Campagnols terrestres : mobilisation générale pour optimiser la lutte
Le comité technique et de recherche sur le campagnol terrestre a évoqué dernièrement les avancées des différents protocoles de recherche et la fin annoncée de la bromadiolone.
L’actualité autour de la lutte contre le campagnol terrestre est marquée par l’annonce récente de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) du prochain retrait de l’autorisation de mise sur le marché du Super Caïd, appât à base de bromadiolone. “Sans soutien par un État membre de l’Union européenne et au vu de son profil toxicologique, la bromadiolone perdra son autorisation comme substance active au printemps 2020”, indique Françoise Baubet, de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes.
Le couperet tombe donc plus vite que prévu. “Pour nous, il n’est pas question que la bromadiolone soit suspendue sans qu’il y ait une alternative crédible”, explique Patrick Bénézit, président de la Copamac. “La règle européenne nous permettrait de pousser la fabrication jusqu’à mi-2021 et la vente jusqu’à fin 2022. C’est ce que nous allons proposer avec Fredon France à la DGAL(1) et à l’Anses”, explique Christian Munier, président de Fredon Aura.
Outre-Rhin, une molécule prometteuse
Dans la perspective de la suspension de la bromadiolone, la profession reste mobilisée. Un voyage d’études en Allemagne en juillet dernier a permis d’identifier deux nouveaux moyens de lutte chimique, non homologués en France à ce jour. “Des essais d’efficacité vont être menés en 2020 en Auvergne et en Franche-Comté pour alimenter le dossier de demande d’homologation en France”, précise Aude Agenis-Nevers, chargée de mission “campagnols” au Sidam.
Parallèlement, les recherches sur de nouvelles molécules campagnolicides à faible rémanence se poursuivent, avec des résultats probants, comme le détaille Virginie Lattard de VetAgroSup : “Aujourd’hui, deux molécules peuvent remplacer la bromadiolone, avec une efficacité comparable, et un impact surl’environnement bien moindre. Il s’agit notamment de la cis-bromadiolone qui fait l’objet d’une demanded’homologation qui pourrait aboutir d’ici un an.”
Immuno-contraception : vers un vaccin
Parallèlement, d’autres projets de recherche avancent. Ainsi, le projet “Contracamp” visant à limiter la capacité des campagnols à se reproduire par une stratégie vaccinale, a donné ses premiers résultats : “Sur 41 protéines identifiées, 23 sont déjà connues pour leur rôle dans l’infertilité”, détaille Areski Chorfa de l’Université Clermont-Auvergne. La définition précise du contenu du vaccin, son efficacité à déclencher une réponse immunitaire chez le campagnol et son mode d’administration (voie sous-cutanée ou gastrique) devraient intervenir en septembre 2020.
Sur le volet des phéromones, les travaux menés par une équipe de l’Inra sont aussi plutôt encourageants. Le projet “Phérocamp” étudie ainsi deux aspects : la communication olfactive pour déterminer les composés olfactifs capables d’attirer les campagnols terrestres vers des pièges ou des appâts, et la saisonnalité de la reproduction du campagnol, pour mettre en évidence la période la plus propice à l’utilisation des composés identifiés. “Les travaux sur la saisonnalité du campagnol montrent une forte régulation de l’axe reproducteur et confirment la reproduction saisonnée du campagnol”, explique Kevin Poissenot de l’Inra. Des tests sont actuellement menés en animalerie avec une modification artificielle de l’alternance jour/nuit afin de déterminer la sensibilité du campagnol terrestre à la photopériode. Les résultats de ces expérimentations sont attendus pour la fin du printemps.
Application, robotisation
Enfin, les projets de robotisation de la lutte et d’application de surveillance sont également menés de front. “L’objectif est de faire parvenir une information pertinente et ciblée aux agriculteurs le plus rapidement possible, par le développement d’un outil d’aide à la décision”, explique Yves Michelin de VetAgroSup, pilote du projet “application de surveillance”. Une simulation a été réalisée avec des données satellites permettant de localiser les prairies à forte densité de pissenlit. En croisant ces images avec l’emplacement des parcelles de fauche et d’ensilage, cela permet une détection précoce des démarrages. Ce modèle sera précisé prochainement en ajoutant des données de sol, puis affiné avec les agriculteurs et les partenaires.
(1) Direction générale de l’agriculture et l’alimentation.
Une population qui croît encore
Dans l’ensemble des départements du Massif central, les populations de campagnol terrestre sont majoritairement en phase de croissance. Fin 2019, plus de 1 000 contrats quinquennaux(1) de lutte ont été signés en Auvergne-Rhône-Alpes dont environ 770 dans le Cantal. En Nouvelle-Aquitaine, 90 % de la Corrèze, 50 % de la Creuse et 20 % de la Haute-Vienne sont touchés par la prolifération des campagnols. Des essais avec grillages enterrés ont été réalisés en arboriculture(2), avec un retour plutôt positif à 30 cm de profondeur. Côté Occitanie, une dizaine de contrats a été signée en Aveyron et en Lozère. Les populations sont en phase de croissance dans le Nord de la région, tandis que l’ensemble du territoire est également ncerné par la prolifération de campagnols des champs.(1) En cas de pullulation, l’indemnisation des pertes subies par le FMSE est conditionnée à l’engagement de l’agriculteur dans un contrat quinquennal de lutte.(2) En 2020, les arboriculteurs pourront signer des contrats de lutte contre les campagnols.