INSTALLATION
La nouvelle génération d'agriculteurs a-t-elle les épaules pour reprendre le flambeau ?
À l'occasion du COTI¹, la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme a dressé un bilan des dernières installations et s'est interrogée sur l'avenir de la profession face à un manque de connaissances et de compétences des nouveaux installés.
À l'occasion du COTI¹, la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme a dressé un bilan des dernières installations et s'est interrogée sur l'avenir de la profession face à un manque de connaissances et de compétences des nouveaux installés.
Près de 50% des agriculteurs vont cesser leur activité dans les dix prochaines années. Leur renouvellement est un défi de taille pour l'avenir de l'agriculture. Le Puy-de-Dôme installe en moyenne 183 jeunes par an (79% ont moins de 40 ans) dont 76% en élevage et 24% en cultures. Les installations aidées par la DJA sont au nombre de 87. Ces chiffres permettent d'atteindre un taux de remplacement de 68% soit sept installations pour dix départs. Toutefois, « ces installations doivent être durables » insiste Baptiste Arnaud, vice-président de la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme, en charge de l'installation-transmission. Les chiffres dévoilés ce lundi 17 juin à l'occasion du COTI1 montrent un taux de maintien de 85% mais dans quelles conditions ?
Depuis quelques années maintenant, le département est l'un de ceux qui installent le plus grâce à une proportion grandissante de porteurs de projet non issus du milieu agricole et des productions autrefois qualifiées de marginales. Tandis que les installations en élevage bovin diminuent mais restent majoritaires (44%), l'élevage ovin caprin accueille chaque année davantage de nouveaux chefs d'exploitations qui représentent désormais 6% des installés.
41% des installés sont des femmes
La tendance est identique pour le maraîchage avec 4%. La grande majorité de ces projets est orientée vers la vente directe, tirée par l'attractivité de la métropole clermontoise. Il y a deux ans, lors du dernier COTI, les élus de la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme s'interrogeaient sur un risque de concentration et de mise en concurrence de ces productions. Une étude a été conduite et révèle que l'économie ne semble pas être le fond du problème. Les jeunes agriculteurs n'hésitent pas à témoigner d'une charge de travail et d'une charge mentale qui cumulées devient lourde à porter.
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Peu de concurrences entre les producteurs
Parmi les 87 installations soutenues par la DJA, 48% ont un circuit vente directe. « Un chiffre en augmentation » précise Céline Duquet, chef du service transmission.
Une charge mentale pesante
En 2022, moins d'un an après la pandémie Covid, les exploitants agricoles du département ont témoigné « craindre une augmentation de la concurrence inter-exploitant ainsi que des difficultés de commercialisations » face à la recrudescence d'installation en maraîchage et ovins-caprins fromagers.
La Chambre a interrogé 113 maraîchers bio et 120 conventionnels ainsi que 103 éleveurs caprins lait et 21 ovins lait. Les maraîchers concentrés principalement autour de la métropole témoignent peu ressentir la concurrence. Il en va de même pour les éleveurs ovins et caprins.
« Les exploitations ont trois à quatre circuits de commercialisation différents : vente à la ferme, marchés, restaurants, magasins. En maraîchage la concurrence est ressentie davantage chez les exploitants en conventionnel. La difficulté n'est pas là... »
Les sondés ont davantage fait part de leurs difficultés à gérer la charge de travail et la charge mentale induites par une commercialisation en direct.
« Nous les alertons durant le stage 21 heures mais tant qu'ils ne l'ont pas vécue et ni expérimentée, cette problématique n'est pas comprise. De même, les porteurs de projets peinent à évaluer les heures de travail. On parle dans certains cas de faire trois métiers en un : produire, transformer, commercialiser » souligne Fabienne Puel, chef du service installation.
Un manque de connaissances
Le sujet fait réagir Éric Vindiolet, responsable professionnel, qui pointe du doigt l'isolement des hors cadres familiaux.
« Ils travaillent seuls, s'investissent très peu dans les Cumas ou n'échangent pas avec leurs voisins. »
Un manque de connaissances du monde agricole qui aurait de lourdes conséquences. Au-delà de la surcharge administrative, des aléas climatiques ou encore de l'instabilité des prix sources de stress, la charge mentale et de travail serait induite selon certains professionnels davantage par un manque de compétences, loin d'être propre aux seuls hors cadres familiaux et à la vente directe. « Aujourd'hui, nous ne sommes plus seulement des agriculteurs mais des chefs d'entreprise. Nous devons l'intégrer et surtout les plus jeunes. Cela signifie qu'il faut monter en compétences ! De moins en moins d'agriculteurs se forment tout au long de leur carrière. Nous en sommes témoins à la Chambre d'agriculture. Seules les formations obligatoires (certiphyto...) n'ont aucune difficulté à se remplir » assène Baptiste Arnaud.
Le niveau moyen des jeunes agriculteurs est BAC +2
Le niveau d'étude moyen des demandeurs est stable et dans la moyenne nationale mais il est loin de se suffire à lui seul. « Au fil des ans nous n'observons pas d'évolution. Beaucoup de jeunes s'installent encore aujourd'hui avec un minimum d'expérience professionnelle. C'est étonnant et cela interroge » souligne Mathieu Daim, responsable professionnel du service installation. Ce manque généralisé de connaissances se répercute selon les élus sur l'ensemble de la vie professionnelle et dès le montage du dossier d'installation. « Nous sommes face à des jeunes qui sortent de l'école et n'ont aucune connaissance des filières, de la vie professionnelle dans le département, des coopératives... »
Réinvestir les écoles
Les coopératives justement voient leur nombre d'adhérents diminuer, notamment dans les filières d'élevages, et usent de divers packages pour soutenir l'installation. Fabien Sevin de la Fédération régionale des coopératives énumèrent les différents dispositifs existants allant de l'accompagnement administratif jusqu'à l'avance de trésorerie, sans oublier les conseils techniques, les aides à la rémunération spécifiques pour les jeunes ou encore de garantie bancaire. De même, les coopératives n'hésitent plus à se réinventer et investir de nouveaux marchés. Il n'en demeure pas moins que seulement 58% des nouveaux installés puydômois avec la DJA commercialisent via une coopérative. Les hors-cadre familiaux ne sont que 19%.
Là encore, les différents porte-parole pointent le manque de connaissances de l'outil coopératif.
Pour Christophe Jardoux de Feder « il est urgent de réinsuffler les filières coopératives dans les programmes scolaires ».
Au-delà d'attirer de nouveaux adhérents, cette communication autour des coopératives est aussi essentielle à leur fonctionnement qu'à l'avenir de leur nature même selon Jean-Luc Petoton, administrateur chez Limagrain : « Qu'est-ce qui a fait que Limagrain est toujours là ? La création de filières ! Cette valeur ajoutée ne se vivra demain que si les agriculteurs restent impliqués. Les agriculteurs ne doivent pas laisser les clés de leurs outils à des personnes qui ne sont pas dans le métier, qui ne sont pas agriculteurs. Demain l'histoire s'écrira avec des femmes et des hommes qui s'impliqueront dans leur métier et leur profession. »
1 : Comité d'Orientation Transmission Installation.
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