CETA : "Le combat continue"
Si les députés ont voté, ce mardi, en faveur d'une ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, pas question de baisser la garde, pour Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA.
Malgré des arguments objectifs étayés par des rapports d'experts commandés par Matignon notamment (rapport Schubert en septembre 2017), les députés français ont voté en faveur d'une ratification de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada...
Patrick Bénézit : L'accord passe in-extremis. Nous pouvons être fiers d'avoir déployé tous les arguments dénonçant la nocivité d'un tel accord. Au sein même de la majorité, fait assez inédit, il y a eu des votes contre et beaucoup d'abstentions. Des députés ont voté par discipline alors qu'ils savaient très bien à quoi l'agriculture française risque d'être exposée avec un tel accord.
Le recours du Canada aux farines animales, aux activateurs de croissance et aux pesticides, est au coeur du combat porté par la profession. Estimez-vous que la discipline de vote de la majorité LREM a primé sur l'intérêt des agriculteurs et des consommateurs français ?
P.B. : Avec d'autres pays, le Canada vient d'attaquer l'Europe à l'OMC car l'UE n'utilise pas certaines molécules. Preuve que ce pays n'a pas du tout l'intention d'abandonner son modèle au profit du nôtre. Les parlementaires ont voté en connaissance de cause, en sachant pertinemment que le Canada a recours aux farines animales, aux activateurs de croissance, autorise 46 pesticides, et que les normes de transport des animaux sont de 16 heures, quand elles sont de 8 chez nous. Mais le combat n'est pas terminé. Le texte doit être examiné à l'automne au Sénat. Si le Sénat ne le ratifie pas, il repassera par l'Assemblée nationale.
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse et par ailleurs éleveur, a défendu bec et ongles ce texte. Inconcevable pour vous ?
P.B. : Le plus désespérant pour nous, c'est qu'un député soi-disant paysan, non seulement est voté le texte mais qu'il ait de surcroît participé à sa propagande mensongère. C'est affligeant et nous n'aurions jamais cru que cela puisse aller jusque-là. Nous n'aurions jamais imaginé que Jean-Baptiste Moreau en connaissance de cause, défende avec une telle véhémence cet accord. Qu'il soit utilisé par la majorité en tant qu'agriculteur c'est inquiétant, d'autant que cet accord n'est pas compatible avec l'article 44 de la loi alimentation issue des Etats généraux.
Propos recueillis par Sophie Chatenet