus imputables uniquement à la Borrelia de Lyme. C’est ce cocktail de microorganismes qui est catastrophique et qui met en échec notre système immunitaire », précise le Dr Gayet.
Les symptômes ?
La maladie de Lyme au sens strict se distingue par trois signes physiques spécifiques qui n’apparaissent pas tout le temps. L’érythème migrant, l’acrodermatite chronique atrophiante et le lymphocytome borrélien. « En dehors de ces trois signes, aucun symptôme n’est directement et exclusivement imputable à la maladie de Lyme. Lorsque l’état du patient commence à se dégrader, cela veut dire qu’il a sans doute contracté plusieurs agents pathogènes », explique le Dr Zedan. Dans ce cas, la liste des symptômes peut être longue et inquiétante : douleurs musculaires, articulaires, osseuses, parfois cardiaques, bégaiement, sifflements et bourdonnements d’oreilles, troubles de la mémoire… « Mes patients décrivent des épisodes de brouillard mental, disent avoir des mouches devant les yeux, la tête sous pression, ressentir une énorme fatigue. Certains sont cloués au lit, n’arrivent plus à déglutir, sont atteints de paralysies partielles, de myocardites… », décrit-il. « Toutes ses douleurs évoluent dans le temps engendrant des conséquences dramatiques sur la vie personnelle, professionnelle et sociale des malades ! » ajoute le Dr Zedan.
Les tests et les protocoles de soins ?
Face à cette maladie difficilement diagnosticable, il est important de respecter un délai minimum de deux semaines avant de réaliser le test de dépistage Elisa. Il résulte le plus souvent négatif dans le cas de co-infections. « Tout comme Elisa, le test de confirmation Western Blot recherche uniquement la présence des souches de Borrelia. Les deux sont exclusivement conçus pour les Borrelia et restent négatifs en présence d’un ou plusieurs autres agents pathogènes, responsables dans la plupart des cas de la dégradation du malade. Les sérologies disponibles ne sont ni sensibles ni spécifiques à 100 %. Une sérologie négative ne permet en rien d’écarter une maladie vectorielle à tique plurimicrobienne et doit donner lieu à un traitement d’épreuve, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les malades continuent de consulter, représentent un surcoût pour la société et finissent par atterrir en psychiatrie. Quand on cherche bien on trouve souvent une morsure de tique… », regrette le Dr Zedan. La « simple » borréliose de Lyme est améliorée de façon significative avec l’antibiothérapie. L’idéal c’est de la traiter au moment de l’apparition de l’érythème migrant. En revanche, la maladie vectorielle à tique plurimicrobiennes ne guérit pas, parfois même en suivant une trithérapie (trois antibiotiques en même temps).
Quels impacts sur les animaux ?
Les animaux d’élevage et domestiques sont touchés par les mêmes agents pathogènes que l’homme. La Babesia, par exemple, reconnue chez l’homme, est la pire infection au classement chez les animaux. Lyme peut être grave chez le chien. Il y a des bactéries tout à fait banales chez l’animal et très dangereuses pour l’homme et vice versa. La différence dans la recherche, c’est que les vétérinaires analysent les bactéries une par une, ce qui leur permet de mieux les connaître et de bien soigner leurs animaux. « Ils connaissent les bactéries du chien, le virus du chat, les parasites du cheval alors qu’en médecine humaine, on considère qu’il ne peut exister qu’une maladie infectieuse à la fois. On a une approche trop dogmatique. Je ne rêve que d’une chose, c’est qu’on arrête de mettre des barrières entre médecine humaine et animale et que médecins et vétérinaires puissent un jour travailler main dans la main ! »