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Fleurs et plants potagers cherchent jardiniers

La filière horticole est particulièrement touchée par la crise liée au Covid-19 alors que le chiffre d'affaires de bon nombre d'entreprises se joue durant ses trois prochains mois. Tour d'horizon en Auvergne-Rhône-Alpes.

A Molompize, dans le Cantal, sous un soleil presque trop insolent au regard du climat général, chacun matin, au volant de son tracteur, Ingrid Gardel se plie au même exercice. La mort dans l'âme, elle jette tous les plants devenus impropres à la vente faute de clients. « Mon tracteur et ma remorque se sont transformés en corbillard ». 95 % des primevères à la poubelle, même destination pour toutes les salades semées en janvier dont les plants auraient dû être vendus depuis un mois... Et au fil des jours, la liste s'allonge. « C'est horrible de détruire ce que l'on a produit. Ce n'est pas dans l'ordre des choses », se désole la trentenaire. Pour tenter de sauver son activité, elle multiplie les coups de fils auprès de l'administration. « Depuis le 1er avril, une dérogation nous permet de vendre nos plants potagers sur les marchés de plein-air ». A priori, une bonne nouvelle pour l'entreprise familiale, qui du lundi au lundi, écoule sa production au rythme de deux à trois marchés par jour. Sauf que le temps que les décisions s'appliquent sur le terrain... « A titre d'exemple, nous sommes des habitués du marché de Langogne, et bien à priori l'arrêté n'est pas remonté au préfet, puisque pour le moment nous ne pouvons pas y retourner ». Via Facebook, Ingrid tente d'informer ses clients. Elle a mis en place un système de drive, mais pour le moment, le volume écoulé reste anecdotique : « Même si les gens crèvent d'envie de s'activer dans leur potager, ils craignent l'amende pour aller acheter trois plants de salades et quatre pots de fleurs ». Difficile dans ces conditions d'envisager l'avenir sereinement. « On souffre tellement économiquement et psychologiquement, que l'on ne sait pas si on va se relever ». Consciente que par effets dominos, la crise sanitaire pourrait peut-être briser son activité, elle pense aussi aux soignants, aux malades, à tous ceux en première ligne... « Cela aide à relativiser ».

Dans le flou

Prendre du recul, dans cette période où l'inconnu est devenu la nouvelle donne, semble être le lot de chacun. Rosiériste et créateur depuis cinq générations à Saint-Quentin-Fallavier dans l'Isère, Philippe Laperrière en sait quelque chose. « Notre entreprise a connu les guerres. Mais la crise que nous traversons est complexe, car l'ennemi est invisible ». Depuis le 15 mars, les livraisons sont à l'arrêt. Les grandes enseignes de la jardinerie et les collectivités au niveau national, principaux clients de la roseraie, ont stoppé leurs commandes. « Certains magasins sont ouverts, mais ne peuvent vendre que des plants et semences potagères. Nos rosiers sont considérés comme de l'agrément ». De l'agrément certes, mais du vivant. « Un rosier peut se garder un petit peu, nous retaillons les arbustes qui auraient dû être livrés. Il faut dix-huit mois pour fabriquer un rosier. Nous sommes donc obligés d'investir sur le futur, de mettre en culture et d'entretenir ». En clair, le chef d'entreprise a les mêmes charges, y compris salariales puisque les quatre permanents travaillent encore, sans générer de produits. Pire, d'ici mai, si les choses ne s'amélioraient pas, c'est un quart de la production qui pourrait partir à la benne.

La livraison : un système B qui a ses limites

Plus à l'ouest, dans le Puy-de-Dôme, Delphine Vernier témoigne de la même inquiétude. Celle qui a rejoint la société de son mari « Les Serres Fleuries » à la Roche-Blanche, en constituant une Earl, dix jours seulement avant le confinement a beau être optimiste, « voir les dettes s'accumuler sans grosse rentrée d'argent, ça fait flipper. On a commencé à jeter de la marchandise, nous avons fait des dons à l'Ephad situé sur la commune ». Comme beaucoup d'acteurs du secteur, elle se démène. Elle assure les livraisons pour des obsèques au cimetière ou au domicile : « Il y a malheureusement davantage d'obsèques, et moins de fleurs belges et hollandaises sur le marché, les familles se tournent donc vers les producteurs locaux ». Pour pallier à la fermeture de ses serres au public, qui représente l'essentiel de son activité, le couple mise donc sur les livraisons à domicile avec les limites que cela peur représenter. « Nous n'avons plus de saisonniers. On assure à deux les livraisons. En mai, nous accueillons en moyenne 200 clients par jour, on ne pourra pas faire 200 livraisons par jour ».

Vente de plants potagers : ce qui est désormais permis et comment ?

Le 1er avril, une porte a été ouverte par le Gouvernement permettant la vente de semences et de plants potagers sous certaines conditions.

Ainsi, se faisant le relais de la décision gouvernementale, la préfecture de Région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé, en fin de semaine, qu'afin de « soutenir la filière horticole et maraîchère et de ne pas compromettre la saison de plantation des potagers qui représentent une source d'alimentation importante, la vente de semences et de plants potagers est autorisée en Auvergne-Rhône-Alpes » et ce sous certaines conditions bien précises spécifiées dans le texte : dans les jardineries qui disposent de rayons alimentaires et fournitures pour animaux ; par extension dans tous les marchés autorisés par dérogation préfectorale ; sous la forme de vente directe à la ferme ou de type « drive ». Par ailleurs, dans son communiqué, la préfecture de Région rappelle que « la livraison à domicile de produits horticoles, y compris des plantes d'ornement et des fleurs, est autorisée dans le cadre général permettant ce type de vente. La vente de plants destinés aux professionnels est également autorisée car elle entre dans la catégorie des fournitures nécessaires aux exploitations agricoles. » A l'échelle nationale, la récente décision d'autoriser la vente de plants potagers est donc une « petite victoire face à une injustice », a réagi Mickaël Mercier, président de Val'Hov, l'interprofession de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. De son côté, le directeur du SNPHP (horticulteurs et pépiniéristes, FNSEA), Julien Legrix, conseille à ses adhérents de se tourner vers les préfectures qui « ont pris la liberté d'apporter des cadrages plus clairs qu'au niveau national ».

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