200 propositions pour dessiner un agenda rural
Le rapport « Ruralités : une ambition à partager », vient d’être remis, ce 26 juillet, à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, en visite dans l’Allier.
Ses cinq auteurs, experts missionnés en mars dernier par la ministre, y détaillent 200 mesures d’accompagnement des zones rurales pour améliorer la vie des habitants. Ces propositions viendront nourrir un plan d’actions à travers un « Agenda rural » déployé dans la durée. Une démarche qui fait écho à l’initiative européenne de développer un agenda rural dans l’Union européenne, à l’instar de son agenda urbain. Intéressons-nous plus particulièrement aux propositions formulées pour l’agriculture.
Faire des territoires ruraux des espaces d’excellence en matière de transition écologique, agricole et énergétique
La question du développement rural est fortement connectée à la question agricole et le développement rural ne se fera pas sans agriculteurs. Or, l’agriculture française fait face à trois défis majeurs : l’essoufflement du modèle agricole classique qui ne permet plus de répondre aux exigences environnementales et sociétales des consommateurs, la consommation foncière des terres agricoles qui réduit le stock de terres exploitables et participe à l’artificialisation des sols et le maintien des actifs agricoles et la transmission des exploitations qu’il convient d’anticiper urgemment en raison du départ à la retraite de près de 200 000 agriculteurs d’ici dix ans.
Le devenir de l’agriculture française dépendra également beaucoup de la future PAC actuellement négociée entre les États membres, la Commission européenne et le nouveau Parlement européen. La Mission alerte sur la baisse envisagée du budget européen pour la PAC et adhère à la position de la France de maintenir le soutien européen à destination de l’agriculture, car il s’agit d’un enjeu majeur de sécurité alimentaire, de développement économique des territoires ruraux et de soutien social pour des agriculteurs aujourd’hui fragilisés. La proposition européenne de soutenir le verdissement de la PAC est fortement encouragée par la Mission, qui est favorable au durcissement de la conditionnalité des aides pour rémunérer les services écosystémiques rendus par les agriculteurs, et à la fixation d’un objectif de dépense commun à chaque État membre consacré à l’environnement.
Il est temps de réconcilier l’agriculture et l’écologie
La transition écologique ne se fera pas sans une transition agricole qui tienne compte des impératifs climatiques et environnementaux, et qui s’adapte aux revendications sociétales d’une partie de la population en faveur de l’agriculture, respectueuse du bien-être animal, de la santé humaine et de l’environnement. L’artificialisation des sols devient un objectif urgent. Les collectivités territoriales sont confrontées au défi de préserver un foncier qui leur échappe pour lutter contre l’étalement urbain. Eurostat estime qu’un Français occupe en moyenne 445m² au sol (en comptant l’habitation, les centres commerciaux, les routes, etc.), soit près de deux fois plus qu’un Anglais et 1,4 fois plus qu’un Allemand. Dans le cadre de l’élaboration de la loi foncière en cours, la Mission propose de soutenir les mesures qui visent à ralentir la consommation foncière en milieu rural, notamment en taxant les plus-values foncières liées aux changements d’usages (de l’agricole vers le non-agricole), en mettant en place un droit de préemption pour les collectivités territoriales rurales, et en facilitant la sanctuarisation des terres agricoles dans les documents d’urbanisme. Cela suppose de réformer les instances de gouvernance et de régulation du foncier, en donnant notamment la possibilité aux intercommunalités de se saisir des compétences agricoles afin que la problématique du foncier soit pleinement intégrée dans les projets de territoire.
Les départs à la retraite massifs prévus pour les dix prochaines années doivent faire l’objet de réponses concrètes.
Le maintien de l’activité agricole est un enjeu essentiel pour le maintien des populations et d’une activité économique en zone rurale, le développement de l’attractivité touristique, mais aussi pour la préservation environnementale, pour l’entretien des espaces et pour maintenir des ressources alimentaires locales de qualité à destination de la population française.
Si de nombreux jeunes se portent candidats à l’installation, souvent issus du monde urbain ou non agricole, ce mouvement ne suffira pas à absorber les départs d’agriculteurs. Le niveau de cession des exploitations est croissant en raison de la pyramide des âges et, bien que le nombre d’installation reste important dans certains départements, il demeure insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Pour maintenir de l’activité agricole dans nos territoires ruraux, la Mission demande à analyser les besoins d’installation indépendamment des indicateurs de Pôles Emploi, mais en prenant en compte les besoins réels exprimés sur le terrain. Il s’agit également de lever les freins à la formation préparatoire à l’installation, en facilitant les modalités de financement, et ce dans tous les départements ruraux. Il est nécessaire également d’anticiper ce mouvement et de proposer des mesures concrètes pour faciliter l’installation de jeunes (ou moins jeunes) agriculteurs, qui n’ont pas accès au foncier ni aux réseaux. De nombreux acteurs agissent d’ores et déjà dans ce domaine et constituent des vrais acteurs du développement local ; il faut les soutenir. La Mission propose de réorienter les aides à l’installation agricole, vers une meilleure rémunération des emplois agricoles et de l’agriculture par rapport au volume de production et à la surface exploitée, et vers une facilitation de l’installation pour les jeunes et les néo-agriculteurs.
Enfin, la Mission rappelle l’importance de l’enseignement agricole dans la formation des jeunes ruraux (et urbains) et dans le développement local. La campagne de communication « aventure du vivant » menée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le ministère du travail et le ministère de l’éducation nationale peine à trouver des effets dans les territoires. Pour autant, il est absolument indispensable de maintenir ce maillage d’établissements et de renforcer leurs missions d’animation et de développement des territoires.