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Des baisses de prix du lait redoutées dans les prochains mois

Dans un contexte inédit de crise sanitaire avec des répercussions sur l’ensemble des secteurs agricoles, l’Institut de l’élevage organisait le 2 avril un Webinair pour analyser ses effets sur la filière laitière. Les experts redoutent une dégradation du prix du lait.

« l’enjeu de la fermeture de la RHF est moins important que celui de l’exportation », affirme Gérard You, économiste à l’Idele
« l’enjeu de la fermeture de la RHF est moins important que celui de l’exportation », affirme Gérard You, économiste à l’Idele
© auvergne agricole

Depuis le début de la crise sanitaire, si la fermeture de la restauration hors foyer conduit à des reports de consommation de produits laitiers sur les circuits de distribution alimentaires, principale- ment les grandes surfaces (GSA), les comportements des consommateurs changent aussi. Les laits conditionnés, le beurre, la crème, l’ultrafrais et les fromages industriels sont plébiscités au détriment des fromages à la coupe et à plus haute valeur ajoutée. Lors d’un Webinair le 2 avril, l’Institut de l’élevage faisait le constat d’une hausse de 22 % des achats en crèmerie sur les semaines 9 à 12 (chiffres IRI 360°). Les débouchés en RHD ont ainsi plongé de 85 %, variables selon les transformateurs, la vente de produits laitiers aux industries agroalimentaires a baissé de 25 % et l’export de 25 % également.

Des impacts contrastés

Dans ce contexte, l’impact est contrasté selon les laiteries. Les petites, spécialisées en produits de grande consommation (PGC) et orientées vers la RHD sont très pénalisées. Les opérateurs positionnés sur les laits conditionnés sont plutôt avantagés. Les groupes laitiers, de dimension régionale à internationale, sont diversement touchés, car présents sur tous les marchés : leurs mix produits et débouchés leur permettent d’amortir le choc et ils sont capables de fabriquer du beurre et de la poudre maigre. Les coopératives de collecte sont plus ou moins exposées selon la part de lait vendu sur le marché spot, où le prix du lait est aujourd’hui en-dessous des 200 euros les 1000 litres.

« Toutes les laiteries demandent à leurs livreurs de modérer leurs livraisons printanières, certaines avec des incitations, comme un malus au printemps qui sera compensé par un bonus cet été », relève Gérard You, économiste à l’Idele. Dans les bassins AOP, les décisions prises sont plus contraignantes. Exemple : la filière comté, qui « demande de baisser de 8 % la production et la livraison de fromages afin de ne pas affecter le niveau de prix et la valeur à terme. » Le Cniel (interprofession laitière) a mis en place un dispositif incitatif. « L’interprofession demande à la Commission européenne l’autorisation de mettre en place pour le mois d’avril un fonds de solidarité exceptionnel de 10 millions d’euros (trésorerie Cniel) qui pourra indemniser tout éleveur dans son effort de limitation de production », indique un communiqué le 31 mars. La filière souhaite également la réactivation « au niveau européen des aides au stockage privé de fromages, beurres et poudres ».

Des exportations difficiles

Pour autant, « l’enjeu de la fermeture de la RHF est moins important que celui de l’exportation », affirme Gérard You. Si 42 % de la collecte laitière est destinée à la consommation des ménages français et seulement 6 % à la RHD, 37 % des produits laitiers sont exportés. « Les transformateurs exportent des produits de grande consommation vers les pays européens, qui ont tendance à privilégier leur approvisionnement nationale », observe l’analyste de l’Idele, qui note une baisse des commandes, des contrôles sanitaires plus contraignants aux frontières et des difficultés logistiques. L’export vers pays tiers (ingrédients laitiers, poudre de lait infantile…) est également affecté : « les contrats anciens sont honorés mais il n’y a pas de commandes pour l’avenir », indique-t-il. A l’approche du pic de production de lait dans de nombreux pays européen, les exportations s’annoncent donc difficiles.

« La croissance de la production de l’UE de + 1 % sur janvier-février n’était pas un problème avant la crise, aujourd’hui il en est un », indique l’économiste. Car ailleurs dans le monde, Etats-Unis, Argentine et Australie ont eux aussi produit beaucoup de lait. Un volume excédentaire qui va devoir trouver des débouchés.

Un prix du lait attendu à la baisse

Conséquence : la cotation de la poudre maigre en France a chuté de 440 euros en 4 semaines à 2200 euros la tonne. « Les cotations de la poudre pourraient tomber au niveau d’intervention dans un mois », observe Gérard You. Le prix d’intervention publique correspond au seuil à partir duquel la Commission européenne, afin d’assurer l’équilibre des marchés, achète les excédents de lait sous forme de poudre de lait. Même tendance pour le cours du beurre, qui s’effrite sur le marché spot. « Les stocks européens de beurre étaient plutôt modérés début janvier mais il y a un risque de très forte remontée saisonnière. »

Face à la chute des cours, « nous pouvons craindre une dégradation du prix du lait », alerte Gérard You. Il estime que les prix payés aux producteurs au printemps pourraient revenir au niveau de 2019. « A 355 euros les 1000 l en janvier et février, soit + 3 % par rapport à 2019, le prix du lait standard, Siqo compris, était robuste cet hiver », détaille le spécialiste. Des baisses de 20 à 30 euros les 1000 litres seraient à craindre sur le deuxième trimestre et le prix du lait conventionnel pourrait tomber à 335, voire 315 euros les 1000 l selon les laiteries, annonce l’Idele.

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