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Sanitaire
Des moyens attendus pour freiner la pénurie de vétérinaires ruraux

Représentant moins de 19 % des professionnels inscrits à l’Ordre national des vétérinaires, le nombre de vétos
spécialisés en animaux d’élevage est en baisse constante. Vétérinaires, éleveurs et acteurs du monde agricole sont inquiets.

 

Sur les cinq dernières années, le nombre de vétérinaires déclarant une ac­tivité pour les animaux de rente est passé de 3 869 en 2016 à 3 155 en 2020, soit une diminution de 715 inscrits (- 18,5 %).
Sur les cinq dernières années, le nombre de vétérinaires déclarant une ac­tivité pour les animaux de rente est passé de 3 869 en 2016 à 3 155 en 2020, soit une diminution de 715 inscrits (- 18,5 %).
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Les derniers chiffres de l’Ordre national des vétérinaires (source : Atlas démographique 2021) le confirment : le nombre de vétérinaires en milieu rural a du mal à se maintenir. Si entre 2019 et 2020 une petite amélioration était visible, sur les cinq dernières années, le nombre de vétérinaires déclarant une activité pour les animaux de rente est passé de 3 869 en 2016 à 3 155 en 2020, soit une diminution de 715 inscrits (- 18,5 %).

Une activité qui n’est plus rentable
Ces chiffres demandent néanmoins une analyse pour être compris et il est assez simple de les vérifier par des témoignages de terrain. " La question du maillage territorial me préoccupe depuis 20 ans ", s’exclame Pierre Buisson, ancien président du Syndicat national des vétérinaires libéraux (SNVEL). À la différence des animaux de compagnie, " en rurale, les animaux ne viennent pas à nous. Il est impossible de déplacer une vache ou de faire le suivi sanitaire d’un troupeau de brebis à distance. Se rajoutent à cela des conditions de travail difficiles avec des gardes qui peuvent nous amener à intervenir sur une césarienne d’urgence à 3 heures du matin, seul et dans le froid en hiver, ainsi que des temps de déplacement longs entre une intervention dans un élevage et la suivante ", précise le vétérinaire exerçant à la clinique des Bulles Vertes à Saint-Galmier (Loire). Dans un contexte économique où " nos actes à la prestation ne paient pas le coût chargé de l’astreinte, sans la médecine vétérinaire canine et féline – et de façon plus large tous les soins destinés aux animaux de compagnie - le modèle est difficile voire impossible à construire. Les cliniques qui font uniquement de la rurale n’existent presque plus… ", analyse-t-il. Des propos confirmés par Benjamin Estienne, délégué régional du syndicat. " Le marché des animaux de compagnie connaît une croissance à deux chiffres. C’est l’activité canine qui nous permet encore de soigner des vaches " confirme-t-il.


Des éleveurs plus " pointus "
Pour Christophe Hugnet, conseiller Auvergne-Rhône-Alpes à l’Ordre des vétérinaires, la pénurie de vétérinaires ruraux est strictement liée à la baisse des installations en zone d’élevage. " Avec la diminution forte de la densité en élevage, l’économie y est fortement altérée. Comment voulez-vous que l’on valorise notre métier si en face les éleveurs n’arrivent pas à joindre les deux bouts ? L’économie de l’élevage va mal et le besoin de vétérinaires diminue. La logique est imparable ", constate-t-il froidement. Cette conjoncture a aussi poussé les éleveurs à davantage se former et à résoudre un certain nombre de " tracas quotidiens " de manière autonome. " D’année en année, ils ont appris à se débrouiller seuls et sont devenus de plus en plus pointus. Aujourd’hui, ils nous appellent vraiment que s’ils ne peuvent pas faire autrement… ", témoigne Sébastien Léger, vétérinaire à la clinique du Clair Matin à Bourg-en-Bresse (Ain). " Par exemple, en France, il n’y a plus aucun vétérinaire qui fait de l’obstétrique en élevage porcin. Les élevages ont leur propre maternité et les salariés sont formés aux gestes obstétricaux, les accidents sont exceptionnels. Lors d’une mise bas, et c’est aussi le cas pour les petits ruminants, les éleveurs tentent ce qu’ils savent faire. Dans la plupart des cas, s’ils n’y arrivent pas, ils considèrent que c’est perdu car la valeur individuelle de l’animal ne couvre pas le coût de l’intervention du vétérinaire ", illustre Pierre Buisson. " Cela est moins le cas en élevage bovin en raison de la valeur plus élevée de l’animal qui représente donc une perte financière plus importante pour l’élevage. À titre d’exemple, une césarienne bovine coûte entre 300 et 500 euros ", ajoute Christian Boulon, directeur des groupements de défense sanitaire (GDS) Loire et Ardèche.
Si l’on rajoute à ce contexte général la difficulté du conjoint ou de la conjointe à suivre sa compagne ou son compagnon en milieu rural et le fait que de plus en plus d’urbains qui entrent dans les écoles vétérinaires sont " frileux " à l’idée de s’installer à la campagne, " on comprend mieux pourquoi on n’est pas très nombreux à exercer la rurale et on sera de moins en moins si on ne leur donne pas de bonnes raisons de nous rejoindre ", ajoute Christophe Hugnet.


Le rachat inquiétant de cliniques vétérinaires
En parallèle, ces derniers mois, une succession de rachats de cliniques vétérinaires par de gros groupes d’investissement inquiète la profession.
Cette vague de rachats serait en cours depuis au moins six mois. " C’est le cas en Bretagne, dans le Grand-Est et ça commence à arriver dans notre région aussi. Il faut savoir que dans notre profession, ne peuvent pas être propriétaires ou copropriétaires d’une clinique vétérinaire les acteurs de l’aval et de l’amont. Or, ces grands groupes internationaux, par des montages financiers redoutables, arrivent à racheter nos cliniques. L’activité animaux de compagnie étant plus rentable, le choix est fait d’abandonner tout simplement la rurale. Cette situation risque vraiment de mettre en danger l’activité vétérinaire en milieu rural. Un contentieux est d’ailleurs en cours au Conseil d’État ", indique une source que nous garderons anonyme. 4 000 vétérinaires à ce jour seraient intégrés à ces groupes.

Pas de vétérinaires, pas d’éleveurs
En Ardèche, l’une des deux cliniques de la commune de Lamastre a déjà fait les frais de ces investisseurs sans pitié. " Les éleveurs ont reçu un courrier les informant que la clinique ne pourrait plus assurer le suivi sanitaire de leurs troupeaux. Quelque 140 détenteurs d’animaux, dont une grosse moitié d’éleveurs, se sont retrouvés sans vétérinaire ", constate, amer, Christian Boulon. Conséquence : " Les éleveurs vont frapper à la porte des cabinets des alentours déjà surchargés. Dans l’autre clinique vétérinaire de la commune, les deux vétérinaires s’approchent de la retraite. Il va falloir rapidement trouver une solution. S’il n’y a plus de vétérinaires ruraux sur nos territoires, il n’y aura plus d’éleveurs ", s’inquiète Denis Glaizol, éleveur de chèvres et maire de la commune voisine d’Empurany. " Notre activité rurale, c’est notre activité de cœur. On ne veut pas abandonner nos éleveurs ", reprend Benjamin Estienne. Il n’y a plus de temps à perdre également pour Christian Boulon : " Il y a clairement une notion d’urgence. C’est maintenant qu’il faut y aller avant qu’il y ait des Lamastre bis ! "
 

 

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