Dossier > Energies à la ferme (avec vidéos) : Qu’est-ce que le digestat et comment l’utiliser ?
Le processus de méthanisation produit du gaz mais également un résidu que l’on appelle le digestat et qui présente un véritable intérêt fertilisant. Et en vidéo, retrouvez d'autres types de production d'énergie à la ferme !
Dans le digesteur de l’unité de méthanisation, les bactéries méthanogènes dégradent environ les deux tiers de la matière organique. Le digestat produit est composé d’une fraction restante de matière organique biodégradable rapidement, de matière organique non biodégradable rapidement (lignine, hémicellulose) et de matière minérale (azote, phosphore, potasse et oligo-éléments minéraux). Ce digestat est une nouvelle matière, destinée à être épandue sur les parcelles agricoles. Sa composition en éléments fertilisants est directement liée aux types d’intrants qui alimentent l’unité de méthanisation. Il n’y a donc pas «un» mais «des» digestats, de composition différente, pour chaque unité et pour chaque type de ration. Le digestat a beaucoup moins d’odeur que les substrats de départ, car il a été digéré. Certaines odeurs peuvent parfois être senties à l’épandage, mais elles sont moins persistantes dans le temps que pour du fumier ou du lisier. La méthanisation présente en outre l’intérêt de réduire le potentiel de germination des graines d’adventices, d’après les études réalisées sur ce sujet (notamment le rumex, l’ambroisie, le chardon…). Sur les germes pathogènes, l’action de la méthanisation a des effets différents selon les germes. Une étude montre la disparition de salmonelle et des œufs d’helminthe, mais la permanence de listeria dans certains cas. À noter que les germes trouvés dans le digestat étaient déjà présents dans les substrats initiaux (fumier, lisier, pailles), donc étaient déjà épandus.
Visite d'une exploitation avec récupérateur de chaleur sur tank à lait et maison individuelle avec chaudière bois from Excepto on Vimeo.
Quelle valeur fertilisante ?
Les valeurs fertilisantes des digestats peuvent être assez différentes (cf graphique). Dans tous les cas, l’azote, le phosphore et la potasse présents dans les intrants se retrouvent dans le digestat. Il y a cependant davantage d’azote ammoniacal dans le digestat que dans les effluents de ferme. Cela en fait un produit à utiliser comme un engrais azoté, à action rapide. Si on utilise un séparateur de phase, le phosphore se retrouve en majorité dans la phase solide, alors que l’azote et la potasse se trouvent davantage dans la phase liquide. La phase solide peut être maturée ou compostée, afin de réduire sa teneur en azote ammoniacal, et ainsi être utilisée plutôt comme un amendement de fond.
Découverte d'une petite centrale hydroélectrique, installée en 2011 en Haute-Loire from Excepto on Vimeo.
Quel matériel d’épandage ?
Dans les unités en voie liquide, le digestat brut sort entre 8 à 12 % de matière sèche (MS). Celui-ci peut être épandu tel quel, avec des dispositifs permettant de limiter la volatilisation de l’ammoniac : buse orientée vers le bas, buse oscillante ou de préférence une rampe à pendillards, qui est obligatoire dans certains cas. Un système d’enfouisseurs peut également être utilisé. Dans le cas de digestat épais (11 à 12 % MS), difficile à épandre avec une rampe à pendillards ; un séparateur de phase est utile et permet d’obtenir deux produits. La phase liquide, à 5% MS environ, est plus facile à épandre car plus fluide. La phase solide, ainsi que le digestat solide issu de la méthanisation en voie sèche, à 20 à 25 % MS, peuvent être épandus avec un épandeur à fumier classique, ou de préférence avec une table d’épandage, comme pour du compost, pour mieux ajuster la dose. Le digestat solide peut également être composté.
Sechage en grange from Excepto on Vimeo.
Quelle réglementation ?
Selon le type d’intrants dans l’unité, la réglementation applicable à l’épandage du digestat ne sera pas la même. Un plan d’épandage est nécessaire quand les matières entrantes sont agricoles ou végétales (matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum, autres déchets végétaux). S’il y a d’autres intrants, notamment des déchets d’industrie agroalimentaire autres que végétaux, ou des boues de station d’épuration, les exigences sont plus poussées. Les distances d’épandage sont indiquées dans le tableau 1, qui à titre d’exemple compare les distances d’épandage du fumier, du lisier, du compost et du digestat dans le cas d’une exploitation agricole soumise à déclaration (pas de boues, de déchets carnés ni de graisses d’industrie agroalimentaire).
Claire Miard, conseillère énergie pour les chambres d’agriculture de Rhône-Alpes