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Julien Denormandie impose sa marque

Le nouveau ministre de l’Agriculture dévoile, avec le volet agricole du Plan de relance, sa « vision » de la politique agricole qu’il veut mener d’ici la fin de son mandat. Tirant les conclusions de la période du confinement qui avait chamboulé les filières agricoles, Julien Denormandie veut se réorienter vers la « souveraineté alimentaire et agricole » et l’augmentation de la consommation de « produits frais ».

Julien Denormandie
Julien Denormandie
© DR

Doté d’un milliard d’euros issus uniquement de fonds supplémentaires (dont ceux du plan de relance européen), ce plan est marqué par un fort accent mis sur les circuits courts, qui rappelle le passage par la Rue de Varenne de Michel Barnier (UMP) et son plan circuits courts en 2009. Le plan inclut aussi de vraies nouveautés comme le crédit d’impôt HVE (70-80 M€), la prime à la conversion des agroéquipements (135 M€) ou le financement du bilan carbone pour les jeunes installés.

Comme annoncé, le volet « Transition agricole, alimentation et forêt » du plan de relance sera doté de 1,2 Mrd€ sur deux ans, dont 200 M€ consacrés aux filières bois et forêt. Présenté par le ministre de l’Agriculture le 3 septembre, ce volet agricole du plan provient uniquement de « fonds additionnels » (incluant le plan de relance européen) et ne reprend pas les budgets déjà programmés de la Pac ou des comptes de l’État : « Ça ne sera que du plus », a assuré Julien Denormandie.
« Pas de ripolinage », confirme-t-on au cabinet du ministre, où l’on se réjouit de « pouvoir faire aboutir des projets dont on rêvait depuis longtemps ». Fini donc les opérations de recyclage budgétaire de début de quinquennat avec le Grand plan d’investissement (GPI), le ministère voit enfin arriver de l’argent frais. D’ailleurs, pour être précis, la part du plan de relance européen qui avait été fléchée cet été vers le second pilier de la Pac (7,5 Mrd€) n’est pas incluse.
Mais venons-en aux faits. Le plan comprend quatre axes : le premier volet vise à « reconquérir la souveraineté alimentaire de la France » (364 M€). Il comprend un plan protéines (100 M€), un plan de modernisation des abattoirs et des élevages (250 M€), et des mesures pour le renouvellement des générations (communication sur l’attractivité des métiers, bilans carbone pour les jeunes installés).

Abattoirs territoriaux en difficulté
« Le plan protéines, beaucoup en parlaient, mais il n’y avait pas d’argent en face », se félicite Julien Denormandie. Il sera décliné en trois volets : des fonds destinés, d’une part, aux cultures et à la « substitution aux importations de soja brésilien », d’autre part aux « éleveurs », et enfin à « l’alimentation humaine ». Le montant de 100 M€ sera complété par un appel à projets dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA), dont le montant précis ne peut être annoncé à l’avance, assure le ministre.
Le plan de modernisation des abattoirs et des élevages n’est pas encore finalisé, mais devrait en grande partie passer par les outils du PCAE (second pilier de la Pac), même « si on ne s’interdit pas des appels à projets », annonce le cabinet. Concernant les abattoirs, il « vise les abattoirs des territoires en difficulté », a précisé le ministre. « Beaucoup d’abattoirs, notamment territoriaux ont une marge trop faible pour investir, et sont confrontés à des injonctions contradictoires de la société. »
Le second volet porte sur « la transition agro-écologique » (346 M€), incluant une prime à la conversion des agro-équipements (135 M€) associé à un « accélérateur pour le développement d’agroéquipements de demain », un crédit d’impôt HVE (70-80 M€), un abondement du fonds Avenir bio et de la structuration des filières bio (60 M€), et un plan d’accompagnement à la mise en place de haies (50 M€).

