La mobilisation jusqu’au bout… « parce qu’on a plus rien à perdre »
Les manifestations dans le Massif central Il n’a pas fallu beaucoup d’arguments pour enjoindre les agriculteurs à exprimer leur colère. Prix, FCO, sécheresse, PAC…Les problèmes récurrents confinent certains au désespoir et à cette désagréable impression que leur avenir ne tient plus qu’à un fil.
Dès cet été, les agriculteurs avaient pourtant prévenu. Faute d’être entendus, ils reprendraient le chemin des préfectures, des sous-préfectures, des DDT, des industriels… avec un seul objectif : faire bouger les lignes au sommet de l’État, de l’Europe et dans les entreprises, pour garantir un avenir à un secteur dont les artisans sont à l’agonie.
Depuis quinze jours, les paysans du Massif central ont donc mis leur menace à exécution. À l’appel des FDSEA-FNSEA et des JA de la plupart des départements, des mouvements de protestation ont germé ici et là, se multipliant au gré des soirées et des journées. La colère est tellement grande « que le feu n’est pas près de s’éteindre ». Différentes dans leur forme, les actions n’en sont pas moins voisines dans leurs revendications. Elles fustigent d’abord l’inertie du ministère de l’agriculture :
« Cinq mois après les annonces de septembre 2015, plus de 90 % des agriculteurs n’ont toujours pas vu arriver les aides promises sur les comptes », résume Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central. Fonds d’allégement des charges, dégrèvement de la taxe sur le foncier, reconnaissance des véritables taux de perte sécheresse, indemnisation liée au blocage commercial FCO, versements aides PAC… les sujets en attente sont légion. « Et pendant ce temps là, les trésoreries des exploitations fondent comme neige au soleil ». À ces coups durs, se greffe évidemment le problème central du prix, pas suffisant pour rémunérer décemment le travail de l’agriculteur.
« Une initiative forte de la France vis-à-vis de la commission européenne doit être prise dans les plus brefs délais de manière à retrouver une gestion de marché qui permette un prix rémunérateur », insiste Patrick Bénézit. En filigrane de chaque mobilisation, il y a donc cette revendication essentielle « d’imposer à Bruxelles, la mise en place de mécaniques de régulation ». Des mécaniques qu’appellent de leurs vœux pas seulement les agriculteurs français car partout en Europe, la situation est explosive…
Au fil des manifs
En Creuse, lundi dernier, des agriculteurs de la FDSEA et des JA ont répandu du fumier devant le centre des impôts avant de prendre la direction de la préfecture où ils ont été reçus par le préfet du département. D’autres mobilisations pourraient avoir lieu dans les jours à venir, notamment du côté d’Aubusson (voir notre édition du 29 janvier 2016).
En Lozère, la FDSEA et les JA se sont prêtés à une véritable démonstration de force en réunissant mercredi dernier, sur la place Urbain V de Mende, 250 agriculteurs et quelques 150 tracteurs. Sous les fenêtres de la préfecture, les manifestants ont réclamé « des solutions » pour sortir du marasme dans lequel sont plongées les filières agricoles.
Dans l’Allier, 200 agriculteurs particulièrement remontés, sont venus crier leur désarroi et déverser leur colère… et leur lisier devant les grilles de la préfecture, de la DDT et de la MSA. Les manifestants arrivés en cortège funéraire à grand renfort de cercueils plus explicites les uns que les autres « Mort pour nourrir la France », « Les paysans travaillent pour engraisser Bigard »… ont occupé les lieux toute la journée. Loin de les rassurer, les propos du préfet n’ont fait qu’attiser les sifflets, les protestations, l’embrasement des pneus et les jets d’œufs sur les CRS.
Dans le Cantal, pas un jour sans une manifestation. Dès le 26 janvier, à l’appel de la FNSEA et des JA, les éleveurs du département ont manifesté à Aurillac, Mauriac et Saint-Flour. Malgré les portes fermées des sous-préfectures et de la DDCSPP (services vétérinaires), ils se sont introduits dans les 3 sites, qu’ils ont bloqués jusqu’en fin d’après-midi. Les JA ont même muré l’entrée de la DDCSPP, comprenez « On nous a dit de ne pas casser… Alors, on va bâtir ».
Dimanche soir, de nombreux bâtiments publics ont été pris pour cible. Dans tout l’arrondissement de Saint-Flour, les agriculteurs ont une nouvelle fois souhaité interpeller les pouvoirs publics et exprimer leur désarroi. « On n’en peut plus, on en a ras-le-bol, plus que ras-le-bol, on est au bout du bout, on n’a pas grand chose à perdre », reconnaît Guy Touzet, secrétaire général adjoint de la FDSEA du Cantal. Mardi matin, rebelote toujours du côté de Saint-Flour, où les agriculteurs ont muré la sous-préfecture avant de déverser du fumier.
En Haute-Loire, la FDSEA et JA ont organisé mercredi dernier, un rassemblement devant la préfecture. En signe de protestation, les 200 agriculteurs présents ont lancé leurs bottes, leurs vêtements de travail et de la paille dans la cour de la préfecture. Cette semaine, une manifestation était programmée devant les entreprises Savencia et Sodiaal.
En Corrèze, les Jeunes agriculteurs sont passés à l’action le 21 au soir, tard dans la nuit. Devant la préfecture de Tulle, ils ont dessiné sur le sol une vache rouge en colère et quatre croix pour symboliser les productions agricoles corréziennes phares en crise : arboriculture, élevage porcin, aviculture et élevage bovin...
Dans le Puy-de-Dôme, jeudi dernier, une centaine d’agriculteurs emmenés par la FNSEA 63 et JA se sont retrouvés devant la préfecture où ils ont symboliquement déposé leurs bottes. Les responsables syndicaux se sont ensuite entretenus avec la préfète.