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Interview
David Chauve : « L’agriculture n’est pas un jeu. Les agriculteurs ne sont pas des pions »

Secrétaire général de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, David Chauve estime que le Gouvernement doit cesser de mener en bateau les agriculteurs avec des injonctions contradictoires invivables.
 

David Chauve est éleveur dans le Puy-de-Dôme, installé avec son épouse en Gaec en production laitière.
David Chauve est éleveur dans le Puy-de-Dôme, installé avec son épouse en Gaec en production laitière.
© TC

La rentrée agricole semble s’ouvrir dans un contexte aussi brûlant que les températures constatées ces derniers jours avec un équilibre charges-produits toujours aussi précaire ?
David Chauve : La question de l’économie reste centrale pour enrayer l’hémorragie de la production sur nos territoires. Le prix c’est ce qui donne de la perspective, apporte de la sérénité aux porteurs de projets et à ceux qui les accompagnent. Or, depuis quelques mois, le Gouvernement, en particulier son ministre de l’Économie en autorisant des négociations commerciales anticipées n’a qu’un seul but : baisser le prix de l’alimentation. Mais au bout du bout, nous savons pertinemment que ce sont les producteurs qui vont trinquer, et que l’impact auprès des consommateurs sera très limité. La tactique de s’attaquer à l’alimentation est connue, en revanche, d’autres postes de dépenses comme l’énergie, le logement ou les biens manufacturiers ont explosé, mais cela on n’en parle peu.


Craignez-vous que le principe fondamental de la loi Ega de la non négociabilité du prix des matières premières soit dénaturé ?
D.C. : C’est évidemment le risque. D’où notre responsabilité de hausser le ton car ce n’est pas le moment de reculer sur l’élément fondamental : la prise en compte de nos coûts de production. Aucun secteur économique ne vend à perte, pourquoi le secteur agricole devrait être exempt de ce principe économique fondamental ? La mise en place des contrats avec les indicateurs interprofessionnels de coût de production a certes pris du retard, notamment dans la filière laitière, mais ce n’est pas une raison pour reculer. Les revenus sont meilleurs même s’ils ne sont pas encore au niveau des coûts de production. Notre niveau de charges est encore particulièrement élevé, et l’annonce de la fin de l’exonération sur le GNR est un coup dur supplémentaire. Le Gouvernement souffle le froid et le chaud. Par ces décisions incohérentes, il hypothèque dangereusement la souveraineté alimentaire de notre pays dans l’indifférence générale la plus totale. L’ambition agricole mérite de traiter tous les sujets de manière globale avec du recul et de la prospective, car on se rend compte que certaines décisions prises le matin vont à l’encontre de celles prises la veille. Les pouvoirs publics doivent bien mesurer les conséquences de leur décision sur toutes celles et ceux qui ne comptent pas leurs heures, qui s’adaptent en permanence avec les aléas du vivant pour au final nourrir leurs concitoyens. Nous ne lâcherons rien, car aussi belles soient les intentions, nous avons besoin de perspectives de prix pour vivre.


Sur le terrain, sentez-vous les agriculteurs désabusés ?
D.C. : On parle souvent de fragilité économique, mais force est de constater qu’en élevage, le danger est autant social qu’économique. Le prix est le dénominateur à beaucoup de malaises. Les agriculteurs n’encaissent pas les aléas de la même manière quand ils sont sereins économiquement qu’en étant en permanence sur la brèche. Nous devons gérer trop de choses, sur lesquelles nous n’avons plus forcément la main. Cela génère de la frustration, de la colère, et un sentiment d’impuissance. Le Gouvernement, par ces injonctions contradictoires, ne peut pas continuer à jouer de la sorte avec les nerfs des agriculteurs. Notre mission de responsable professionnel est de défendre et d’accompagner les projets agricoles viables et vivables, à condition toutefois que les règles du jeu ne changent pas sans arrêt, et qu’on ne nous demande pas tout et son contraire.


Des contrôles, disons un peu trop zélés, ne sont pas de nature à apaiser ce sentiment de malaise…
D.C. : Au niveau de la FRSEA Aura, nous essayons de comprendre et de calmer le jeu. Dans certains départements, l’attitude de contrôleurs de l’OFB chez les agriculteurs est inadaptée. Cela a pris un tournant disproportionné notamment au regard des incivilités beaucoup plus graves qui parcourent notre société. Les agriculteurs ne sont pas des voyous. Nous avons fait état de ces incidents auprès des responsables de l’OFB.  Avec les organisations agricoles d’Aura, nous souhaitons expertiser le champ de l’assurance juridique afin de permettre à l’agriculteur de se défendre lorsqu’il entre en procédure. Au niveau régional, nous sommes en train de répertorier les référents juristes et avocats à l’aise sur ces sujets environnementaux. L’idée est de faire en sorte que le comportement des agents redevienne humain et tolérant lorsqu’il y aura des anomalies constatées. Si cela va plus loin, les agriculteurs doivent avoir le réflexe de l’accompagnement juridique.


La région Auvergne-Rhône-Alpes a encore fait les frais d’épisodes climatiques particulièrement sévères, de grêles notamment, mais aussi de sécheresses sur certaines zones… Le nouveau dispositif de gestion des risques est-il opérationnel ?
D.C. : De gros épisodes de grêles ont effectivement encore touché l’Allier, la Haute-Loire, l’Ardèche, la Drôme… Même si son ampleur n’est pas aussi importante que l’an dernier, la sécheresse a encore sévit sur certains périmètres. Alors que le nouveau dispositif de gestion des risques a été mis en place cette année, nombreux sont les agriculteurs qui ont choisi d’assurer leur prairie. Il est temps qu’ils demandent des comptes à leur assureur, sachant qu’au-delà de 30% de pertes, la responsabilité de l’État est engagée. À date, des anomalies du satellite ont comme l’an dernier été constatées. Ce défaut de fiabilité doit impérativement être corrigé par la mise en place de fermes de référence sur tout le territoire. Rappelons que la prairie reste la seule production à ne pas passer par une expertise terrain. Là encore, cela relève d’une injustice flagrante.


Qu’attendez-vous du groupe national loup qui se réunira le 18 septembre prochain ?
D.C. : Là encore, les pouvoirs publics doivent revenir à la raison. Les éleveurs doivent être autorisés à défendre leurs animaux sans avoir à attendre que plusieurs attaques se soient déjà déroulées. L’objectif de la profession agricole vise zéro attaque et zéro victime sur les troupeaux ! L’État doit donner les moyens de se défendre aux agriculteurs par la régulation de la population de loups.

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