Calamité sécheresse Acte 1 : des promesses sur le grill
Jeudi 18 décembre, le Comité National de Gestion des Risques en Agriculture rendait son verdict sur la sécheresse dramatique de 2019 actant la calamité sécheresse sur le département, tout en excluant 40 communes de l’ouest creusois. Les résultats de l’épisode caniculaire connu cet été ainsi que le travail mené en amont sur les exploitations agricoles, n’auront pas servi à aiguiller la décision finale. Une délimitation cartographique et des arguments que les agriculteurs ont eu du mal à entendre : de quoi mettre le feu aux poudres…
À la réception du résultat, c’est tout un territoire agricole qui s’est soulevé ! Après une période de vigilance début mars 2019, le département était placé en alerte sécheresse dès le mois d’avril, puis par la suite en restriction d’eau. Le début d’une longue descente aux enfers pour les exploitants agricoles creusois. La FDSEA, Jeunes Agriculteurs, la chambre d’agriculture, ainsi que des agriculteurs s’étaient passé le mot afin d’aller rencontrer « l’État » comme ils le nomment. L’État, en l’occurrence, c’est Pierre Schwartz le DDT et Renaud Nury le secrétaire général de la préfecture. Et même si d’emblée, M. Nury affirme « qu’il est important d’échanger sur le sujet et que la préfecture est déçue du résultat du CNGRA », rien ne va adoucir la colère et les interrogations du monde agricole. Face au Directeur départemental des territoires, Pascal Lerousseau, président de la Chambre d’agriculture de la Creuse, s’insurge : « Où est passé le travail que nous avons fait sur les données du terrain ? ». Avec lui, autour de la table, tous s’interrogent sur l’issue du résultat communiqué la veille. Pascal Lerousseau réitère : « nous avons travaillé en amont sur le terrain. À Paris ils sont en mesure de prendre des décisions sécheresse sans venir voir comment ça se passe ? Soit l’État nous fait confiance soit il faut qu’on cesse toute collaboration ». Au préalable, la FDSEA, JA et la Chambre d’agriculture avaient porté un dossier calamité sécheresse avec une demande de 15 millions d’euros et la reconnaissance du territoire dans sa globalité. La cartographie élaborée en collaboration avec la préfète convenait à tous. Le secrétaire général tente de rassurer, expliquant « que la position des services de l’État de la Creuse a toujours acté sur la non révision de la première proposition ». Cependant, malgré une longue étude menée pour faire valoir leurs doléances, les agriculteurs allaient voir la proposition de la Direction Générale de la Performance Énergétique retenue, au détriment de la leur. Par ce biais, le rendu du CNGRA s’appuyant sur la DGPE allait exclure 40 communes creusoises de la calamité sécheresse mais aussi allouer une enveloppe moindre que celle de l’an passé. Une enveloppe ? Pire. « On ne délègue pas une enveloppe, on garantit des taux de calcul de l’indemnisation ».
L’ouest de la Creuse mis sur la touche
La base de raisonnement de la DGPE s’appuie sur un régime de perte notifié et qui intervient à hauteur de 30 % de perte. Trois zonages ont été fixés, dont une totalement exclue du plan calamité sécheresse. Qui sont ceux mis sur le banc de touche ? L’État affirme ne pas avoir la liste officielle des communes ! Christian Arvis, secréaire général de la FDSEA de la Creuse, interpelle les représentants de l’État : « On ne nous écoute pas. On délaisse le terrain. Plus de 150 exploitations sont en déficit fourrager, un agriculteur vit avec moins de 300 €/mois. Comment vont-ils faire ? ». La réponse à apporter aux éleveurs c’est aussi ce qui chagrine les représentants des syndicats. Jean-Marie Colon des JA rejoint Christian Arvis : « pas de fonds pour les agriculteurs ? comment va-t-on leur expliquer qu’ils ne vont pas pouvoir nourrir leurs animaux ? ». Dans un contexte où le suicide agricole est déjà trop présent, l’heure est à l’appréhension. « Il faut le supporter ce métier. Vous allez être des assassins ! »
Des incohérences
Les yeux rivés sur les cartographies ayant servi de points de repères¹ pour acter le résultat sécheresse, les esprits des agriculteurs s’échauffent. Rien n’est compréhensible : ni la provenance de ces cartes ni même le rapport établi entre celles-ci et les arrêtés sécheresse pris par la préfecture. On parle de bilan fourrager positif dans l’ouest Creuse. Comment peut-on avoir des bilans positifs alors que la restriction d’eau englobée tout le département ? Comment peut-on avoir des terres non prises en compte et en plein milieu, une commune en zone sécheresse ? Un zonage qui intervient maintenant mais qui n’était pas en place avant. De quoi souligner certaines incohérences notamment sur la positivité des bilans fourragers qui par exemple, ne « prend pas en compte l’abreuvement des bêtes ». Le DTT en convient, « on peut faire remonter les difficultés par les bilans fourragers mais ces bilans ne prennent pas tout en compte ». Une mince répartie face aux attentes des représentants de syndicats. Malgré l’écoute et la compréhension du DDT et du secrétaire générale de la préfecture, seule la proposition de « faire remonter les réactions légitimes dés le soir même au cabinet du Premier ministre » a pu être donnée. Maigre consolation après cette entrevue. Les portes de la DDT se sont refermées derrière la FDSEA, JA et la Chambre d’agriculture qui sont repartis avec la même idée « On ne tolérera pas que cette décision passe ». Repartis, apostrophant en cœur leurs interlocuteurs « Merci et à demain »…
1. Les indices statistiques étant les données ISOP, GEOSYS sur les 10 dernières années, Airbus (données privées) et sur les données fourragères. Cependant cette base ne prend pas en compte les autres informations négatives.