Julien Denormandie : mettre la Pac 2022 « au service des agriculteurs »
Dans un entretien accordé à Agra presse le 26 octobre, le ministre de l’Agriculture tire un premier bilan de la négociation de la Pac 2022, après les récents accords au Conseil et vote au Parlement européen. Julien Denormandie retient notamment le caractère obligatoire des éco-régimes, garant selon lui d’une « convergence » de l’agriculture européenne, mais aussi la création d’aides couplées pour de l‘accroissement de la production de protéines végétales qui incarne une ambition de « souveraineté alimentaire » et enfin le chantier entamé de la simplification pour mettre la Pac « au service des agriculteurs ».
Des accords sur les grandes orientations de la prochaine Pac ont été trouvés la semaine dernière. Comment expliquez-vous le large fossé entre les réactions positives du Conseil et du Parlement européen, et celles très négatives, des ONG environnementalistes ?
Je pense que la Pac dont nous avons convenue avec les ministres est une avancée gigantesque. Chacun peut toujours se demander si elle est suffisante ou pas, mais pour la première fois, nous nous sommes mis d’accord sur une ambition environnementale et sur le fait que cette ambition soit obligatoire. Donc qu’elle s’impose à tous les États. C’était ma ligne rouge la plus importante.
Pour la première fois, nous allons avoir une Pac qui objectivement sera plus verte et beaucoup plus juste. L’ambition environnementale ne relèvera donc plus uniquement du deuxième pilier (au bon vouloir des États membres), mais elle sera adossée également au premier pilier avec les nouveaux éco-régimes.
Cette nouvelle Pac marque ainsi le fait que le projet européen est, avant toute autre chose, un projet de convergence dans un marché commun où tout le monde est soumis aux mêmes règles du jeu. Il est incompréhensible que, dans nos étals, nous trouvions des fruits ou des légumes européens qui ne répondent pas du tout aux mêmes ambitions environnementales.
Donc de manière objective, oui, cette Pac fera date en ce sens qu’elle est plus ambitieuse et surtout qu’elle va répondre à une priorité qui est essentielle pour moi : obliger à plus de compétition loyale au sein du marché commun. Certains ne vont regarder que le pourcentage : « Est-ce que c’est 20 % ou 30 % d’éco-régime ? ». L’enjeu de cette première négociation était avant tout de tracer le chemin pour tous les pays européens. Il fallait entraîner tout le monde. N’oublions pas ce caractère obligatoire qui est essentiel.
Le verdissement n’était-il pas déjà obligatoire pour tous les États ?
D’abord nous ne sommes pas du tout sur la même échelle avec les éco-régimes. Les surfaces d’intérêt écologique (SIE) sont par exemple sans commune mesure avec le fait de consacrer 20 à 30 % de nos aides directes à des mesures environnementales. Ensuite il y a énormément d’exemptions aux mesures de verdissement de l’actuelle programmation. Par exemple, les SIE ne s’appliquent pas aux exploitations de moins de 15 ha, ni aux cultures permanentes, mais uniquement aux cultures arables.
Avec les éco-régimes, il y avait un risque – et je suis satisfait que l’on ait veillé au grain sur ce point – d’avoir une Pac ambitieuse dans ses objectifs mais avec une palanquée d’exemptions pour certains pays. Lors des négociations, nous nous sommes assurés, jusque très tard dans la nuit, que les flexibilités qui vont être accordées soient les plus encastrées possible, et surtout compatibles avec l’ambition environnementale partagée. C’est cela qui assure qu’elles vont s’appliquer à tous et qu’on va lutter contre la compétition déloyale qui existait jusqu’à présent.
Un exemple : aujourd’hui, il y a une période pilote de deux ans, prévue sur ces éco-régimes (2023 et 2024), mais certains États demandaient une période pilote de sept ans. Autrement dit, nous n’aurions rien fait durant l’intégralité de cette Pac !