Interview
"Il ne faut pas montrer du doigt les agriculteurs car ils sont la solution"
Le 15 mars 2021, la DDT de Haute-Loire a changé de directeur. Prenons le temps de faire plus ample connaissance avec Bertrand Dubesset, un ingénieur agricole passionné d'agriculture et optimiste de nature.
Le 15 mars 2021, la DDT de Haute-Loire a changé de directeur. Prenons le temps de faire plus ample connaissance avec Bertrand Dubesset, un ingénieur agricole passionné d'agriculture et optimiste de nature.
Vous êtes arrivé en Haute-Loire le 15 mars dernier pour diriger la Direction Départementale des Territoires. Pouvez-vous vous présenter ?
Bertrand Dubesset : J'ai 54 ans. Je suis né au Chambon-Feugerolles dans la Loire et je suis pour moitié originaire de la Haute-Loire puisque ma mère est née à Rosières. Donc la Haute-Loire c'est chez moi et c'est d'ailleurs le plus beau pays du monde ! Quant à l'agriculture, je suis moi-même issu d'une famille de paysans par mon grand père et mon père, qui avait une petite ferme en polyculture élevage lait à St Maurice en Gourgois avant de devenir ouvrier après la guerre d'Algérie.
Pour moi l'agriculture c'est une passion et j'ai vraiment envie d'être utile à mes concitoyens. Je dirige une petite direction technique de plus de 100 agents et je travaille sous l'autorité du Préfet que je sers loyalement. Le Préfet étienne a toute mon admiration car il dispose de grandes qualités et prend des décisions mûrement réfléchies ; il a par ailleurs une forme de reconnaissance pour l'agriculture et souhaite être très proche des agriculteurs en se rendant sur le terrain dès qu'il le peut. C'est aussi un homme qui a su faire preuve de courage à l'égard du virus Covid-19 qui l'a sévèrement frappé.
Quel regard portez-vous sur l'agriculture de notre département ?
B. D : Il s'agit d'une agriculture dynamique marquée par des handicaps que je connais bien pour avoir déjà travaillé en DDT au Puy de février 2008 à janvier 2011... Mais la Haute-Loire est en train de transformer ses handicaps en atouts grâce au travail et au courage de ses agriculteurs. Car les agriculteurs sont des gens courageux qui aiment leur pays.
L'agriculture altiligérienne se transforme et son évolution est bien en adéquation avec les transformations attendues par la société. L'agriculture française est en train de vivre sa troisième révolution qui consiste à relever les défis de la nutrition, de l'environnement et de la compétitivité aux moyens du numérique, de la robotique (dont l'intelligence artificielle), la génétique et le bio-contrôle. Toutes ces innovations doivent contribuer à la transition agro-écologique et aider à l'adaptation au changement climatique. Si le monde agricole s'est toujours adapté aux besoins du peuple français et, par le fait, n'a pas à avoir honte de son histoire, aujourd'hui, la demande change et l'agriculture doit relever un défi, celui de réduire les pesticides. Or techniquement, cela sera possible, mais cela prendra un peu de temps. C'est pourquoi, il ne faut pas montrer du doigt les agriculteurs car ils sont la solution et nous devons les aider dans leur mission.
La Haute-Loire est-elle en bonne position pour aborder cette 3ème révolution agricole ?
B. D : Oui nous sommes très bien placés car c'est une agriculture qui n'a pas porté atteinte à son environnement. Le sol, l'air et l'eau sont les éléments les mieux préservés, ce qui permettra de relever ces défis. En plus, les agriculteurs peuvent compter sur le plan de relance pour accélérer le changement.
Malgré ses faiblesses liées aux handicaps naturels, l'agriculture altiligérienne pourra heureusement compter sur une ICHN préservée ; c'était indispensable... La politique publique va de surcroît dans le sens d'une amélioration du revenu agricole avec Egalim 1 et 2. Ce sont des politiques nouvelles qui sont en train de supprimer tous les effets de la loi LME (sur le commerce) qui était défavorable à l'agriculture. Alors oui ce n'est pas parfait, mais les progrès se font sentir progressivement.
Quels sont les dossiers prioritaires selon vous ?
B. D : Je dirais en premier lieu l'installation et le renouvellement des générations. Cette année, nous avons atteint 84 installations aidées et autant de non aidées. Le score est haut par rapport aux années précédentes même si je rêverais que ce chiffre soit supérieur.
L'adaptation au changement climatique est aussi un dossier important et c'est pourquoi le Ministre de l'Agriculture a souhaité un Varenne de l'eau et du changement climatique avec une refondation du dispositif des calamités agricoles et une assurance récolte. L'évolution climatique induit aussi un volet dédié à l'adaptation et à la préservation des cultures et à la gestion de la ressource en eau.
En matière de gestion de ressource en eau, les projets de retenues collinaires semblent exaspérer les tensions. Quelle est votre position ?
B. D : De passage en Haute-Loire le 4 novembre, le Ministre de l'Agriculture a dit : "quand l'eau tombe en quantité excessive, il faut pouvoir en retenir une petite partie". Dans la continuité de ses propos, mon rôle est de rechercher les bons consensus avec la société et de sortir des postures d'opposition.
De quelle manière en sortir ?
B. D : Afin de susciter le dalogue sur ce sujet-là, le Préfet prend actuellement des initiatives en premier lieu avec l'agence de l'eau et les élus des collectivités territoriales du département. En tout cas c'est un dossier de longue haleine pour lequel des progrès seront constatés.
La PAC est aussi un sujet que je voudrais aborder. La PAC 2023 est une chance pour la Haute-Loire car elle est très protectrice pour nos zones. Elle s'appliquera dès 2023 et nous travaillons (la DDT) avec la DRAAF et le Ministère pour que les soucis que nous avons vécus autour de la mise en place des aides en 2015 ne se reproduisent pas. Sur ce point, je voudrais évoquer le prochain transfert des mesures non surfaciques du Feader au conseil régional ; l'objectif est que le haut niveau de service fourni au monde agricole se poursuive. On a des personnels de grande qualité dévoués aux agriculteurs et demain ils continueront.
Et puis un grand événement approche : au 1er semestre 2022, la France prendra la présidence de l'UE. C'est une bonne nouvelle pour notre agriculture (voir encadré).
Alors que les charges des exploitations explosent, quels messages souhaitez-vous transmettre aux agriculteurs altiligériens ?
B. D : Je leur dis que le premier euro qui n'est pas dépensé inutilement, est le premier gagné ! Il faut aussi prendre le temps de réfléchir et de raisonner ses choix pour éviter de faire des erreurs en cette période difficile. Je voudrais également les informer de l'arrivée d'un nouveau suivi des parcelles dès 2023-2024. Ce changement va modifier les relations entre les agriculteurs et les fonctionnaires car les échanges autour de la déclaration PAC seront plus nombreux et suivis au fil de la saison (suivi automatique de l'évolution des parcelles via l'intelligence articificielle et suivi proposé par des organismes de services tels que la chambre d'agriculture). Il s'agira d'un accompagnement nouveau sans aucune volonté de sanctionner puisque le droit à l'erreur sera reconnu dans la PAC avec une possibilité de modifier sa déclaration initiale au cours de la campagne.