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Antoine Cayrol : chevalier... de l'extrême

Il est l'un des neuf seuls alpinistes au monde à avoir atteint les trois pôles : nord, sur, Everest. Un parcours vertigineux qui lui vaut d'avoir été promu dans l'ordre national du Mérite.

Antoine Cayrol l'homme aux 1 500 sommets dont 50 premières.
© A. Cayrol

On croit tout savoir du Cantal et de ses grands Hommes : de saint Géraud au Pape Gerbert, du Président Doumer à Pompidou, du paléoanthropologue Marcellin Boule à la peintre Élise Rieuf, du cardinal Saliège à l’intrépide Marie Marvingt... Une galerie d’illustres personnages à laquelle il conviendrait rapidement d’ajouter celui d’un sportif hors normes, explorateur des temps modernes qui, il y a 47 ans, a décidé d’inscrire ses pas et son souffle dans ceux d’un montagnard, Frison-Roche, dont la lecture de son “Premier de cordée” résonnera comme une révélation pour l’adolescent vicois. Et il faudrait bien plus qu’une encyclopédie et une pléiade de documentaires pour retracer les faits d’armes, aventures et exploits de celui qui fait partie du cercle très fermé des neuf alpinistes au monde à avoir atteint les trois pôles : pôle Nord, pôle Sud et 
Éverest. 
À 58 ans, Antoine Cayrol, devenu bi-patride, passant ses hivers au Lioran comme moniteur de ski à l’ESF où il a œuvré pour le développement du handi-ski(1), et la belle saison dans les Alpes, au bureau des guides de Chamonix, peut se prévaloir d’avoir gravi 1 500 sommets, dont 50 restaient jusqu’alors vierges de tout pas humain. Pourtant, c’est un accent intimiste, emprunt de modestie et simplicité, qu’il a souhaité donner à la cérémonie que la mairie de Vic-sur-Cère a organisée le 13 avril en son honneur suite à sa promotion comme chevalier dans l’ordre national du Mérite. Une distinction dont l’initiative revient à sa fille Lara, et l’aboutissement au député Descœur qui a milité auprès des instances concernées. Une médaille que le Cantalien avait reçue quelques semaines plus tôt dans son second fief, chamoniard.

Premier de cordée

Votre première ascension, c’était... ?
Antoine Cayrol : “J’ai démarré l’escalade quand j’avais à 11 ans, après avoir lu le livre “Premier de cordée” en sixième. J’ai grandi ici et j’ai toujours eu envie de devenir guide de haute montagne, alpiniste. C’était très peu développé ici. En ce sens, je dois dire que je suis un peu un précurseur.”

Cela supposait donc de partir ?
A. C. : “Il fallait que je m’expatrie parce que les montagnes d’ici ne suffisaient pas. À 18 ans, après avoir intégré le ski club du Lioran pour devenir moniteur, je suis entré à l’école militaire de haute montagne de Chamonix qui formait les sous-officiers de Chasseurs alpins, et qui comptait une unité, le Groupe militaire de haute montagne (GMHM), composé de dix hommes, des alpinistes ayant le statut de sportif de haut niveau. Mon graal, c’était d’intégrer cette unité. J’ai d’abord servi trois ans dans les bataillons de Chasseurs alpins à Bourg-Saint-Maurice. Ensuite, comme j’étais un alpiniste chevronné, j’ai été remarqué et j’ai intégré cette unité en 1990.”

Autodidacte complet ?
A.C. : “Oui, mais j’étais un bon grimpeur, je lisais plein de bouquins là-dessus. J’avais de l’engagement, je grimpais toujours en premier de cordée ; même ici où le rocher n’est pas très bon, j’arrivais à faire des choses difficiles, j’étais également assez bon en glace malgré du matériel moyen.”

Quel a été le regard des Chamoniards sur ce jeune Cantalou issu d’une “montagne à vaches” et qui débarquait dans les Alpes ?
A. C. : “Aucun problème : le milieu montagnard est un milieu où l’on reconnaît le mérite, la valeur. J’ai toujours été très bien intégré.”

Quel est précisément le rôle du GMHM au sein duquel vous avez évolué durant 13 ans ?
A. C. : “La vocation du groupe est de réaliser des premières, c’est une vocation un peu de prestige. C’est aussi de tester du matériel qui peut avoir des applications pour les troupes de montagne plus opérationnelles. Il s’agit également de servir de support humain à des protocoles de recherche scientifique, d’adaptation de l’homme au froid, à la haute altitude... Ce groupe, avec lequel j’ai fait une vingtaine d’expéditions, continue à se concentrer vers des objectifs d’envergure, sur de grandes parois, de grandes montagnes.”