HVE, PAT, paniers fraîcheurs
Le ministre a ajouté que la certification Haute valeur environnementale (HVE) l’intéressait comme outil dans le cadre des éco-schemas de la prochaine Pac. Les modalités de ce crédit d’impôt ne sont pas encore arrêtées, mais visent « les coûts d’enregistrement administratif ». Le plan de plantation des haies fait écho au programme Breizh Bocage, lancé depuis 2007 en Bretagne, dont le vice-président à l’agriculture, Olivier Allain, a mené la campagne d’Emmanuel Macron en 2017.
Le troisième volet de 200 M€ est consacré à « l’alimentation saine et durable », dont un plan de soutien aux cantines scolaires (50 M€), aux plans alimentaires territoriaux (80 M€), un soutien au projet
« 1 000 restaurants durables », aux jardins partagés, et aux « paniers fraîcheurs » (à destination des « plus modestes et concitoyens isolés »). Enfin, le quatrième et dernier axe porte sur « l’adaptation au changement climatique » (300 M€), dont un soutien aux investissements d’adaptation agricoles (100 M€) et forestiers (200 M€).
Le fort accent mis sur les circuits courts, dotés d’au moins 130 M€, apparaît comme la principale réorientation politique imposée par Julien Denormandie sous l’inspiration de la période de confinement. En effet, ce thème n’apparaissait pas jusqu’ici dans les priorités ciblées lors de la préparation du Pacte productif, ce plan d’investissement public élaboré cet hiver, et qui n’aura finalement pas vu le jour, à cause de la crise sanitaire.

Les circuits courts en avant
« Les circuits courts, beaucoup de Français y ont goûté pendant le confinement et les ont aimés, a expliqué le jeune ministre de l’Agriculture, le 3 septembre. Mon objectif est de les renforcer, dans le but d’augmenter la consommation de produits frais, et pour les agriculteurs, de leur dégager de nouveaux débouchés, souvent rémunérateurs. »Un tel accent sur les circuits courts n’avait pas été mis depuis longtemps Rue de Varenne, peut-être depuis le « plan de développement des circuits courts » de Michel Barnier (UMP) en 2009.
Cette réorientation vers les circuits courts avait d’ailleurs été annoncée cet été par Julien Denormandie, dès son premier déplacement : « Ce doit être un élément fort du plan de relance », avait-il expliqué, lors de sa visite sur le marché de gros de Rungis, mi-juillet. Il s’agissait déjà dans son esprit d’aides à l’investissement, dans des projets de légumeries par exemple, ce qu’il a confirmé le 3 septembre.
Julien Denormandie l’assure face aux journalistes : ce volet agricole du plan de relance est son oeuvre :
« Il a été défini à partir de la vision que j’ai élaborée avec mes équipes. »Oubliez les priorités fixées dans le Pacte productif, son équipe serait repartie d’une feuille blanche. D’ailleurs, expliquait-il en introduction à la présentation du plan, « c’est une occasion de consolider la vision de la politique que j’entends mener ». Reste à ce que cette politique soit validée par le Parlement, qui doit l’examiner tout l’automne dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

MR
AGRAPRESSE

Relance ambitieuse aux yeux des syndicats majoritaires.

La FNSEA et les JA saluent « l’ambition » du plan de relance dévoilé par le gouvernement le 3 septembre, suivis par les représentants de l’aval. De leur côté, les syndicats minoritaires dénoncent un saupoudrage, ainsi que l’orientation politique.

Le plan de relance présenté par le gouvernement le 3 septembre constitue, via son volet agricole, « un premier pas pour tendre vers la souveraineté alimentaire », salue la FNSEA dans un communiqué le même jour. « Les attentes affichées figurent bien dans le plan, à une hauteur autorisant l’ambition », se félicite le syndicat majoritaire. « La voie de la souveraineté est maintenant tracée, mais il faut que l’intendance suive », prévient la FNSEA, qui sera « extrêmement vigilant [e] à la traduction du plan de relance dans les faits ».
Quant aux Jeunes Agriculteurs, ils « saluent l’ambition pour la jeunesse agricole », soulignant notamment que le plan de relance intègre une campagne de promotion des métiers (pour 10 M€), un « levier de recrutement identifié de longue date par JA ». « Le travail doit aussi continuer sur des dossiers d’envergure, comme la gestion des risques », rappelle leur président Samuel Vandaele.

YG

Outre-mer :

■ Sur les 100 milliards du plan, les outre-mer représentent 1,5Mrd€, dont 80 M€ destinés à la « transformation de l’agriculture », qui est un des quatre axes dédiés à ces territoires. Dans le détail, les fonds sont alloués à « la diversification des cultures, la modernisation des abattoirs, le renouvellement des équipements », avec pour objectif « d’atteindre d’ici 2030 la souveraineté alimentaire des Outre-mer », comme annoncé par Emmanuel Macron en octobre 2019.

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