Et après 2003 ?
A. C. : “J’ai quitté cette unité, je suis revenu dans le Cantal, j’ai intégré l’école de ski du Lioran 
- j’y suis toujours d’ailleurs. Mais comme les hautes montagnes me manquent, je suis guide de haute montagne l’été à Chamonix. Et j’ai toujours continué les expéditions à mon niveau, avec des copains, en les préparant nous-mêmes, avec des budgets plus serrés mais des objectifs intéressants puisqu’il y a une dizaine d’années, on a été été sélectionnés aux Piolets d’or qui récompensent les plus grandes ascensions.”

Impossible de choisir un sommet parmi les 1 500 que vous avez gravis ?
A. C. : “Impossible, c’est une mosaïque de souvenirs qui me tiennent compagnie tous les jours.”

La peur est toujours présente, nécessaire ?
A. C. :”La peur est évidemment nécessaire, car c’est un voyant rouge qui s’allume et qui amène à la vigilance ; celui qui n’a pas peur est inconscient au vrai sens du terme. Quelque part, elle a parfois un petit côté savoureux, a posteriori bien sûr. Elle procure une émotion qu’on n’est pas très loin de rechercher aussi.”

L’alpinisme pour vous, c’est une histoire sans fin ?
A. C. : “Oui, c’est sans fin. Je grimpe toujours beaucoup et je le ferai tant que je serai en forme et en bonne santé. Je suis bien conscient que les grandes expéditions sont derrière moi.”

La dernière “aventure”, c’était où ?
A. C. : “Je reviens d’une grande navigation de la Terre de feu jusqu’au Brésil en passant par les Malouines et l’Uruguay. Le but, c’était d’aller grimper ensuite dans les grandes parois du Brésil mais j’ai été malade et je suis rentré. Sinon, l’an dernier c’était en Antarctique, et en Géorgie, dans le Caucase.”

Des expéditions qui supposent beaucoup de préparation ?
A. C. : “Pas tellement, parce qu’on connaît tellement le sujet, qu’on a déjà le matériel, c’est souvent des copier-coller. On grimpe aujourd’hui dans les Andes comme on grimpe à Chamonix. Ce que j’aime bien maintenant, ce sont les montagnes auxquelles on accède en bateau.”

Qu’est-ce que cela apporte de différent ?
A.C. : “La dimension de la mer qui est fantastique, et puis c’est une marche d’approche au fil de l’eau ; c’est passionnant d’être sur un grand voilier avec de bons marins en partageant une même conception de l’aventure, celle d’un certain dépouillement avec des moyens logistiques qui ne sont pas faramineux.”

Comment financez-vous ces voyages au long cours ?
A. C. : “J’ai la chance de vendre des livres sur mes aventures qui me paient mes voyages, ainsi que mes conférences.”

Comment, émotionnellement, arrive-t-on à concilier et alterner ces expéditions hors du temps et de la civilisation, dures et engagées, avec des cours de ski en pleines vacances scolaires sur la prairie des 
Sagnes ?
A. C. : “Très facilement ! Avant d’être un sport de glisse, le ski pour moi est un sport de montagne. À tous mes élèves et notamment aux enfants de mes cours collectifs, je raconte toujours des histoires de montagne : l’Himalaya,  les pôles... Ils sont friands de ça, car je relie le ski à la montagne.”


Quel est le regard de l’alpiniste engagé que vous êtes sur le réchauffement climatique dont les effets métamorphosent la montagne que vous parcourez ?
A. C. : “Ce n’est pas facile d’avoir un regard très lucide. L’année dernière, j’étais au Groenland, je suis passé au pied d’un glacier que j’avais descendu en ski jusqu’à la mer en 1994 quand j’avais traversé le Groenland à pied en 40 jours. J’étais au pied de cette langue glacière que je croyais toujours existante même si je me doutais bien qu’elle serait un peu plus maigre, là elle était remontée de 1 000 mètres de dénivelé. À Chamonix aussi, le changement climatique est très visible avec les glaciers, qui en sont des marqueurs, que ce soit la Mer de Glace, ou le glacier des Bossons qui s’est retiré... On observe ça avec beaucoup de tristesse.”

La prochaine expédition est déjà planifiée ?
A. C. “J’aimerais bien aller grimper en Arabie Saoudite, sur les grandes parois du Wadi Rum, très peu connues et où l’on n’a pas le droit de grimper. Mais je suis peut-être en passe d’obtenir une autorisation pour l’automne prochain...”

(1) Il est aussi fondateur du club d’escalade Vertical Vic et cofondateur du bureau des guides d’Auvergne 

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